Nous mêmes, en tant que chercheurs en sciences sociales, on a contribué, à un moment, à créer cette croyance selon laquelle les usages numériques seraient désocialisants. Au début de l’expérience du Web, dans les années 1990, dès qu’on a commencé à cumuler des données, nos études nous semblaient conclure que les premiers usagers avaient tendance à s’isoler. On a interprété ce besoin de d’enfermer chez soi pour apprendre à se servir d’un nouvel outil comme un signal d’atomisation sociale, de rupture du lien social. Mais les études menées à partir de la deuxième partie des années 2000 – après l’essor de ce qu’on appelle justement “le Web social” – ont montré exactement le contraire. C’est à dire que ce qu’on crée en terme de relations sur le Net est une prolongation et un complément de ce qu’on vit dans nos existences hors-ligne.
La prochaine séance (où il sera question de cyborgs et d’hacktivisme) aura lieu le jeudi 9 décembre de 17h à 19h en salle 5, 105 bd Raspail 75006 Paris. Pour s’inscrire, il suffit de m’envoyer un petit mail gentil.
Take health and income data from 200 countries over 200 years. Stir up. Add Hans Rosling‘s distinctive delivery style and a little CGI magic and you have a compelling representation of… the growing health divide between richer countries and the developing world. Sure, from the early 19th century to nowadays, life expectancy has been rising everywhere. But income differentials are now abysmal and the health inequalities are unprecedented. So, ok, this is great television, and this BBC show is all about ‘The Joy of Stats’ and a happy-go-lucky approach to life but, how can we be so positive about “a clear trend in the future [where] it is fully possible that everyone can make it to healthy, wealthy corner”?
Sur INAGlobal, le site des industries créatives de l’Institut National de l’Audiovisuel, Cédric Cousseau consacre une note de lecture au livre Les liaisons numériques. Vers une nouvelle sociabilité ? (Seuil, 2010) – et une vidéo-interview à son auteur, le sociologue Antonio A. Casilli.
Dans « Les liaisons numériques », Antonio A. Casilli part à l’assaut d’un mythe. Celui selon lequel les internautes seraient seuls devant leur écran d’ordinateur et qu’Internet viendrait leur retirer tous liens les rattachant à leurs proches. Ils se poseraient chaque jour un peu plus en rupture face à la société à mesure qu’ils se construiraient une vie parallèle sur le net, une vie sans âme ni échange. Mais pour le chercheur, Internet n’est pas cette machine aspirante que l’on veut, parfois, nous faire croire.
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La toile tisserait aussi des liens supplémentaires avec les personnes éloignées du premier cercle de connaissances. Un outil comme Facebook permettrait d’entretenir et de conserver les liens distendus ou ténus de la vie “réelle”. Et ces liens peuvent se révéler décisifs à des moments précis comme lors, par exemple, de la recherche d’un emploi ou dans des situations de détresse comme la maladie.
Antonio A. Casilli appuie également sa réflexion en citant la thèse de Mark Granovetter (“The Strength of Weak Ties”, American Journal of Sociology, volume 78, n°6, 1973), sociologue à l’université de Stanford, selon laquelle « Ce n’est pas en se tournant vers les proches, liés par des relations humaines si denses qu’elles ne s’ouvrent pas vers l’extérieur, que l’on maximisera les chances de faire circuler un message nouveau. Ce seront les relations superficielles ou les inconnus “amis d’amis” qui nous permettront d’élargir l’éventail de nos connaissances et d’atteindre des ressources nouvelles ».
Un autre argument veut que selon les statistiques de Facebook, un utilisateur du réseau social dispose en moyenne un maximum de 130 amis sur le site, ce qui est proche du chiffre de Robin Dumbar selon lequel le cerveau humain ne peut gérer plus de 150 amitiés. Il y a donc une certaine reproduction en ligne de la sociabilité. Il faut alors distinguer les personnalités publiques ayant plusieurs milliers d’amis ou de followers sur Twitter et les particuliers. Les premiers n’entretiennent, au final, plus de liens d’amitié en ligne mais un lien de communication avec une foule anonyme.
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L’intérêt de l’essai d’Antonio A. Casilli est donc de dépasser les clichés faciles, de gratter leur vernis et de retravailler le négatif pour faire apparaître les détails cachés, n’omettant pas les nuances. Son objectif est ici de montrer que le « personal computer » depuis qu’il a investit nos foyers ne se limite pas pour autant à cela. Une pensée finalement rare.
