enseignement

Comment enseigner à l’heure de ChatGPT (Le Parisien, 22 févr. 2023)

Dans le quotidien Le Parisien, la journaliste Claire Barthelemy relate d’une expérience que j’ai conduit dans le cadre de mon cours ‘Internet & Society’ à Télécom Paris | Institut Polytechnique de Paris. Mes étudiant•es ont été invité•es à participer à un ChatGPT challenge…

Pour la petite histoire, j’ai résumé mon approche à ChatGPT dans le contexte de l’enseignement universitaire dans ce fil Twitter, où je fournis par ailleurs quelques exemples d’expériences pédagogiques basées sur l’IA.

D’autres expériences assez intéressantes sont présentées, en anglais, dans ce billet du blog d’Ethan Mollick, professeur de gestion à l’Université de Pennsylvanie.


ChatGPT : « Il ne faut pas faire semblant d’être dans un monde qui ne travaille qu’avec son cerveau »

Par Claire Berthelemy Le 22 février 2023 à 16h47


On ne présente plus ChatGPT, l’intelligence artificielle qui fait peur à de nombreux enseignants. Pas tous visiblement, puisqu’un prof de l’Institut Polytechnique de Paris a décidé d’intégrer le système avec un objectif : l’apprentissage de ses élèves. Antonio Casilli enseigne la sociologie à des étudiants d’école d’ingénieurs « de niveau master 1», précise-t-il sur son post Facebook.

Son idée ? Demander à ses étudiants d’utiliser ChatGPT pour leur apprendre à vérifier l’information fournie par l’outil « et réviser les bases de sociologie grâce à une phase de travail bibliographique et l’envoi de toute la conversation pour évaluation ».

Un exercice 100% basé sur ChatGPT

Ainsi en TD, les élèves ont eu à se lancer dans un ChatGPT Challenge, « comme j’ai déjà fait faire des Wikipedia challenge, où les élèves devaient alimenter des pages Wikipedia », précise Antonio Casilli pour qui ChatGPT n’est pas un outil de triche mais peut être un outil d’apprentissage.

30 minutes pour poser des questions à ChatGPT « pour générer une conversation qui répète ce qui a été dit en classe la semaine d’avant » et qui leur impose d’avoir compris et « de poser les bonnes questions pour avoir les bonnes réponses » ; 20 minutes ensuite pour travailler sur la bibliographie du texte puis à vérifier la véracité des réponses de ChatGPT.

Des élèves soulagés

Côté étudiants, après les nombreuses interdictions de s’en servir dans l’enseignement supérieur, l’utilisation de ChatGPT peut être difficile à assumer. Pas chez les étudiants d’Antonio Casilli : « Il y a eu un certain soulagement, de ne pas avoir à mentir en disant qu’ils n’avaient jamais utilisé l’outil. Mais ils ont été aussi soulagés quand je l’ai évoqué parce que leurs enseignants sont parfois méfiants dans d’autres contextes. Je sais que certains, qui font du code notamment, ont du mal à s’en saisir, car quand ils lui demandent du code, ChatGPT leur produit d’énormes erreurs. »

Ils savent aussi que d’autres exercices vont pouvoir leur être proposés. « Utiliser différents prompts pour obtenir la même réponse, ou des réponses qui se ressemblent énormément, pour voir ce qu’est un consensus et ce qu’est une connaissance consensuelle ; ou leur donner n’importe quel texte scientifique post 2021 et voir comment à partir de différents prompts ChatGPT est capable de le reproduire », énumère l’enseignant.

