Monthly Archives: May 2012

A la journée d'études "Potlatch notionnel sur la performance" (EHESS, Paris, 29 mai 2012)

Le mardi 29 mai 2012, le sociologue Antonio Casilli, auteur de Les liaisons numériques. Vers une nouvelle sociabilité ? (Ed. du Seuil), intervient lors du “Potlatch notionnel sur la performance” (journée d’études organisée par l’EHESS et l’Université Paris Ouest-Nanterre, de 9h30 à 17h45, Amphithéâtre François Furet, 105 bd Raspail, Paris) pour parler de Corps, santé et performativité dans les communautés pro-ana. Pour le programme complet, cliquer ici.

Le mot de performance s’est imposé dans le monde de l’art et dans celui de pratiques les plus diverses. L’importance que l’on accorde à ce phénomène est à rapprocher des déplacements majeurs de culture et d’idées et en particulier, la prise en compte du pragmatisme et de l’expérience renversant le paradigme idéaliste ancien. Le privilège incontestable est donné alors au faire, ce qui transforme les perspectives épistémologiques et plus largement culturelles. C’est le versant strictement matériel d’une action. Rien d’autre, dans ce cas, que le thème concret et unique de « l’accomplissement » : aucune prise en compte de gradation ou d’échelle, aucune distribution du meilleur ou du mauvais, seul existe le fait de réaliser, seul existe l’épaisseur quasi physique d’une mise en acte. Le mot anglais « performance » le dit plus spécifiquement encore : « The act of performing, execution, accomplishment » (Webster’s Dictionary). Ce sens ne saurait être négligé dans l’absolu, révélant l’intérêt possible porté aux préoccupations opérationnelles, rappelant l’attention plus particulièrement anglo-saxonne centrée sur le pragmatisme, l’efficacité, l’engagement dans les choses et le concret.

Quant aux grands champs dans lesquels la performance peut être interrogée, Richard Schechner a très justement rappelé, lors de nos rencontres précédentes en mai 2011, qu’elle s’élabore dans trois champs : celui du rituel, celui de l’art et de la mise en scène esthétique et celui de la vie quotidienne. Ce qui étend considérablement la réflexion que nous portons sur elle, c’est bien cette perspective d’ouverture qui est la plus stimulante, c’est elle qui peut donner tout son sens à nos rencontres.

Cette grande diversité du phénomène implique de facto une pluralité des approches, des outils ou des méthodologies mis à l’œuvre pour l’appréhender. Dans cette perspective, nous avons choisi de prolonger nos réflexions et d’inviter à l’Ecole de Hautes Etudes avec la collaboration de l’Université de Paris X, des chercheurs en études théâtrales, anthropologie, arts visuels… L’objet sera d’explorer la définition de la performance dans chacun des domaines de recherche et d’indiquer sa pertinence voire son utilité. C’est cette ouverture également qui devrait nous aider à toujours mieux comprendre l’originalité de la performance. C’est elle aussi qui devrait nous aider à mieux saisir ce qu’il en est de ce corps perçu, vécu, existant hors langage avec une étrange densité.

"Art et viralité": dans Libération (25 mai 2012)

Dans Libération du 25 mai 2012, un article de Marie Lechner sur virus informatiques, imaginaires de la viralité et art contemporain. L’occasion de présenter les travaux d’Antonio Casilli, auteur de Les liaisons numériques. Vers une nouvelle sociabilité ? (Ed. du Seuil).

Y A DU VIRUS DANS L’ART

La Gaîté lyrique accueille mardi un événement qui explore les liens entre biologie, pouvoir et technologie.
En avril, les virus refaisaient la une avec Flash-back, un programme malveillant dont l’originalité est d’infecter les ordinateurs Mac, censés être immunisés contre ce fléau. De flashback, il sera aussi question à V1RUS, événement proposé par Upgrade ! Paris autour du virus, tant biologique qu’informatique, mardi, à la Gaîté lyrique.