Sur le blog ePagine.fr, Christophe Grossi nous livre un compte rendu de l’ouvrage d’Antonio A. Casilli Les liaisons numériques. Vers une nouvelle sociabilité ?(Seuil, 2010). Son opinion ? “Accessible, intelligent, clair, drôle, passionnant, référencé” – et l’accent est mis tout particulièrement sur les diverses modalités d’accès au texte, publié autant en version papier, qu’en version e-book.
À partir des méthodes et outils des sciences sociales (dressés en fin d’ouvrage), il décrypte comment l’espace, le corps et la sociabilité (les liens) façonnent les enjeux culturels d’Internet : « La société en réseaux [peut-être lue] comme un espace social où des corps interagissent pour créer des liens de coexistence », écrit-il. Se posant la question suivante : « Comment habiter ce nouvel espace ? », il se met alors en route. À travers ses enquêtes de terrain, ses entretiens, ses analyses, ses tests sur le Net (sur Facebook par exemple où il démontre comment maximiser son capital social par la mise en scène de soi) ou encore ses cas pratiques (via les rencontres amoureuses en ligne, autre exemple), il parvient à définir dans son essai ce que sont ces nouveaux territoires après avoir tordu le cou aux idées reçues et montré comment, avec nos pratiques liées aux nouvelles technologies, nos rapports à l’espace, au corps et aux liens sociaux ont été sérieusement modifiés (l’espace privé devenant public et inversement, les distances se rétrécissant…).
[…] Le lien, notamment du lien social sur Internet oscille entre deux extrêmes : un isolement angoissant et la collectivisation forcée de l’identité et des infos privées (voir les otaku (« murés »), ces internautes coupés du monde réel au Japon). Et l’auteur de se demander : Quelles formes sociales trouver entre ces deux extrêmes ? Il reviendra également sur certaines idées reçues (sur la différence entre le face à face et la relation virtuelle, sur les effets désocialisants du web…) en prenant comme exemple des pratiques et des études menées aux USA ainsi que l’histoire de cette jeune femme qui, suite à un tremblement de terre dans la province du Sichuan, n’avait plus de nouvelles de sa famille ; il nous redira ce qu’est le friending (ce modèle idéal du lien social sur le web) et analysera la notion de confiance en l’autre en ligne où il sera question des déviances numériques et autres comportements anti-sociaux (trolls, agresseurs, harceleurs).
Quels sont les motifs qui peuvent pousser un internaute à troller?
Il y a sans doute des motivations personnelles qui poussent un commentateur à donner son avis mais ce n’est pas la bonne justification. Nous sommes dans une société où l’on a exclu la possibilité d’avoir de « mauvais comportements », qui dépassent les limites, le trolling entre alors dans un phénomène d’expression plus vaste. Le Web permet une certaine opacité, briser les règles devient donc un élément de richesse. C’est un moyen de faire exploser des barrières sociales mais aussi de communication. Un peu comme le hacking ou le téléchargement illégal, c’est une manière d’être « au dessus » de la mêlée…
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Est-il possible de dresser un portait robot d’un troll ? L’identifier plus facilement afin de cerner au mieux ses motivations. Encore une fois, cela dépend du contexte. Prenons par exemple Wikipédia, le troll qui ira « vandaliser » certaines pages peut ressembler à n’importe qui. De même, le troll n’est pas forcément du sexe masculin, une étude a révélé que sur le site MySpace, les femmes étaient largement présentes dans le flot de critiques. Mais s’il faut dresser un portrait robot, on parle d’un usager type, plutôt jeune, curieux et imprégné de la culture Geek-pop. Existe-t-il des professions sujettes au troll. Les hommes politiques sont-ils des trolls en puissance ?
Oui, les politiques en sont lorsqu’ils s’embarquent sur des sujets ou des services qu’ils ne maîtrisent pas. Ils sont mal placés, alors ils trollent. La plupart n’ont pas compris qu’Internet n’est pas une interface technique mais sociale. Du coup, ils prennent parfois la parole de manière inadaptée. Et là, on est bien souvent dans du pur troll…
Dans le numéro de décembre 2010 de l’édition française du magazine GQ, le journaliste Vincent Coquebert interviewe le sociologue Antonio A. Casilli, auteur de Les liaisons numériques. Vers une nouvelle sociabilité ? (Seuil, 2010). Une petite réflexion sur la socialisation et lsur a surexposition de soi sur Internet.
GQ Avec le Net on passe notre temps à socialiser ?
