Monthly Archives: January 2019

[Vidéo] L’interview éco (France Info, 28 janv. 2019)

J’étais l’invité de Jean Leymarie, pour l’émission “L’interview éco” de France Info (podcast et vidéo).

Avec le sociologue Antonio Casilli, une enquête sur “les galériens du clic”

L’économie numérique met en avant la puissance des algorithmes et les progrès de l’intelligence artificielle. Mais pour faire tourner les plateformes, des millions d’hommes et de femmes réalisent chaque jour des microtâches, peu connues et peu payées. Le sociologue Antonio Casilli a enquêté sur ces “tâcherons” modernes.00’0007’00

Le sociologue Antonio Casilli sur franceinfo le 28 janvier 2019.
Le sociologue Antonio Casilli sur franceinfo le 28 janvier 2019. (FRANCEINFO / RADIOFRANCE)

Qui est derrière les plateformes que nous utilisons tous les jours, les Google, Amazon, Facebook, Twitter ? Des algorithmes, bien sûr, de l’intelligence artificielle, mais aussi des hommes et des femmes. Le sociologue Antonio Casilli a enquêté sur ceux qu’il appelle les “travailleurs du clic”, et  même les “galériens du clic”. Il publie En attendant les robots, aux éditions du Seuil.  

La face inconnue de l’économie “digitale”

Sans hommes et femmes, pas de machines… et pas d’économie “digitale”. C’est la thèse d’Antonio Casilli. Pour calibrer les intelligences artificielles, pour qu’elles réalisent les tâches qu’elles promettent, explique le sociologue, chaque jour des personnes doivent traiter des centaines et même des milliers de petites tâches : reconnaître des chansons pour organiser des playlists, retranscrire des tickets de caisse, interpréter ce que d’autres personnes ont dit à des enceintes connectées”. Ces tâches fragmentées, répétitives, constituent la face inconnue de l’économie “digitale”.  

Des tâches payées parfois moins d’un centime

Qui sont ces travailleuses et ces travailleurs du clic ? lls sont partout dans le monde. Souvent depuis chez eux, ils et elles se connectent à des plateformes pour accomplir des microtâches et sont payés très peu”, parfois un centime ou moins par tâche, si ces personnes sont installées dans des pays à faibles revenus. Dans certains pays, les travailleurs forment même des “fermes à clic” ou des “usines à clic”. Dans les pays du nord, ajoute le sociologue, il s’agit souvent d’un complément du revenu. Mais dans un pays comme Madagascar, où le salaire moyen est de 40 euros par mois, ou un peu plus, la possibilité de gagner 30 ou 40 euros grâce à des microtâches constitue un deuxième salaire”. Antonio Casilli estime qu’au moins cent millions de personnes, dans le monde, sont aujourd’hui des “travailleurs du clic”.  

Une polarisation du travail  

La technologie progresse. Les machines vont-elles remplacer un jour ces femmes et ces hommes ? Le remplacement n’aura pas lieu, estime Antonio Casilli : vous aurez toujours besoin de personnes qui vérifient ce que les machines ont fait. Il y aura toujours ce travail humble, invisible”. Pour le sociologue, il y a bien une polarisation du travail produit par ces solutions technologiques intelligentes : d’un côté des data scientists, des ingénieurs, des ’sublimes’ du numérique ; de l’autre côté, des travailleurs du digital (…) Digital renvoie vraiment à un travail du doigt, du clic. Un travail pour l’instant nécessaire”. Pour le chercheur, il est urgent de traiter le “besoin de reconnaissance de ces travailleurs et d’examiner les pistes qui nous permettront de sortir de cette situation”.          

In Arbetet (Sweden, Jan. 24, 2019)

The Swedish newspaper Arbetet publishes a review of my book En attendant les robots : Enquête sur le travail du clic (2019).

”Myt att robotar tar över våra jobb”

Anna Trenning-Himmelsbach


Att robotar gör mänsklig arbetskraft överflödig är en seglivad myt, som bidrar till att hålla oss på mattan. Det säger sociologen Antonio Casilli och tillägger att industrin tjänar på att sprida varningar om att artificiell intelligens håller på att över våra jobb. 

Sociologen Antonio Casilli säger att varningarna om att robotar tar över våra jobb är överdrivna. Bild: Hermance Triay

Om 20 år försvinner nästan hälften av jobben i USA på grund av robotar, enligt den så kallade Oxford-rapporten från 2013.

Prognoser, bland annat från Stiftelsen för strategisk forskning, säger att andelen hotade arbetstillfällen i Sverige är ännu högre.

– Men det är en myt som göds av industriella och finansiella intressen.