Entité biologique singulière, qui se réplique en utilisant les ressources de la cellule qu’elle parasite, le virus a progressivement glissé, par analogie, dans le champ informatique au milieu des années 80, au moment où les ordinateurs personnels infiltraient la sphère privée. Officiellement, c’est en 1983 que le chercheur Fred Cohen présente son premier virus fonctionnel, soit l’année même où est isolé le VIH. Le virus informatique désigne un code malicieux capable d’infiltrer un logiciel, de se reproduire de manière autonome et de se propager à d’autres ordinateurs dont il perturbe le fonctionnement. Jusqu’en 1988, observe le sociologue Antonio Casilli, c’est plutôt la terminologie militaire qui avait cours (attaque, exploiter une vulnérabilité), mais, écrit-il, «alors que l’attention des médias sur la pandémie du sida atteignait son point culminant, la presse mainstream a commencé à adapter les métaphores de la virulence et du comportement à risque à l’informatique personnelle», soulignant une superposition dans l’imaginaire entre la pathologie du corps et le dysfonctionnement de l’ordinateur : «La panique qui entourait l’idée de connexion entre les ordinateurs finit par refléter la peur qui entoure le contact physique.»

A rebours du discours ambiant de l’époque qui prônait la tolérance zéro et l’exclusion afin d’empêcher toute contamination, les activistes et penseurs progressistes comme Donna Haraway, auteure du Manifeste cyborg, suggéraient plutôt de vivre avec. Et d’envisager son devenir mutant. Nathalie Magnan, théoricienne des médias et activiste féministe, retracera, lors de la conférence, cette histoire parallèle et la manière dont les Net artistes se sont emparés de cette forme au potentiel fascinant, du premier virus artistique lâché à la Biennale de Venise par 0100101110101101.org et Epidemic, qui proliféra non pas tant dans les ordinateurs que dans les médias, au concept de «virus culturel» systématisé par les agitateurs d’Etoy, en passant par les premières œuvres de Jodi qui semaient le chaos sur l’écran, faisant croire à l’utilisateur qu’un programme indésirable avait détraqué sa machine.

Le virus, potentiellement destructeur, est aussi un médium de transmission redoutable. Ce qui n’a pas échappé aux spécialistes du marketing, qui ont récupéré la dissémination virale à des fins publicitaires. Le virus comme véhicule artistique et hacktiviste fera l’objet, dès 17 heures, d’un atelier «programmer un virus», organisé par /dev/art qui en dressera un bestiaire. «Le virus classique, incapacitant et destructeur, est aujourd’hui supplanté par les botnets, qui cherchent à contaminer le poste sans se faire repérer pour collecter un maximum d’informations», analysent les organisateurs, qui établissent un parallèle entre le mode opératoire des virus et celui des Anonymous. Le virus sert de porte d’entrée à la conférence, qui creusera plus largement les liens entre biologie et technique, à l’heure où l’organisme est réduit à un «code» génétique à déchiffrer, en information à traiter, en ADN à programmer. L’anthropologue et généticien Michel Tibon-Cornillot soulèvera les enjeux de la mécanisation du vivant et du contrôle accru des corps, avant une table ronde autour de l’art et des biotechnologies avec Jens Hauser, Emmanuel Ferrand et Maria Ptqk.

MARIE LECHNER

"On est toujours le troll de quelqu’un" : Antonio Casilli chez Miss TrollMedia (25 mai 2012)

Qui se cache derrière le masque de Miss TrollMedia, bête noire du Web qui a fait surface au Centre Pompidou lors de la conférence de Henry Jenkins ? Personne ne le sait, mais on peut suivre ses interviews avec les théoriciens de la culture numérique contemporaine sur son Tumblr. Parmi ses invités, le sociologue Antonio Casilli, auteur de Les liaisons numériques. Vers une nouvelle sociabilité ? (Ed. du Seuil).

Pour lire et écouter d’autres interventions sur le trolling, cliquer ici.

