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La guerre du copyright. Podcast d’Antonio Casilli (France Culture, La Grande Table, 08 févr. 2012)

Podcast de La Grande Table, le magazine culturel de la mi-journée sur France Culture, consacré à l’affaire Megaupload et à la guerre du copyright. Pour en parler avec Caroline Broué, les historiens Pascal Ory et André Gunthert et le sociologue Antonio Casilli, auteur de Les liaisons numériques. Vers une nouvelle sociabilité ? (Ed. du Seuil).

Pour écouter d’autres podcast d’Antonio Casilli sur France Culture.

Alors que le débat sur la loi SOPA (Stop Online Piracy Act), en cours d’examen par le Congrès des États-Unis, fait rage dans la presse, le FBI s’octroye une petite partie de plaisir à Hong Kong et en Nouvelle Zélande, pour aller fermer une entreprise, Megaupload, qui héberge et diffuse des fichiers – souvent sans se soucier si les usagers qui partagent sont les ayants droit de ces contenus. D’où les frasques avec la justice étasunienne, qui conduisent à l’arrestation de son PDG Kim Dotcom.

La fermeture du célèbre site de partage marque le coup d’envoi d’une nouvelle saison de conflictualités politiques portant sur la propriété intellectuelle et sur le rôle des cultures numériques. Les lobbys des géants de l’industrie musicale et le président Sarkozy saluent l’opération du FBI comme une victoire de la “logique Hadopi”. Les Anonymous ménent des attaques en masse contre le site Web de l’Élysée, bloquent celui du FBI et mettent en ligne le cataloque Vivendi Universal. D’autres acteurs de la société civile se désolidarisent de Megaupload, accusé de exploiter à des fins commerciaux les fichiers partagés par les internautes.

Bref, nous assistons à une radicalisation (et en même temps à une fragmentation) des positions des acteurs impliqués : les Anonymous, les Partis Pirates, les industries culturelles, les télécoms adoptent des stratégies et des postures de plus en plus radicales et de plus en plus divergentes. Dans cette situation, certains voient le début d’une guerre de tous contre tous, une World War Web, une guerre civile dans laquelle les fossées idéologiques se creusent, et les actions se font de plus en plus violentes.

Et certains, tels Rick Falkvinge, fondateur du parti pirate suédois, envisagent sans détours de passer à la lutte armée : « Si l’on doit en arriver là après des années de protestation et de dur labeur, alors je m’adapterai. Je me battrai pour la liberté autant que je le peux, et j’aiderai les autres à s’organiser autour de la cause. Je suis passé de la préparation mentale à une réelle préparation à l’effrayante et douloureuse possibilité que la situation puisse devenir vraiment moche. La photo qui illustre cet article, le pistolet et la cible (…) a été prise de mon bureau, à cinquante centimètres de là où je suis assis. » Derrière les films et la musique partagés en ligne, se cachent peut-être des enjeux beaucoup plus lourds de conséquences. Ces événements sont peut-être les signes précurseurs d’un ‘internet de plomb’…

 

Au séminaire Médiacultures (LCP CNRS, Paris, 6 févr. 2012)

Le sociologue Antonio A. Casilli intervient pour parler de son ouvrage Les liaisons numériques. Vers une nouvelle sociabilité ? (Ed. du Seuil), dans le cadre du séminaire Médiacultures et Régimes de valeur culturels du Laboratoire ‘Communication et Politique’ du CNRS.

Sur ce sujet voit aussi la vidéo de l’intervention d’Antonio Casilli au séminaire Identités numériques du CNRS (22 mars 2011, 14h30).

Au séminaire de l'IXXI "Réseaux et mouvements sociaux" (ENS Lyon, 3 févr. 2012)

Le sociologue Antonio A. Casilli, auteur de Les liaisons numériques. Vers une nouvelle sociabilité ? (Ed. du Seuil), intervient pour parler du rôle des médias sociaux dans les révolutions arabes et dans les émeutes britanniques de 2011 dans le cadre du séminaire Réseaux et mouvements sociaux de l’IXXI,  Institut Rhône-Alpes des Systèmes Complexes.

