Le sociologue Antonio Casilli, auteur de Les liaisons numériques. Vers une nouvelle sociabilité ? (Ed. du Seuil), interviewé par Benoît Daragon dans un numéro spécial “Familles” de Télérama.
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"Vous trouvez ça troll ?" : dans Télérama (16 – 22 avril 2011)
Dans le numéro 3196 de Télérama, Erwan Desplanques signe un dossier consacré aux trolls du Web : “Internet rend-il méchant?”. Les thèses d’Antonio Casilli, auteur de Les liaisons numériques. Vers une nouvelle sociabilité ? (Seuil) y sont exposées : le troll est en réalité un processus social spécifique au Web.
Selon le sociologue Antonio Casilli “personne ne naît troll, tout le monde peut le devenir.” Homme, femme, banquier, chômeur, ministre, étudiant, secrétaire. Aucun profil type, mais une logique simple : une opinion d’internaute déplaît, un autre riposte ; et c’est l’engrenage. […] Affligeant ? Certes, mais pas stérile. Selon les experts, cette catharsis numérique est aussi le signe d’une bonne santé citoyenne. “Le troll est le négatif dialectique, assure Antonio Casilli. Celui qui met les pieds dans le plat, casse les codes, conteste l’autorité. Son intervention est capitale dans le processus social. Il produit du débat et enrichit in fine le qualité du Web.” L’essayiste inscrit les trolls dans le lignée des activistes américains des années 70, puis du mouvement hacker… Le psy Yann Leroux vante leur “vertu socratique”. L’anthropologue Gabrielle Coleman remonte la filiation jusqu’au “trickster” (ou farceur), “une figure ambivalente, porteuse de bruit, de désordre, de mouvement”, présente des mythologies précolombiennes aux comédies de Shakespeare.
A propos du livre “Les liaisons numériques” d’Antonio Casilli, à lire aussi dans Télérama “Un autre lien social” et “Mon ‘friend’ est-il mon ami ?” .
"Un autre lien social" : 'Les liaisons numériques' dans Télérama (30 oct. – 5 nov. 2010)
La journaliste Sophie Lherm questionne le lien entre usages d’Internet et isolement social dans son très bon compte-rendu du livre d’Antonio Casilli Les liaisons numériques. Vers une nouvelle sociabilité ? (Seuil, 2010). L’article vient de paraître dans le numéro 3172 de Télérama (30 oct. – 5 nov. 2010), dans la rubrique “Le débat”.
Pourtant il était pratique cette “vision hydraulique” de la sociabilité en ligne – si les flux de communication se déplacent trop vers Internet, la vie familiale ou amicale se trouve à sec. Le problème, c’est que si on coupe l’accès à la Toile, la réciproque n’est pas vraie. Les vases ne communiquent donc pas tant que ça. […] “De la peur de la solitude provoquée par Internet, on en est venu à regarder cette technologie comme un outil pour réduire la solitude”, écrit Antonio Casilli.
Addendum : le 31 octobre 2010, le site Web Télérama.fr a republié l’article dans son intégralité (sous le titre Internautes, vous sentez-vous isolés ?) avec, en annexe, une très intéressante mise en écho des points de vue d’Antonio Casilli et de Malcolm Gladwell : Mon ‘friend’ est-il mon ami ?, par Sophie Lherm.
Comment traduire alors le friending, ce mot qui sert à désigner le fait de tisser des liens via les réseaux sociaux ? La meilleure approximation de ces liens dits « faibles », répond Casili, serait non pas l’amitié, mais une autre activité qui nous rapproche de nos ancêtres les primates : c’est le « toilettage » réciproque, auquel s’adonnent les grands singes. Ils se frottent, se fouillent à la recherche d’éventuels parasites, jouent. Et, fait plus important encore, ce toilettage est un stabilisateur social ; il offre plus d’occasions de s’entraider, et moins d’opportunités d’entrer en conflit. De la même façon, flâner ensemble sur des sites, échanger des commentaires sont certes des formes d’amusement, mais elles permettent aussi aux usagers de « se faire les puces » réciproquement, de s’entraider en échangeant de petites faveurs ou de petites remarques qui aident à évoluer. « Ce lien d’un nouveau type ne remplace pas les autres, mais les enrichit d’une autre fonctionnalité – la capacité de combler les espaces vides existants entre les différents groupes sociaux. » Bref, de mieux coopérer et de s’organiser – que ce soit pour un apéro géant ou une manif République-Nation…