Det påstår den fransk-italienska sociologen Antonio Casilli, som nyligen har gett ut en hyllad essä om ämnet i Frankrike.* Han är professor vid högskolan Télécom ParisTech, och är specialiserad på hur arbetslivet påverkas av datoriseringen.

Antonio Casilli säger att legenden om robotarnas hot mot sysselsättningen har återkommit med jämna mellanrum sedan början av 1800-talet, men att det fortfarande inte finns några tecken på att profetian håller på att infrias.

– Den artificiella intelligensen har ett enormt behov av information.

Att samla in och sortera uppgifter är ett arbete som kräver ett mänskligt omdöme, som ingen maskin klarar. Men myten skapar oro. Rädslan för att förlora jobbet gör att arbetare blir disciplinerade.

– De ställer färre krav och organiserar sig inte, säger han.

Robotiseringen förändrar däremot arbetslivet. ”Digital-arbetarna” är en snabbt växande grupp. En del är avlönade, till exempel de som arbetar via de så kallade Uberföretagen.

Andra får en mikrobetalning för varje mikromoment de gör, när de sorterar information åt företag.

I västländer utför hundratusentals personer den här typen av arbeten, men ofta vid sidan av ett annat jobb. I andra världsdelar är klick-jobben huvudsysselsättning för miljontals invånare.

– I allmänhet handlar det om små grupper av arbetare som inte är organiserade sinsemellan, säger Antonio Casilli.

Därtill kommer alla vi andra, som genom våra aktiviteter på sociala medier, omedvetet deltar i utvecklingen. Vi taggar till exempel våra bilder på Instagram eller Facebook, och bidrar till att robotar får nya kunskaper om bildassociationer, känslor eller stämningar.

Antonio Casilli presenterar tre olika möjligheter, där facken kan utöva påtryckning, för att motverka en ökad exploatering av dessa i dag så splittrade klickarbetare.

Den första består i att försöka organisera den digitala arbetskraften för att den ska kunna dra vinning av de trygghetssystem som redan finns.

Den andra handlar om att bygga upp icke-kapitalistiska alternativ till de lönsamhetsdrivna plattformarna för utbyte av tjänster.

Den tredje och den mest intressanta, enligt Antoine Casilli, är att kräva att få ta del av de rikedomar, som vi tillsammans är med om att skapa när vi matar olika plattformar med information. Han anser att Internetföretagen ska beskattas högre av just den anledningen, och att vinsterna ska fördelas genom en universell inkomst till alla invånare.

I hans eget hemland Frankrike, har regeringen just meddelat att de stora internetföretagen snart kommer att beläggas med en helt ny skatt. Enligt sociologen är det ett beslut som går i rätt riktning.

* Antonio Casilli essä heter: En attendant les robots. Enquête sur le travail du clic. Utgivare: Seuil, 2019


Dans L’Express (21 janv. 2019)

Dans L’Express, Aliocha Wald Lasowski propose un compte-rendu de mon ouvrage En attendant les robots : Enquête sur le travail du clic(Éditions du Seuil).

Derrière les robots, on trouve beaucoup d’humains


Non seulement les robots n’ont pas éclipsé les humains, mais le numérique a donné naissance à un nouveau prolétariat.

A l’ère du capitalisme des plateformes, les transformations du travail numérique révèlent un profond paradoxe : les start-up innovantes, qui utilisent des technologies de pointe et développent à grande vitesse l’intelligence artificielle, n’en ont pas encore fini avec le travail humain. Bien au contraire. À la place du robot intelligent réalisant des calculs mathématiques, il existe un monde du cyber-travail, qui emploie des millions d’individus à travers la planète, travailleurs humains payés à “jouer les intelligences artificielles”.  

Telle est la thèse d’Antonio Casilli, maître de conférences en humanités numériques à Télécom ParisTech. Le dernier essai de ce sociologue des réseaux, “En attendant les robots”, est le fruit d’une longue enquête de terrain, à l’ère de l’automatisation des fonctions industrielles. Déjà auteur de Qu’est-ce que le digital labor ? coécrit en 2015 avec le sociologue Dominique Cardon, Casilli explore les nouveaux travailleurs-automates chargés d’un travail laborieux, fragmenté et répétitif, travail invisible dans les chaînes de sous-traitance technologique. 

Sous-protection sociale

Qui sont ces “petites mains de l’intelligence artificielle” ? Des personnes qui “font le travail qu’un bot, logiciel d’agrégation des données, aurait dû réaliser”, explique Casilli. Des millions d’employés à travers le monde, payés à peine quelques centimes par clic par les géants mondiaux de la technologie, souvent sans réel contrat et surtout sans stabilité d’emploi. Cybercafés aux Philippines, salles d’informatique au Kenya ou télétravail en Inde, les travailleurs du clic y réalisent des tâches automatisées sur le Web. Dans les coulisses des GAFA, il n’y a pas que de jeunes capitalistes new-age, cool et branchés, en jean et équipement high-tech, mais beaucoup de ces néoprécaires du digital. En résumé, ce sont les humains qui font le travail des robots, et non l’inverse. 