Insurrections augmentées : modéliser le rôle des médias sociaux dans les émeutes britanniques de 2011

La saison de luttes et d’instabilité politique qui vient de s’ouvrir en Europe et dans les pays d’Afrique du Nord a eu dans les émeutes britanniques de 2011 l’un de ses épisodes marquants. Ces explosions de violence civile ont coïncidé avec la formation, du côté étatique, d’un large consensus politique autour de l’opportunité de censurer les médias sociaux et les réseaux de télécommunications mobiles. Notre intervention propose une étude basée sur une simulation multi-agents d’un processus de coordination d’émeutes urbains via les plateformes de networking social. La décision de “régler” et de limiter la communication sur les médias sociaux aurait pour conséquence une situation d’instabilité endémique et un niveau accru de violence civile. L’optimum systémique est en fait un équilibre ponctué, atteint en absence complète de censure et correspondant à des périodes significatives de paix sociale. Des conséquences généralisables à d’autres études sur des mouvements sociaux ‘augmentés’ par des dispositifs de communication numérique sont proposées.

"Social media to counter academic proletarization" : tribune d'Antonio Casilli dans LSE Impact of Social Sciences Blog (Royaume-Uni, 25 jan. 2012)

Le sociologue Antonio Casilli, auteur de Les liaisons numériques. Vers une nouvelle sociabilité ? (Ed. du Seuil), est l’invité de Impact of Social Sciences de la London School of Economics. Le prestigieux blog anglophone héberge une tribune sur le rôle des médias sociaux et des TIC pour contrecarrer le processus de prolétarisation des professions scientifiques qui touche tout particulièrement les sciences sociales.

By leveraging social media for impact, academics can create broader support for our intellectual work and profession.

cademics have a chance to make a ‘social impact investment’, by introducing the greater public to our work and bypassing the bottleneck of commercial publishers but only if we scrap our social media-shy ways, writes Antonio Casilli.

In the latest issue of the online journal Fast Capitalism, an article by Jessie Daniels and Joe Feagin provides an insightful take on the issues faced by an increasing number of researchers in social sciences who are struggling to include social computing in their repertoire – and to leverage it in their CVs. The advent of participatory Web in the academe is sure accompanied by a techno-utopian discourse of increased opennennes, collaboration and democratization of knowledge.

Although these beliefs almost verge on common sense, in sociology and neighbouring fields academic social media use meets mixed reactions. It is still perceived as a side activity, potentially distracting scholars from their career-building tasks: journal articles, empirical research, teaching, etc. How can prolific academic bloggers, active Wikipedia contributors or Facebook community managers properly draw upon the efforts they deploy in their online contributions, and turn them into scientifically and socially impactful achievements?

Of course, not everyone is in the same position. Our occupations are contextual to who we are, which institution employs us, and where we are on our career path. For untenured scholars, for instance, being online can turn out to be risky – almost an “extreme sport”, some scholars insist: too much exposure and opinion-sharing might alienate people who can potentially get you tenure. And assuredly, for both tenured and untenured scholars, contributing to online publications and social media is time-consuming.

These concerns pertain to any academic field. But how do they apply to social sciences in particular? Indeed some disciplines were quicker than others to understand the potential of social computing, and make the most of it for scientific impact and visibility purpose. Think digital humanities, and the methodological and epistemological shift they recently came to represent. Social sciences didn’t develop at the same pace. That’s why today digital sociology is not an organized, recognizable, and well-funded research field.

Sociological inertia?

