[Controverse] Pour ou contre la notion de digital labor

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Sur son blog Archinfo, Jean-Michel Salaün (ENS Lyon) propose une critique de la notion de digital labor.

Nous, les internautes ordinaires, ne travaillons donc pas pour les plateformes, mais éventuellement pour notre propre compte ou pour des partenaires des plateformes. Les plateformes nous observent afin de fluidifier les relations entre nous et ceux qui nous proposent des services. Mais cette observation génère un nombre considérables de données sur nos comportements. Cette accumulation a fait émerger une inquiétude quant à leur capacité à changer de registre, c’est à dire à dépasser leur fonction d’intermédiaire pour jouer un rôle politique. L’inquiétude est accentuée par les compétences en design de l’expérience utilisateur acquises par les plateformes parfois assimilées à de la manipulation. C’est sans doute la première limite sérieuse à un développement jusqu’ici spectaculaire par son ampleur et sa rapidité.

Sur son blog S. I. Lex, Lionel Maurel (Université Paris Lumières) lui répond en proposant une critique des critiques de la notion de digital labor.

Le principal intérêt de la notion de Digital Labor réside son potentiel « critique » et dans sa capacité à faire apparaître des situations d’exploitation auxquelles les plateformes soumettent leurs utilisateurs, rouvrant le débat sur la justice sociale au XXIème siècle. Or c’est un ressort à part entière de ces nouvelles formes d’exploitation de mobiliser de la « violence symbolique » (au sens où Bourdieu entendait cette notion) dans le but de faire participer les dominés à leur propre soumission. L’invisibilisation du travail effectué par les internautes sur les plateformes constitue de ce point de vue un des principaux moyens pour elles de maintenir les individus hors de possibilité de revendiquer un changement dans leur condition et le respect de leurs droits fondamentaux. Si nous travaillons en ligne «par défaut, fortuitement sans le savoir», c’est parce que tout est fait pour que nous le sachions pas. Dès lors, construire la catégorie du travail sur « l’intentionnalité des individus » ou sur « l’action volontaire et réfléchie » est éminemment problématique, car cela revient à incorporer dans la notion même de travail cette violence symbolique que les plateformes exercent, en contribuant par là à renforcer son efficacité.