Miss TrollMédia : J’ai lu l’article de votre blog “Pour une sociologie du troll“…

Antonio A. Casilli : Je vois. Vous n’avez pas apprécié et cela va m’attirer des ennuis…

Miss TrollMédia : Vous qui aimez tant parler des trolls mais ne leur donnez pourtant jamais la parole, pouvez-vous m’expliquer comment il est possible de s’arroger la position de non-troll ?

Antonio A. Casilli : Je ne m’arroge pas la position de non-troll. Au contraire, je suis profondément convaincu qu’on ne peut pas ne pas être troll à un moment ou à un autre. On est toujours le troll de quelqu’un d’autre. Si j’étais un sociologue du XIXe siècle j’en tirerais une loi sociale : « pour tout individu X, il existe au moins un autre individu Y tels que X soit en position de trollage par rapport à Y en ce qui concerne un domaine ou une question spécifique ». Le troll est une catégorie relationnelle, qui n’a rien de subjectif.

Miss TrollMédia : N’est-ce pas une question de point de vue ?!

Antonio A. Casilli : Oui, bien sûr, c’est une question d’aller-retour incessant entre une opinion exposée par un locuteur et une contre-opinion souvent complètement décalée, portée par celle ou celui qui occupe la place du troll. Cette dernière est une place que l’on ne choisit pas parce qu’elle est commode, mais parce que l’accès aux autres positions nous est défendu. J’ai envie de dire, avec Bertolt Brecht, que l’on s’assoit du côté du tort puisque toutes les autres places sont occupées.

Miss TrollMédia : En quoi n’êtes-vous pas, vous, un socio-troll qui empêche la société de tourner en rond ?

Antonio A. Casilli : Allons, allons… Je suis l’un des hommes les plus exquis de la profession. Un véritable gentleman.

Miss TrollMédia : Ce que vous appelez Troll est en fait un esprit libre et brillant. Ne pensez-vous pas, à ce titre, que l’amateur, le public qui est amené à contribuer, participer à des projets collaboratifs sur le web est forcément un troll en devenir ?

Antonio A. Casilli : Libre et brillant ? Pas du tout. Le troll est un esprit bête et méchant. Je suis de l’école de Pacôme Thiellement, qui y voit la dernière incarnation de l’humour de guerre, qui va du bushido des japonais à Hara-Kiri du Professeur Choron. C’est un esprit polémique, au sens étymologique du terme, de “polémos”, de guerre en Grec, qui se dégage et qui fait de tout acte de publication – que ce soit un commentaire sur un blog ou une image sur 4chan – une déclaration de guerre. Cette guerre totale se déclenche à chaque fois que l’on cherche à forcer le public dans une posture passive de récepteur d’un message. Les projets collaboratifs sur le Web sont, de ce point de vue, les pires. Ils incitent le public à être libre mais pas trop, à prendre l’initiative mais pas le pouvoir… Rien d’étonnant, alors, que la réaction à ce ballet hypocrite soit le trollage. Voilà ce qui incite cette réaction, voilà ce qui réveille le troll qui sommeille au fond de chacun d’entre nous.

Miss TrollMédia : Il est un peu habituel de dire “don’t feed the troll”… Comme si la supériorité de ces êtres exceptionnels faisait peur à tous. Moi, j’ai envie de transmettre mes savoirs aux publics ignares retranchés derrière leur ignorance crasse et haineuse – et en imaginant que ceux-ci soient capables de me parler… Pensez-vous qu’une dialectique du Troll soit possible ?

Antonio A. Casilli : C’est une dialectique impossible entre une thèse (celle du locuteur) et une antithèse (incarnée par le troll) qui ne se laissent pas réduire ni composer dans une synthèse finale. Le troll est un court-circuit de la discussion civilisée que la modernité nous a habitué à penser comme l’une des caractéristiques de l’espace politique idéal. La possibilité même de l’existence du troll témoigne du fait que la sphère publique dont parlait le philosophe allemand Jürgen Habermas, l’espace régi par la force intégratrice de la discussion, n’est qu’un leurre.