Partly, professional inertia might explain that – and in this case our focus should widen to include computing at large, not only online social computing. In a 2010 article Dan Farrell and James Petersen describe what they dub the ‘reluctant sociologist problem’: despite the pervasiveness of ICTs in every aspect of contemporary social life the very investigators of social realities are yet to fully embrace digital methods. “Between 1999 and 2004, only one article appeared in the American Sociological Review, the American Journal of Sociology, or Social Forces using primary data collected with Web-based research techniques. Since then there have been only a handful of studies published in these core sociology journals drawing on Web-based surveys or other forms of Web-based data”. Their concern echoes Paul DiMaggio’s and Eszter Hargittai’s early admission that, though critically important for their research, the Internet has been slowly taken up by sociologists as an object of study

The fact that these two articles are separated by almost ten years brings the point home: maybe sociologists do not like to include technological competencies and new notions to their skill set. Maybe it’s a classic case of teching an old dog new tricks. Except the dog is not that old – sociology was created less than two centuries ago. And the trick is not that new either. At least since Semen Korsakov invented his homeoscope (« machine to compare ideas » ancestor to our search engines) in 1832, information technologies have been successfully embedded into social sciences for documentation and data treatment.

Actually, different branches of sociology are differentially  concerned  by the digital shift. One way of problematizing the loathness of the “reluctant sociologists” to adopt technologies would be to point at a  subset of the field, namely “soft” social sciences, involving more qualitative and theoretical approaches. Computing for information processing has long been customary for “hard data” sociologists, like those in the burgeoning subfields of social simulation, social network analysis or the sociology of controversies, heavily relying on computational methods. “Soft” sociology, on the contrary, doesn’t seem to have the same ease with ICTs or – when it has – it’s still way too exotic to be representative of a new trend in the respective research areas.

Though this differentiation might seem plausible, it would be conceptually inaccurate to hold one part of sociology responsible for the supposed inertia in adopting computing-intensive approaches. In fact inertia might not be the reason for the present state of affairs to begin with.

Unrealistic representations of academic labour market structure are holding back digital sociology

We need to go back to Daniels and Feagin article, where they suggest a possible line of explanation by looking at the way digital production of knowledge goes unrecognized by tenure and promotion review committees. Broadly speaking, authors insist, academic recruitments and career advancements in the field of sociology are less – if at all – keen on computational achievements when evaluating their candidates. This would not be the case in neighbouring disciplines.

So when we ask what’s holding back digital sociology, the answer is that there is definitely a job market dimension to this hesitant attitude. And this is true for both “soft” and “hard data” sociology. The former doesn’t have an incentive to include computational achievements in their academic repertoire; the latter doesn’t need to have them recognized because, as said supra, they are already an integral part of the trade.

Indeed, this disinterest can also be considered as an effect of a biased collective perception of the dynamics of academic labour market for social science disciplines. Unlike other endangered disciplines heading towards a “jobless market” social scientists do not necessarily perceive the urge to foster the impact of their research via social computing.

In recent years higher education professional and academic associations have possibly played a role in lulling the labour force in a false sense of economic security. The annual reports of the American Sociological Association, to take one well-known example, are bewilderingly reassuring: over the last decade, sociology salaries increased, or rather not, if calculated in constant dollars, “but they still outpace inflation.”

Of course, unemployment and faculty salaries are not the only indicators of the effects on academe of increasing economic and managerial pressure. The proletarization of academic labour force is a more creeping feature of contemporary job market. To quote Andrew Ross, it mainly manifests via “the creation of a permatemps class on short-term contracts and the preservation of an ever smaller core of full-timers, who are crucial to the brand prestige of the collegiate name. Downward salary pressure and eroded job security are the inevitable upshot”.

Nevertheless since 2000, the number of adjunct sociology faculty either decreased or remained the same in most departments . That is in strident contrast with analyses emanating from other research and education agencies. In 2003, Marc Regets, senior analyst at the National Science Foundation’s National Center for Science and Engineering Statistics (NCSES) was still tentatively asking if postdocs were to be regarded as an industrial or academic “reserve army” of unemployed PhDs. Since then, the number of underpaid, defenceless, precarious postdoctoral fellows in social scienses doubled, and that of non faculty research staff has tripled.