« Si avant on utilisait la calculette, les processeurs, on peut utiliser ChatGPT »

Il nous précise : « ChatGPT n’est en soi pas révolutionnaire, l’IA propose juste de générer des textes sans expliquer pourquoi. C’est excellent pour improviser, pour faire de la mise en forme de texte ou de la traduction, mais pas pour une recherche factuelle d’infos. D’autre part, ce sont des fonctionnalités que d’autres logiciels permettaient de faire avant. »

L’enseignant de socio, « assez vieux pour [se] servir de Google ou de Wikipedia », a intégré l’outil dans sa pratique avec ses élèves pour une raison simple : « Il ne faut pas faire semblant d’être dans un monde qui ne travaille qu’avec son cerveau uniquement. Je travaille avec les outils dont les élèves et moi disposons. Si avant on utilisait la calculette, les processeurs, on peut utiliser ChatGPT pour enseigner. »

[Séminaire #ecnEHESS] Antonio Casilli : Intelligences artificielles et travail des plateformes (13 nov. 2017)

Enseignement ouvert aux auditeurs libres. Pour s’inscrire, merci de renseigner le formulaire.

Pour la première séance de l’édition 2017/18 de notre séminaire #ecnEHESS Étudier les cultures du numérique : approches théoriques et empiriques, je vais présenter mes travaux récents sur le lien entre digital labor, plateformisation et intelligence artificielle.

Le séminaire aura lieu le lundi 13 novembre, de 17 h à 20 h (salle M. & D. Lombard, 96 bd Raspail 75006 Paris).

Des intelligences pas si artificielles : plateformes, digital labor et la « tentation d’automatiser »

L’un des penseurs classiques de l’industrialisme, David Ricardo, consacrait à la question de la « destruction du travail » par les machines le chapitre 31 de ses Principes de l’économie politique. À ses yeux, l’utilisation de solutions technologiques n’était pas un destin inéluctable, aboutissant à la substitution complète des travailleurs, mais plutôt un choix humain, résultant d’une « tentation d’employer des machines » [temptation to employ machinery] qui habitait le capitaliste. Était-ce un véritable aménagement libidinal qui poussait ce dernier à préférer l’automation à d’autres méthodes pour recruter de la main-d’œuvre meilleur marché, telle la délocalisation ou la mise au travail des familles des ouvriers ?

Cette présentation interroge le parcours culturel et socio-économique qui, de cette vision, nous a conduit aux sombres présages actuels du « grand remplacement » des humains par les technologies intelligentes. Le débat contemporain est marqué par les prophéties dystopiques de la disparition de 47% des emplois à cause des solutions automatisées, ou par les fantasmes de la gouvernance algorithmique du travail. Ceux-ci représentent autant de discours d’accompagnement de l’essor des plateformes numériques dont les modèles d’affaires sont de plus en plus structurés autour de l’automation des processus métier.

Bien que dans le contexte politique présent retentissent les annonces du dépassement des catégories héritées de la culture du travail des siècles passés (emploi, protection, subordination, pénibilité), l’heure d’une civilisation « post-laboriste » n’a pas encore sonné. Le fait est que les activités productives ont tellement évolué que le travail est en manque de reconnaissance. Pour le voir à nouveau, nous devons faire appel à la catégorie du digital labor, qui nous permet d’analyser l’articulation complexe de consommateurs/producteurs, de tâcherons du clic, de faux-freelances organisés en chaînes mondiales de sous-traitance. La centralité de la notion de travail est alors réaffirmée, à condition de jeter un regard derrière les rideaux de l’automation, pour observer le recours généralisé de la part des plateformes à des modalités intensives de captation de la valeur à partir des micro-tâches réalisées par des êtres humains afin de – justement – entraîner les intelligences artificielles, enseigner aux algorithmes d’apprentissage automatique, faire circuler les véhicules autonomes.

[Slides #ecnEHESS] Le digital labor par le prisme des émotions (Camille Alloing et Julien Pierre, 4 avr. 2016, 17h)

Pour la séance du 4 avril 2016 de mon séminaire EHESS Etudier le cultures du numérique, nous avons eu le plaisir d’accueillir Camille ALLOING (Université de Poitiers) et Julien PIERRE (Université Stendhal Grenoble 3), pour présenter leur étude sur les liens entre digital labor et emotional labor.