Au colloque international "Homeland Connections" (Cité de l’Immigration, Paris, 25 mai 2012)

Le vendredi 25 mai 2012, de 9h30 à 13h, le sociologue Antonio Casilli, auteur de Les liaisons numériques. Vers une nouvelle sociabilité ? (Ed. du Seuil), préside la session “Médias sociaux et diversité culturelle” du colloque international Homeland Connections : E-Diasporas Atlas and A Century of Transnationalism, Cité Nationale de l’Histoire de l’Immigration, Palais de la Porte Dorée 293, av. Daumesnil Paris. Parmi les intervenants, Marta Severo (Université Paris I, sur l’usage des hashtag Twitter pendant la révolution égyptienne), Isidro Maya Jariego (Universidad de Sevilla, sur les réseaux personnels des migrants), Sabrina Marchandise (Université Montpellier III, sur Facebook au Maroc) et Jean-Marc Salmon (Institut Mines-Télécom, sur le rôle des bloggeurs tunisiens).

Le colloque propose une collaboration inédite entre deux réseaux internationaux de chercheurs spécialistes des migrations. Les uns travaillent sur le long terme pour retracer les apports et évolutions des connexions transnationales des migrants. Les autres présentent les résultats du projet ANR Content « E-diaspora Atlas », consacré à l’étude des diasporas sur le Web. Le colloque combine ainsi l’apport de différentes disciplines des sciences humaines (sociologie, histoire, anthropologie, géographie…) avec celui d’informaticiens qui construisent les archives d’aujourd’hui. L’ensemble cherche à comprendre comment les migrants restent en contact avec leurs pays d’origine depuis les lettres d’autrefois au Web d’aujourd’hui.

"La surveillance participative" : podcast d'Antonio Casilli (France Culture, La Grande Table, 23 mai 2012)

Podcast de La Grande Table, le magazine culturel de la mi-journée sur France Culture, consacré à l’ “extension du domaine de la surveillance” à l’occasion de la mise en place d’un nouveau dispositif de police : le fichier d’analyse sérielle. Pour en parler avec Raphaël Bourgois, André Gunthert, Hervé Le Tellier et le sociologue Antonio Casilli, auteur de Les liaisons numériques. Vers une nouvelle sociabilité ? (Ed. du Seuil).

Pour écouter d’autres podcast d’Antonio Casilli sur France Culture.

Le “ministre de la police” du président sortant – je parle de Claude Guéant – a quitté l’Hôtel de Beauvau en nous laissant pour tout héritage l’infâme circulaire du 31 mai et – dans un tout autre registre – le décret d’application du « fichier d’analyse sérielle ». Ce dernier dispositif s’inscrit dans la logique de la loi LOPSSI 2 (Loi d’Orientation et de Programmation pour la Performance de la Sécurité Intérieure) visant à fusionner, croiser, apparier les fichiers de police pour créer une base de données géante recensant des plus petites infractions aux code de la rue, aux informations relatives à nos appels ou a nos usages de médias sociaux.

La nouvelle de ce fichier n’est pas, hélas, une surprise. De part et d’autre de l’Atlantique, les efforts de traçage des populations se multiplient. La National Security Agency – nous annonce le magazine américain Wired – est en pas de construire le plus grand centre d’espionnage du monde dans le désert de l’Utah.  Un espionnage dont la cible est, potentiellement, tout individu, appartenant à tout groupe ou en train de tenir (en ligne comme hors-ligne) tout type de propos.

Devons-nous céder au pessimisme orwellien et conclure, comme le fait l’ingénieur du MIT Simson Garfinkel, que « la tendance écrasante de la technologie est la révélation de la vie privée et que par sa nature propre, la technologie est intrusive » ?