Can digital sociology help counter the proletarization of social sciences?

In the light of these facts, what is the the role of digital sociology? At first sight, it might come to be regarded as an accessory to the growing fracture within the labour force, between tenured and untenured academics. On the one side, the reserve army of postdocs and adjuncts, for whom social computing entertains the perspective of accessing tenure by boosting their impact via online professional networking; on the other side, the faculty members for whom digital methods are either trivial (“hard data” sociologists) or useless (“soft” sociologists).

But before dismissing digital sociology as a ruse of market flexibility, there is another way of envisaging it as a site of struggle and resistance. If we move away from a merely desciptive posture, and stop spying for signs of acceptance or opposition to digital methods in social sciences, we might adopt a more proactive stance. The social Web can be an way of creating significantopportunities for engagement  that can challenge academic managerial and institutional models. Recent whistleblowing initiatives, such as Unileaks or crowdsourced e-books such as Hacking the Academy are to be regarded as good instantiations of this possibility. Online social media presence as well as a more computer-savvy approaches to teaching and research might be valuable ways to circulate information, compare practices, raise awareness, foster respect inside and outside the sociological community.

I would like to add that, if digital sociology can be regarded as a means of academic industrial action in the present economic juncture, it is only by promoting long term scientific and pedagogical impact that it can actually be decisive in avoiding the proletarization of academic labour.

First of all, by providing open, alternative venues for scientific publication online, it can help bypass the bottleneck created by commercial publishers. Secondly, and most importantly, social media and online press can play a essential role in eliciting sociological vocations in the next generations of students. By contributing to a wider, inclusive public debate touching on societal issues, by engaging in substantive exchanges of ideas both with non-specialists or specialists from other disciplines – in a word, by scraping their (social) media shy ways – they can familiarize a growing number of perspective students with the methods and research questions of social sciences.

Consider that as “social impact investment” for our future research and teaching, whose outcome will not be academic prosperity via increased revenues from graduate student fees, but a broader social support for us and for our intellectual worth as a research field and as a profession.

"Privacy e relazioni digitali" : podcast d'Antonio Casilli (Radio Città Fujiko, Italie, 23 janv. 2012)

Sur Radio Città Fujiko, l’une des plus anciennes “radio libere” italiennes, le journaliste Alessio Aimone interviewe le sociologue Antonio Casilli, autour de son livre Les liaisons numériques. Vers une nouvelle sociabilité ? (Seuil). Vie privée, corps en ligne, politique : comment Internet reconfigure notre manière de faire société. Pour écouter le podcast, cliquer ici.

A lire aussi, « Relazioni digitali »  (interview d’Antonio Casilli sur le quotidien La Repubblica, Italie, 10 janv. 2012).

De la contagion médicale à la viralité informatique. Podcast d'Antonio Casilli (France Culture, La Grande Table, 20 janv 2012)

Podcast de La Grande Table, le magazine culturel de la mi-journée sur France Culture, consacré à la notion de contagion. Pour en parler avec Caroline Broué autour du numéro 21 de la revue de sciences humaine Tracés, les philosophes Michael Foessel et Mathieu Potte-Bonneville et le sociologue Antonio Casilli, auteur de Les liaisons numériques. Vers une nouvelle sociabilité ? (Ed. du Seuil). Ecouter le podcast.

A lire aussi, Virus, viralité, viscéralité ? (intervention d’Antonio Casilli à l’EHESS, 9 décembre 2010) et A History of Virulence (article d’Antonio Casilli publié dans la revue Body and Society, vol. 16, n. 4, 2010).