AAC Ce phénomène relève moins d’une hypersocialisation, que d’une envie d’interactions sociales maîtrisables par les individus afin de ne pas continuellement subir leur positionnement social. Elles viennent également nourrir un besoin d’harmonisation des individus avec leur société. Comme le souligne très pertinemment le sociologue Alain Ehrenberg, l’individu contemporain est constamment soumis à une injonction d’être soi. Et ceci au détriment d’une envie d’être « nous ».
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GQ Allons nous vers une fusion de nos univers virtuels et réels ?
AAC Plutôt vers une reconfiguration des rapports ente sphère personnelle et espace public. Les utilisateurs des réseaux sociaux sont constamment sollicités pour fournir des comptes rendus circonstanciés de leurs gestes, de leurs déplacements, de leurs relations. Et à chaque instant ils prennent une décision quant au statut privé ou public de ce qu’ils sont en train de faire, de penser. D’où un sentiment une euphorie mêlée d’une très grande vigilance. C’est une situation sociologique inédite…
Corps et technologies des l’information et de la communication
Approches socio-anthropologiques des usages numériques
animé par Antonio Casilli sociologue au Centre Edgar-Morin (IIAC EHESS/CNRS) et chercheur associé à l’Institut Télécom (équipe de recherche ETOS, TEM).
Date : jeudi 25 novembre 2010
Horaire : de 17h à 19h
Lieu : salle 5, EHESS, 105 bd Raspail 75006 Paris
L’essor des usages informatiques de masse a coïncidé avec le télescopage de deux plans – l’un physique, l’autre informationnel – de l’expérience humaine. Tout en s’inscrivant dans une continuité entre les objets techniques et la corporéité même de l’usager, les TIC véhiculent des représentations sociales qui semblent mettre entre parenthèse la sensualité et la matérialité des corps. Cet enseignement a pour objet une exploration synchronique et diachronique des pratiques et des recherches portant sur le corps dans les contextes d’interaction assistée par ordinateur. Il s’agira de tenter d’éclairer les logiques sous-tendant les différentes dimensions de ces technologies (de la e-santé à la construction d’avatars dans les jeux vidéo, de la mise en scène de soi dans les réseaux sociaux aux hybridations “cyborg” d’organismes et de machines) aussi bien que de s’intéresser aux contextes institutionnels et aux régimes de production des savoirs qui conditionnent ces faits sociaux.
Programme
Les séances à venir auront lieu les 2e et 4e jeudis du mois (17h, salle 5, sauf la séance du 10 février, reportée au 11 février, même heure, salle 2). Le séminaire est ouvert aux auditeurs libres – étudiants qui désirent simplement participer aux séminaires de l’EHESS, sans y être inscrits officiellement.
* 25 novembre 2010 (17h, salle 5) : Virus
* 9 décembre 2010 (17h, salle 5) : Cyborg
* 13 janvier 2011 (17h, salle 5) : Avatar
* 27 janvier 2011 (17h, salle 5) : eSanté
* 11 février 2011 (17h, salle 2) : Réseaux
* 24 février 2011 (17h, salle 5) : Jouissance
Internet, menace pour le vivre ensemble ou occasion de développer le capital social ? Tiraillés entre « tabou de la rencontre directe » et envie de cohésion et de partage, les échanges au sein des réseaux sociaux peuvent être analysés sous l’angle de l’amitié. Cette notion est omniprésente dans le Web d’aujourd’hui, où elle désigne la forme idéale de la sociabilité numérique.
Le sociologue Antonio A. Casilli (EHESS, Paris), auteur de Les liaisons numériques. Vers une nouvelle sociabilité ?(Seuil, 2010) interviendra au cours des ‘Rencontres numériques’ organisées par l’ambassade de France en Belgique. L’événement aura lieu le lundi 22 novembre 2010 de 9h à 18h30 au Théâtre Le Manège, Mons (Belgique).
Si le « numérique » est aujourd’hui complètement entré dans notre quotidien, nous n’avons pas toujours conscience de la richesse et de la diversité de ses applications. Rassembler les acteurs du numérique, qu’ils soient entrepreneurs ou artistes, décloisonner les secteurs, découvrir de nouveaux concepts, donner la parole aux experts et aux créateurs, rapprocher contenus et contenants, explorer plateformes et réseaux ou encore participer à une Pecha Kucha, voilà en quelques mots le programme de ces « Rencontres numériques ».
Cette journée, initiée par l’Ambassade de France en Belgique, s’inscrit dans le cadre de la présidence belge du Conseil de l’Union européenne et bénéficie du label « Mons, Capitale européenne de la culture 2015 », du soutien du Ministère de la Communauté française de Belgique et du Ministère de la Culture et de la Communication français.