En fait, une autre hypothèse, encore plus inquiétante, fait son chemin à l’heure où les gouvernements ne sont plus les seuls à détenir d’énormes base de données. Ce sont désormais les géants d’Internet comme Google ou Facebook, les thuriféraires des Big Data, à stocker et à analyser les plus grands et les plus complexes fichiers de populations généralistes de la planète. Et cela hors de tout contrôle judiciaire.

Si les fichiers de police sont renseignés par des fonctionnaires de l’état, les fichiers numériques des entreprises privées contemporaines sont renseignés par les usagers mêmes : pensez à combien d’informations sur vous mêmes et sur vos amis vous  mettez en ligne à chaque fois que vous mettez à jour votre profile Facebook ou que vous actualisez votre statut sur Twitter… Certains commentateurs (comme le philosophe Anders Albrechtslund) emploient alors la notion de« surveillance participative » : les fichiers qui composent la structure de  contrôle du Web sont nourris par les sujets mêmes de ce contrôle.

Ceci ne veut pas dire que nous devons renoncer à notre vigilance citoyenne vis-à-vis des lois liberticides telles celles promulguées par Guéant et par ses homologues étasuniens. Au contraire, nos efforts doivent redoubler, pour contrer autant la surveillance classique (celle que nous impose le pouvoir régalien) que les nouvelles formes de surveillance participative, que nous impose notre propre envie de connectivité.

La simulation sociale pour combattre la censure : texte de ma conférence à TEDxParisUniversités

[UPDATE 05.06.2102: La vidéo de mon talk est désormais en ligne sur le site Web des conférences TED. Enjoy & share !]

Le samedi 19 mai j’ai été parmi les heureux conférenciers de l’édition 2012 de TEDxParisUniversités. A cette occasion, j’ai pu présenter au public français les résultats du projet ICCU (Internet Censorship and Civil Unrest) que je mène avec Paola Tubaro, enseignante-chercheuse à l’Université de Greenwich, Londres. L’accueil a été plus que chaleureux : la tweeterie m’a porté en triomphe, j’ai reçu les accolades des organisateurs et je me suis imbibé de l’enthousiasme d’étudiants et de militants de tout bord. J’exagère, mais pas tant que ça (suffit de lire le compte-rendu Storify concocté par Gayané Adourian ;). Voici donc le texte et les slides de mon intervention, en attendant la vidéo.

Aujourd’hui je vais vous parler des effets négatifs de la censure des médias sociaux, en passant par le cas des émeutes britanniques de 2011.

La censure est extrêmement difficile à étudier du point de vue des sciences sociales. Dans la mesure où elle est une interruption de flux d’information, les données relatives à ses conséquences et à son efficacité prétendue sont souvent inaccessibles aux chercheurs. C’est pourquoi nous devons nous appuyer sur une méthode innovante : la simulation sociale. (more…)

Séminaire EHESS de Dominique Cardon “Anthropologie de l’algorithme de Google” (16 mai 2012, 17h)

[UPDATE 20.05.2012 : un compte rendu très détaillé, proposant une discussion des sujets traités dans ce séminaire, est désormais disponible en ligne sur le blog Odyssée de Philippe Ameline.]

Dans le cadre du séminaire EHESS Étudier les cultures du numérique : approches théoriques et empiriques nous avons eu le plaisir et l’honneur d’accueillir Dominique Cardon, sociologue au Laboratoire SENSE (Orange Labs), chercheur associé au Centre d’études des mouvements sociaux (CEMS/EHESS), animateur de la revue Réseaux et auteur de La Démocratie Internet. Promesses et limites (Seuil, 2010).

Le séminaire a eu lieu le mercredi 16 mai 2012, de 17 h à 19 h (salle 587, salle du conseil A, R -1, bât. Le France, 190-198 av de France 75013 Paris).