La « contagion » est un terme médical que les sciences humaines récupèrent progressivement. Que l’on parle de « contagion de la crise économique » ou de « contagion démocratique », la métaphore est riche en connotations et symboliques. En revenant sur l’épaisseur historique de la notion, l’utilisation de la métaphore dit quelque chose du présent et du rapport à l’autre. Elle nous parle surtout de la dimension interindividuelle et communicationnelle de la contagion. Ce qui nous permet de reconnaître, avec les auteurs de ce numéro de la revue Tracés que nous habitons un monde d’épidémies autant réelles qu’informatiques. Et que ces dernières, dans un jeu idéologique très ambivalent et paradoxal, prennent une connotation positive : sur Internet, la viralité devient synonyme de circulation incontrôlée de l’information, de transparence, de liberté.

Privacy en ligne : podcast d'Antonio A. Casilli (France Culture, La Grande Table, 5 janv. 2012)

Podcast de La Grande Table, le magazine culturel de la mi-journée sur France Culture, consacré à la vie privée en ligne. Pour en parler avec Caroline Broué autour du livre de Jeff Jarvis Public parts, l’historien André Gunthert, le journaliste Philippe Trétiack et le sociologue Antonio Casilli, auteur de Les liaisons numériques. Vers une nouvelle sociabilité ? (Ed. du Seuil).

A lire aussi, La fin de la vie privée en ligne ? (intervention d’Antonio Casilli au congrès de l’AFS de Grenoble, 05 juillet 2011) et Surveillance participative et vie privée en réseau (présentation d’Antonio Casilli au colloque “Internet y el futuro de la democracia”, Espagne, 20 déc. 2011)

"Surveillance participative et vie privée en réseau" : présentation d'Antonio Casilli au colloque Internet y el futuro de la democracia (Espagne, 20 déc. 2011)

La présentation du sociologue Antonio Casilli, auteur de Les liaisons numériques. Vers une nouvelle sociabilité ? (Ed. du Seuil), au colloque international “Internet y el futuro de la democracia” a porté sur la surveillance participative et sur ses effets sur la vie privée des usagers des médias sociaux.

Organisé par l’Institut pour la Gouvernance Démocratique Globernance, le colloque a eu lieu au Parlement Basque (Vitoria-Gasteiz) le 19 et 20 décembre 2011. Parmi les autres participants : Patrice Flichy, Milad Doueihi, Dominique Cardon, Peter Dahlgren, Daniel Innerarity, Ricardo Alonso Maturana, John Deigh, Paul Mathias, Javier Echeverria, Pedro de Miguel. Téléchargez le programme complet.

Vidéo de l’intervention d’Antonio Casilli, Chaire de Recherche Réseaux Sociaux (29 nov. 2011)

Vidéo de la présentation “Mesures : métriques, diffusion virale de l’information et de l’e-reputation” du sociologue Antonio A. Casilli, auteur de Les liaisons numériques. Vers une nouvelle sociabilité ? (Ed. du Seuil), à l’occasion de l’inauguration de la première chaire de recherche française sur les réseaux sociaux. L’événement s’est déroulé le 29 novembre 2011, à Télécom ParisTech, Paris.


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Les émeutes de Londres et les digital humanities (Homo numéricus, 28 août – 9 septembre 2011)

Dans le blog Homo Numéricus, Pierre Mounier consacre deux billets (1/2 et 2/2) aux liens entre humanités numériques et la récente étude sur les émeutes de Londres signée par Paola Tubaro et Antonio Casilli, auteur de Les liaisons numériques. Vers une nouvelle sociabilité ? (Ed. du Seuil). L’usage de méthodes computationnelles peut aider à réconcilier recherche et demande sociale – à condition de ne pas verser dans le fétichisme de l’outil informatique.