Au-delà de la dénonciation de cette surexploitation sociale dans une économie informationnelle fondée sur l’extraction de données, Antonio Casilli montre comment le passage de l’entreprise à la plateforme conduit à une désorganisation complète du monde du travail. Les plateformes agrègent les activités selon trois modèles, explique-t-il. Les services à la demande (Uber ou Foodora), le microtravail (Amazon Mechanical Turk ou UHRS) et la commercialisation des relations sociales (Facebook ou Snapchat). Et la dématérialisation de l’économie amène à la prédominance du traitement de l’information sur les autres activités humaines professionnelles.  

Si l’on prend l’exemple de l’entreprise Uber, le quotidien connecté des chauffeurs Uber se déroule en réalité moins au volant de leur voiture que devant l’écran de leur smartphone. Le mythe d’un monde collaboratif, animé par un esprit de partage, de rencontre et de projet social, est une belle illusion. En réalité, les chauffeurs Uber passent davantage de temps à réaliser des tâches informationnelles qu’à converser avec le client humain : cliquer, enrichir les parcours GPS, renseigner les tableaux, envoyer des messages ou mettre à jour leur score de réputation. C’est la réalité du digital labor et la précarisation des services. Derrière ces “myriades de tâcherons du clic non spécialisés”, selon l’expression volontairement provocante de l’auteur, se met à jour une nouvelle division internationale du travail, encore plus inégalitaire qu’aux XIXe et XXe siècles. 

Comment y remédier ? Par l’amélioration de la réglementation , qui passera, d’une part, par le rôle des corps intermédiaires classiques (syndicats, coordinateurs ou “guildes”) et, d’autre part, par la requalification légale des droits sur le Web (fiscalité numérique, protection de la vie privée, droit des affaires). Antonio Casilli défend également la mise en place d’un revenu social numérique. Il soutient enfin la réinscription des travailleurs digitaux dans l’orbite du salariat, sur le modèle de la “Déclaration de Francfort” de 2016, consacrée à la reconnaissance du digital labor. Il n’y a pas d’autre solution, finit par dire Casilli, pour harmoniser et protéger les revenus. 

En attendant les robots. Enquête sur le travail du clic, d’Antonio A. Casilli, éd. du Seuil, 400 p., 24 euros 


[Podcast] Chez Édouard Baer (France Inter, 20 janv. 2019)

J’étais l’invité d’Édouard Baer sur le plateau de “Lumières dans la nuit”, l’émission de la nuit du dimanche sur France Inter.

Au coeur du mystère

1 heure 54 minutes

Podcast “Lumières dans la nuit” (20 janv. 2019)

En direct du café de la Maison de la Radio, le Belair, Edouard Baer est entouré de ses invités et complices.

Les invités 
  • Alexandre Astier. Il est accompagné de Maître Chantal Cavalcade.
  • Le sociologue Antonio  A. Casilli auteur du livre « En attendant les robots – Enquête sur le travail du clic » paru aux éditions du Seuil. 

Spécialiste des réseaux sociaux., Antonio A. Casilli est enseignant-chercheur à Télécom-ParisTech et chercheur associé à l’EHESS (Institut interdisciplinaire d’anthropologie du contemporain – IIAC / Centre Edgar Morin – CEM)

  • Les magiciens Thierry Collet et Guilhem Julia

Le MAGIC WIP est ouvert jusqu’au 1er mars à Paris à La Villette. La fabrique de magie de La Villette, en collaboration avec Thierry Collet et sa compagnie Le Phalène, rouvre ses porte pour une 2ème saison riche en surprises. Ouvert à tous, le MAGIC WIP est le reflet de la vitalité de l’art magique en France et dans le monde. 

Guilhem Julia, magicien et juriste, il invente de nouvelles techniques pour faire apparaître des poissons rouges et, en même temps, étudie la protection des secrets en magie et la notion de droit d’auteurs en prestidigitation. 

  • en live,  GUNWOOD. C’est le groupe formé en 2013 par les trois musiciens Gunnar Ellwanger, Jeff Preto et David Jarry-Lacombe. Avec ce soir 2 chanteurs invités : Hugh Coltman et Ben L’Oncle Soul. 

