santé

[Vidéo] Biopolitique et coronavirus (La Manufacture d’Idées, 23 août 2020)

Dans le cadre de la manifestation La Manufacture d’Idées dont l’édition 2020 a eu lieu à Hurigny du 21 au 23 août, j’ai eu le plaisir d’échanger avec Pauline Londeix (co-fondatrice de l’Observatoire de la transparence dans les politiques du médicament) et Mathieu Potte-Bonneville (directeur du Département du développement culturel du Centre Pompidou) au sujet de société, technologies, Covid-19 et biopolitique.

L’invocation de la valeur absolue de la vie aura ces derniers mois justifié non pas une politique, mais une nuée d’options, de décisions et de contestations à l’échelle nationale ou internationale ; elle aura plaidé pour la mise entre parenthèses des libertés publiques, mais aussi bien relancé l’exigence de justice en faisant apparaître l’inégalité des conditions de vie. Entre dépolitisation et repolitisation, renforcement du contrôle gouvernemental et appel à un droit de regard citoyen sur les décisions sanitaires, comment entendre le lien de la politique avec la vie ? Le sociologue Antonio Casilli, l’activiste Pauline Londeix et le philosophe Mathieu Potte-Bonneville en ont débattu lors de La Manufacture d’idées 2020.

Compte rendu de “Le Phénomène ‘pro-ana'” dans Le Monde (24 oct. 2016)

“Pourtant, pour les deux chercheurs, contrairement aux idées reçues, «il n’y a pas d’apologie de la maigreur, au contraire. Ces communautés se régulent entre elles, il y a même des controverses» , explique Antonio A. Casilli. Deuxième constat: bien souvent, les personnes souffrant de troubles alimentaires ont du mal à en parler à leur entourage, voire le cachent. «Elles trouvent dans ces plates-formes des espaces de parole, en étant comprises sans être jugées, ce qui leur procure une aide» , souligne Paola Tubaro.

Ils arrivent à la conclusion que ces communautés de malades trouvent en ligne des soutiens qu’elles n’ont pas ailleurs et recherchent plutôt un accompagnement pour la vie quotidienne. L’émergence de ces sites est, selon eux, liée au désinvestissement de l’Etat et à une mauvaise répartition des structures hospitalières sur le territoire. De fait, de nombreuses personnes ne sont pas prises en charge. Les auteurs ajoutent que ces sites sont plutôt un prisme par lequel appréhender des enjeux comme l’obsession de l’image du corps, le rapport à l’autorité médicale, etc.”

Source: Les sites « pro-ana » passés au crible

Dernier ouvrage : “Le phénomène “pro-ana’. Troubles alimentaires et réseaux sociaux” (Oct. 2016)

Mon dernier ouvrage (co-écrit avec Paola Tubaro) est Le phénomène “pro-ana”. Troubles alimentaires et réseaux sociaux, paru aux Presses des Mines. Ce livre représente l’aboutissement de 5 ans de recherches menées avec nos collègues et amis du projet ANAMIA. Il documente aussi notre lutte pour la liberté d’expression sur Internet et pour le respect de la dignité des personnes atteintes de troubles alimentaires contre des politiques de santé publique, comment dire… malavisées.

Bref, si vous avez suivi notre travail ces dernières années, ce livre raconte notre histoire et les histoires de vie des personnes qui lisent, contribuent et participent aux communautés en ligne dites “pro-ana”…

PS. Le livre est aussi disponible en version électronique sur le portail Open Edition.

Antonio A. Casilli et Paola Tubaro

LE PHENOMENE « PRO-ANA »
Troubles alimentaires et réseaux sociaux

Postface de Cécile Méadel

Paris, Presses des Mines
Collection « i3 »
pp. 209

couvertureproana

Consultés et administrés par des personnes atteintes d’anorexie ou d’autres troubles alimentaires, les sites web dits « pro-ana » sont accusés d’inspirer à la maigreur extrême. Depuis le début des années 2000, des vagues de polémiques amplifiées par les médias ont entouré ces blogs et forums, si bien que les pouvoirs publics ont essayé à maintes reprises de les réglementer.

Mais qui sont leurs auteurs, commentateurs et lecteurs ? Que recherchent-ils vraiment, avec qui communiquent-ils ? Ce livre lève le voile sur cette communauté qui a longtemps échappé au regard. Au-delà de tout propos provocateur, il interroge les usagers de ces sites internet et met au jour leurs réseaux de relations.
Et si le « pro-ana » était moins un effet indésirable de la parole libérée sur internet que le symptôme de transformations profondes de notre manière de vivre la santé ? Face au ralentissement des dépenses de santé publique en raison des coupes budgétaires de l’Etat, les patients sont aujourd’hui confrontés à l’injonction croissante d’être actifs, informés, équipés. Mais la pression sociale qui en dérive peut conduire à des comportements paradoxaux et à des prises de risque.

Les résultats de cette étude défient les idées reçues et restituent une image ambivalente du web des troubles des conduites alimentaires. La valorisation de la maigreur et de l’anorexie est loin d’y faire l’unanimité. En revanche, on voit apparaître des réseaux d’entraide et d’information, dans un effort de combattre l’isolement et de pallier aux manques ressentis des services de soins.