Antonio Casilli et Paola Tubaro mobilisent à la fois un modèle théorique et un outil de simulation sur ordinateur pour tester la proposition de Cameron : les réseaux sociaux ont amplifié les émeutes, couper les communications permettra de réduire l’ampleur de futures émeutes. Or, la « simulation sociale » qu’ils mettent en oeuvre, en modifiant la variable communication (renommée « vision » dans leur modèle) montre exactement le contraire : dans les situations de communication libre, on assiste sur une certaine durée de temps à de violentes mais brèves éruptions insurrectionnelles dans certaines circonstances. Dans des situations où la communication est coupée, les émeutes ont tendance à se prolonger indéfiniment sur un palier sans retour à la normale.
Mais l’originalité de la démarche des deux chercheurs réside aussi dans la stratégie de communication qu’ils utilisent pour faire connaître leur travail. Soumis à une revue de sociologie, l’article est rendu immédiatement disponible sur l’archive ouverte SSRN où elle atteint en quelques jours la tête de classement des articles les plus téléchargés. Une version légèrement différente est dans le même temps postée sur les blogs personnels d’Antonio Casilli et de Paola Tubaro, d’où il sera repris dans de nombreux médias et traduit en plusieurs langues à la vitesse de l’éclair à partir de l’anglais. Ainsi une version française est publiée sur le magazine en ligne Owni le 19 août [7]. L’article sera repris, cité et discuté dans de nombreux médias à partir de ce moment. On le voit, l’originalité de la démarche des deux sociologues réside autant dans le tempo de leur publication que dans la méthode mise en oeuvre. L’ensemble repose sur le principe de la rapidité. Il s’agit, écrit Antonio Casilli de ’just in time sociology’ dont on voit tout l’intérêt : il s’agit de répondre aux critiques que la classe politique et les responsables policiers, cités en début d’article, adressent aux sciences sociales en général : elles obéissent à un temporalité longue déconnectée de l’urgence de la situation et s’intéressent d’avantage à « comprendre » (lire justifier) les émeutiers plutôt que les combattre. L’article démontre au contraire que les sciences sociales peuvent éclairer l’action politique sur un point précis au moment où elle en a besoin, et, en utilisant les mêmes moyens de communication qu’elle, participer en temps réel au débat public.
[…]
l’article écrit par Antonio Casilli et Paola Tubaro a lui aussi, d’une autre manière, un statut subtilement ambigu. Cet article, rédigé très rapidement après les émeutes et les déclarations du premier ministre britannique qu’il souhaite démentir, apporte effectivement une information supplémentaire et surtout dissonante dans le débat qui commence à se constituer sur le rôle des réseaux sociaux dans les émeutes. Pour autant, cette information est produite dans le même cadre épistémologique que celui de la plupart des autres intervenants de ce débat. Le modèle théorique sur lequel repose le travail de Casilli et Tubaro, le système multi-agents n’est en fait pas si éloigné que celui dans lequel baigne Cameron : celui de l’agent rationnel, centré sur l’individu et faisant abstraction des dimensions sociales, culturelles ou de classe qui peuvent aussi agir sur les comportements individuels et collectifs. C’est d’ailleurs ce qui le rend particulièrement audible et efficace en lui permettant d’échapper à la disqualification a priori que les hommes politiques ont alors adressé aux sciences sociales. Les deux auteurs démentent Cameron en se positionnant sur son propre terrain conceptuel en quelque sorte. Mais leur travail en perd du coup de manière un peu paradoxale toute force critique : il ne propose tout simplement pas un cadre alternatif de compréhension de la réalité sociale mais corrige une affirmation singulière dans un cadre de pensée partagé avec les acteurs politiques dominants. De ce point de vue, le contraste est saisissant avec l’ouvrage publié quelques mois auparavant par le même auteur, qui, dans Les Liaisons numériques [4] s’attache avec succès à décrire à comprendre en profondeur, en recourant à des méthodes d’enquête croisées, la manière dont s’établissent de nouvelles formes de sociabilité au sein des réseaux numériques.
C’est sans doute un peu la limite de la sociologie « just in time » qui apparaît ici. Ne pouvant prendre le temps d’effectuer une enquête approfondie ni d’exposer les fondements théoriques de sa démarche, elle doit se reposer sur des outils informatiques simulant la réalité au sein d’un cadre conceptuel partagé par tous les acteurs.