Après leur premier album « Traveling Soul » sorti en avril 2017, les GUNWOOD ont eu envie de prolonger le voyage; ils ont bousculé leurs titres en les mêlant aux univers d’autres artistes, amis ou admirés. De ces rencontres électriques à l’image de leur folk blues métissé, les « Traveling sessions » sont nées : un artiste invité, un titre de Gunwood à revisiter, un lieu singulier, des caméras et micros pour partager.

Le disque « Traveling Sessions » sort le 25 janvier

Ils jouent  en live les  titres “Rainchild” (feat. Hugh Coltman) et “More” (feat Ben L’Oncle Soul)

Avant leur concert à Paris au Trianon le 13 avril.

Hugh Coltman est de son côté en tournée jusqu’au mois de mai, il sera à Rouen le 25 janvier, à Paris au Trianon le 26 janvier, etc

Avec  Jack Souvant, en maraude dans les rues du Caire,  ainsi que Tito et sa guitare
Et au téléphone :

Claude Guibal, Grand reporter à la Rédaction Internationale de Radio France 

la danseuse Maryam Kaba, en direct de Marseille

… et d’autres appels et surprises 

[Vidéo] Dans Hors Série (19 janv. 2019)

Je me suis entretenu pendant une heure et trente minutes avec la journaliste Laura Raim. La vidéo est disponible sur le site Hors Série (sur abonnement).

Les forçats du clic

Laura Raim

Je fais partie de cette catégorie de gens qui ont le permis mais qui ne savent plus conduire. A force de ne jamais pratiquer, je n’ai acquis aucun réflexe. Et plus le temps passe, plus j’ai peur de réesssayer. Je pense qu’on peut désormais parler de « blocage psychologique ». Vous imaginez donc la lueur d’espoir qu’ont suscitée les nouvelles sur l’arrivée imminente des voitures autonomes, qui promettaient de me délivrer de ce handicap un peu honteux.

Je ne lui en veux pas, mais Antonio Casilli a brisé ce rêve. Dans son ouvrage, En attendant les Robots. Enquête sur le travail du clic ( Seuil), le sociologue démonte implacablement le grand bluff idéologique du mythe du « grand remplacement technologique ». On découvre que l’intelligence artificielle est moins l’affaire d’une poignée de génies des mathématiques en blouse blanche confectionnant des supercalculateurs de 200 pétaflops dédiés au « deep learning », que de millions de « tâcherons » du numérique, « mélange de stagiaires français et de précaires malgaches », sous-payés pour à la fois entraîner, cadrer et fournir les ordinateurs en données fiables et utilisables. Ce ne sont pas en effet « les machines qui font le travail des hommes, mais les hommes qui sont poussés à réaliser un digital labor pour les machines ».

J’avais déjà eu un choc similaire en lisant le génial En Amazonie de Jean-Baptiste Malet, qui dévoilait les conditions de travail hallucinantes dans un entrepôt d’Amazon. De même que le journaliste rendait visible la réalité physique, sale et humaine, derrière l’image faussement virtuelle et désincarnée du numérique, Antonio Casilli fait apparaître l’exploitation très concrète qui se cache derrière l’abstraction des algorithmes, et met à jour l’intérêt stratégique d’alimenter le mensonge d’un inéluctable remplacement des hommes par les robots : empêcher l’organisation des prolétaires du numérique. Et moi je n’ai plus qu’à reprendre des heures de conduite.

Aux Ressources , émission publiée le 19/01/2019
Durée de l’émission : 76 minutes

[Vidéo] A l’Instant M (France Inter, 16 janv. 2019)

Le 16 janvier 2019 à 9h40 j’étais l’invité de l’Instant M avec Sonia Devillers, sur France Inter.

Podcast l’Instant M (16 janv. 2019)

Ces travailleurs du clic qui font les opinions sur Internet

L'auteur de "En attendant les robots" fait apparaître la  réalité du "digital labor", l'exploitation des petites mains de  l'intelligence artificielle. Enquête et réflexion passionnante que  celles du chercheur Antonio Casilli.          

Transcription de cette émission réalisée par l’association April.

Les plateformes du nouveau monde que sont Amazon, Facebook, Youtube ou Twitter nous feraient, à dessin, miroiter des algorithmes surpuissants capables bientôt de gouverner les envies et les opinions de 7 milliards d’êtres humains. Mirage. 

C’est sans compter une armée invisible d’hommes et de femmes qui travaillent de leur doigt à cliquer toute la journée. Des volontaires bien heureux de poster, de liker ou de partager. Mais aussi des prolétaires sous-payés pour faire et défaire tout ce qui circule sur le web. Les robots n’auront pas tôt fait de remplacer le travail des hommes. En revanche, et c’est une question sociale et politique brûlante, ils le transforment. 

A la manœuvre, les grandes plateformes d’Internet qui mentent sur leur modèle économique pour mieux masquer ce qui les enrichit en réalité.