Voilà leurs slides :

[pdfjs-viewer url=http://www.casilli.fr/wp-content/uploads/2016/04/ECNEHESS_AffectiveLabor_Pierre-et-Alloing.pdf viewer_width=500px viewer_height=300px fullscreen=true download=true print=true openfile=false]

Titre : Le web affectif : un modèle économique basé sur les émotions

Résumé : Cette intervention dévoile un projet de recherche interrogeant la place des affects dans l’économie numérique, avec l’hypothèse que les stratégies mises en place par les plateformes web servent d’indicateur à un procès plus général appelé capitalisme affectif. Notre cadre théorique emprunte au digital labor le concept de travailleur cognitif auquel nous rattachons les enjeux relevant de l’exploitation des données personnelles. Nous nous associons également au champ de la communication affective quand il s’agit de modéliser le méta-dispositif. Pour ce faire, nous proposons dans notre présentation une analyse technique puis économique des plateformes web nous permettant de construire nos hypothèses et de lister les éléments méthodologiques à déployer pour les valider.

(more…)

"Les sciences sociales et les TIC" : un essai d'Antonio Casilli dans Read/Write Book 2 (2012)

Le deuxième volume de Read Write Book, ouvrage scientifique dirigé par Pierre Mounier, accueille une contribution d’Antonio Casilli, sociologue et auteur de Les liaisons numériques. Vers une nouvelle sociabilité ? (Editions du Seuil). Le texte, transcription de la conférence donnée par l’auteur dans le cadre de la journée internationale de rencontres Sciences sociales 2.0 (ENS Lyon, 17 novembre 2011), est disponible gratuitement en ligne sur le site de l’éditeur.

Référence papier

Antonio Casilli, « Comment les usages numériques transforment-ils les sciences sociales ? », in Pierre Mounier (dir.), Read/Write Book 2, Marseille, OpenEdition Press (« Collection « Read/Write Book » »), 2012, p. 239-247.

Référence électronique

Antonio Casilli, « Comment les usages numériques transforment-ils les sciences sociales ? », in Pierre Mounier (dir.), Read/Write Book 2, Marseille, OpenEdition Press (« Collection « Read/Write Book » »), 2012 [En ligne], mis en ligne le 21 septembre 2012, consulté le 04 octobre 2012. URL : http://press.openedition.org/286 ; DOI : 10.4000/pressopeneditionorg.286

Quatre vidéos d’Antonio A. Casilli au Barcamp "Médias sociaux dans l’enseignement supérieur" (07 déc. 2011)

Le sociologue Antonio Casilli, auteur de Les liaisons numériques. Vers une nouvelle sociabilité ? (Ed. du Seuil), a ouvert la deuxième journée du Barcamp 2011 Pratiques de l’Internet participatif et des médias sociaux dans l’Enseignement supérieur, Centre International d’Etudes Pédagogiques (CIEP), 1 avenue Léon Journault, 92318 Sèvres. L’intervention, ayant pour titre Les médias sociaux, entre nouvelle sociabilité et nouvelle misère en milieu étudiant, a eu lieu entre 9h30 et 10h30.

La nouvelle sociabilité des étudiants

Le succès actuel des médias sociaux chez les étudiants témoigne du fait que ces réseaux numériques sont perçus, à tort ou à raison, comme des compensations au manque d’espaces d’expression personnelle ou collective dans les institutions d’enseignement contemporaines. Facebook, Twitter, symptômes d’une nouvelle « misère en milieu étudiant » ? C’est cette misère  que les usagers chercheraient à contrecarrer, en prolongeant par voie informatique leur espaces de sociabilité. Pour les jeunes générations dont les perspectives d’ascension sociale sont minées par la précarité ambiante et par la concurrence accrue autour de prestations publiques toujours plus rares et incertaines, la constitution de réseaux de solidarité et de coopération alternatifs s’avère capitale.

Scéance questions-réponses

Les coulisses du Barcamp

Vidéo-interview d’Antonio Casilli “Sociabilités étudiantes” par Christophe Batier

Vidéo-débat “Digital Natives : mythe ou réalité ?” avec Antonio Casilli et Mario Asselin (mod. Estelle Bouillièrce)