Dans l’esprit du PageRank. Un essai d’anthropologie de l’algorithme de Google

Dans cette communication, on proposera une réflexion sur les propriétés organisationnelles, et notamment algorithmiques, de l’espace public numérique. En adaptant au contexte de l’Internet le débat posé par Jürgen Habermas sur les caractéristiques d’une discussion publique argumentée et rationnelle, on s’attachera à décrire les différents formats d’organisation de l’expression et de la discussion sur Internet, en portant une attention particulière aux algorithmes permettant de hiérarchiser les informations. Les pionniers de l’Internet ont donné au réseau des réseaux une utopie fondatrice : celle de remplacer le classement a priori des informations par un cercle restreint de gatekeepers (journalistes et éditeurs) par une hiérarchisation a posteriori des informations par les internautes eux-mêmes. Parfois entendue sous le nom de “sagesse des foules” ou de “miracle de l’agrégation”, cette idée d’une auto-organisation des jugements des internautes permettant de trier et de hiérarchiser le web ne peut se réaliser que grâce à un ensemble d’artefacts permettant de calculer, trier et représenter les informations selon un ordre propre. On fera l’hypothèse que cinq principes différents de classement des informations sont aujourd’hui en compétition sur le web : l’éditorialisation, l’autorité, l’audience, l’affinité et la vitesse. En développant l’exemple du PageRank de Google, on s’attachera à rendre compte de la mise en place d’une métrique particulière de l’autorité sur le web, avant de s’interroger sur les tensions que lui font aujourd’hui subir d’autres principes d’organisation de l’information, comme l’affinité et la vitesse.

Quelques lectures :

– Diaz, Alejandro M., Through the Google Goggles: Sociopolitical Bias in Search Engine Design, Thesis, Stanford University, May 2005.

– Hindman, Matthews, The Myth of Digital Democracy, Princeton, Princeton University Press, 2009.

– Introna, Lucas D. & Helen Nissenbaum, “Shaping the Web: Why the politics of search engines matters”, The Information Society, vol. 16, 2000, pp. 169-185.

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Les origines mystiques et populaires des avatars : podcast d'Antonio Casilli (Silicon Maniacs, 2 mai 2012)

Podcast de l’émission Very Serious Geek, magazine culturel de la radio Silicon Maniacs, consacrée au corps dans les imaginaires technologiques. Pourquoi, de Facebook au film éponyme de James Cameron, les avatars sont-ils bleus ? Denis-Quentin Bruet a posé cette question au sociologue Casilli, auteur de Les liaisons numériques. Vers une nouvelle sociabilité ? (Ed. du Seuil).

http://www.siliconmaniacs.org/pourquoi-les-navis-avatar-sont-ils-bleus/

Pourquoi les Na’vis d’Avatar sont-ils bleus ? | Silicon Maniacs

Very Serious Geek, c’est l’émission qui prend la culture Pop’ au sérieux. Au menu, sur-interprétation de séries TV, décodage de films cultes, exagérations historiques sur des jeux vidéos légendaires, bref Very Serious Geek, c’est la culture Geek prise très (qui a dit trop ?) au sérieux. Notre mantra ? “Il n’y a pas de sur-interprétation !”

Et cette semaine, j’ai un scoop. J’ai trouvé quelqu’un capable de répondre à l’une des plus grandes questions que l’homme s’est posé depuis la découverte du feu et l’invention de la roue, je veux bien sûr parler de la question suivante : Pourquoi les Na’vi d’Avatar sont-ils bleus ? Oui, chers auditeurs, l’heure est grave, grâce à l’invité de ce soir, nous allons partir à l’origine du mot et du concept d’avatar, remonter les rivières sémiotiques de l’Inde et de la cyberculture jusqu’aux confins de la forêt de Pandora.

Et cette personne, c’est Antonio Casilli, sociologue à l’EHESS et à Paris Tech. Pour en savoir plus sur lui, rendez-vous sur son site internet. On y trouve notamment son billet sur Avatar et des liens pour approfondir sa théorie sur la question de l’avatar, et de sa bleuitude. Accrochez-vous !