>> Lire un extrait en pdf.

A propos des auteurs :
Antonio A. Casilli, enseignant-chercheur à Télécom ParisTech et à l’EHESS, membre de l’Institut interdisciplinaire de l’innovation (i3 CNRS). Parmi ses ouvrages : Les liaisons numériques (Seuil 2010) et Qu’est-ce que le digital labor ? (INA 2015).

Paola Tubaro, chargée de recherche au LRI, Laboratoire de Recherche Informatique du CNRS. Elle enseigne la sociologie des réseaux sociaux à l’ENS et a publié dans des revues comme Social Networks, Revue Française de Sociologie, Sociological Research Online, Sociology.

Arrêtez de vous faire du souci pour la santé mentale de Trump : c’est celle de ses Twitter-ouvriers qui est à risque

Dans sa récente contribution lors du symposium re:publica 2016, Sarah T. Roberts soulignait les risques pour la santé mentale (et plus en générale pour la santé au travail) des métiers du secteur du numérique. En particulier, la chercheuse de UCLA se penchait sur la modération de contenus violents ou choquants par des travailleurs de l’ombre, mal payés et souvent dans des situations de précarité. Rentrer chez soi après avoir assisté à des scènes de guerre, de haine, d’abus – et ne pas pouvoir en parler à cause des clauses de confidentialité de son contrat de travail – peut en effet avoir des conséquences néfastes sur la vie de ces travailleurs.

[One worker] indi­cated to me that although it he was trained” so to speak to leave the mate­rial that he saw on the job and just sort of tap out psy­cho­log­i­cally and men­tally when he left, it was really dif­fi­cult for him to do that. And in fact he found him­self going home and rumi­nat­ing about the things that he had seen at work.
[Sarah T Roberts, Behind the Screen: The People and Politics of Commercial Content Moderation]

D’où la question : quid des ceux et celles qui ne se limitent pas à modérer la haine, mais dont le métier consiste à produire des messages racistes, dégradants pour femmes et minorités, promouvant la violence et l’exclusion ? Un exemple, parmi d’autres : les tweets de Donald Trump. Plusieurs personnes ont récemment avancé des doutes sur l’équilibre mental du candidat républicain étasunien. La question que nous pouvons poser ici est plutôt comment vivent leur vie professionnelle et personnelle les responsables de la communication de M. Trump ?

Pour répondre à cette question il faudra s’adonner à un petit exercice de mise en visibilité du travail numérique de l’ombre. Par exemple, via cette analyse fort intéressante publiée par David Robinson, le data scientist de Stack Overflow. Elle réalise une comparaison entre les tweets du staff de Donald Trump vs ceux émanant, tel un miasme impur, du monsieur lui-même.

Résumé des résultats principaux :
1) Les tweets des CM de Trump sont envoyés à partir d’un iPhone (Trump tweete depuis Android).

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2) Les tweets du staff de Donald Trump sont en général plus positifs niveau sentiment analsys (jusqu’à 80% moins de mots liés à dégoût, tristesse, peur, rage).

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3) Les tweets du staff de Trump ont plus de chances de contenir des liens, des photos, des hashtags.

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4) Les tweets du staff de Donald Trump se concentrent entre 9h et 20h (ce qui nous en dit beaucoup sur les rythmes de travail de ces responsables comm’).

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5) La nécessité d’imiter le style de Trump, renforce l’uniformité des tweets et la structure métrique caractéristique des ”Trump haikus”.

The metrical pattern is deceptively simple: Single clause declarative sentence, single clause declarative sentence, primary adjective/term of derision.
[Josh Marshall, Metrical Analysis of Trump Insult Haiku]

Et la santé au travail ? Le billet de David Robinson se termine justement avec une dernière pensée émue pour la santé mentale du CM de Donald Trump…

A lot has been written about Trump’s mental state. But I’d really rather get inside the head of this anonymous staffer, whose job is to imitate Trump’s unique cadence (“Very sad!”), or to put a positive spin on it, to millions of followers. Is he a true believer, or just a cog in a political machine, mixing whatever mainstream appeal he can into the @realDonaldTrump concoction?
[David Robinson, Text analysis of Trump’s tweets confirms he writes only the (angrier) Android half]

Antonio Casilli invité de Citéphilo (CHRU, Lille, 27 mars 2012)

Le mardi 27 mars de 12h30 à 14h, Antonio Casilli, auteur de Les liaisons numériques. Vers une nouvelle sociabilité ? (Ed. du Seuil) sera l’invité de Citéphilo pour une conférence sur corps, santé et liens sociaux du Web. L’initiative, en partenariat avec le midi philosophique de la médiathèque de la Cité, sera animée par Jean-Michel Hennebel et aura lieu au CHRU de Lille – Hôpital Claude Huriez, salle Multimédia.

"Usages numériques en santé" : un texte d'Antonio Casilli dans DH Magazine (jan/fév 2012)

Dans le numéro de janvier 2012 de DH Magazine, le texte de l’intervention d’Antonio Casilli, sociologue et auteur de Les liaisons numériques. Vers une nouvelle sociabilité ? (Seuil) dans le cadre du colloque Euro Cos Humanisme & Santé. Le texte complet est aussi disponible sur HAL Archives Ouvertes.