La MSH Paris Saclay, en collaboration avec la revue L’Homme et la Société et les Editions du Seuil, m’a fait l’honneur d’organiser une journée d’études entièrement consacrée à mon ouvrage En attendant les robots. Au fil de 4 tables rondes, les collègues Florent Le Bot, Hélène Picard, David Gaborieau et Claude Didry, ont analysé plusieurs aspects de ce texte, en les mettant en résonance avec des enquêtes récentes en sociologie, sciences de la gestion, économie industrielle.
Programme :
Après une présentation de son livre, Antonio Casilli sera amené à échanger avec les chercheurs Hélène Picard (EM Grénoble), Claude Didry (CNRS / ENS Ulm) et David Gaborieau (UPEM). La journée sera animée par Florent Le Bot (IDHES / université d’Evry), historien et membre de la revue L’Homme & la Société, et se déroulera à l’ISC-PIF que la MSH Paris-Saclay remercie pour son accueil.
9h30 : Accueil café – Mot d’ouverture par la Direction de la MSH Paris-Saclay
10h / 11h30 Présentation de « En attendant les Robots » par Antonio Casilli (TelecomParis / i3)
11h45 / 12h45 : « Quand l’ouvrier devient robot » : Antonio Casilli & David Gaborieau (CNAM / CEET)
12h45 / 14h00 Déjeuner
14h00 / 15h00 : « La fin du travail ou le retour du marchandage ? » Antonio Casilli & Claude Didry (CMH / ENS)
15h15 / 16h15 : « Par delà les plateformes capitalistes: le
renouvellement de la réflexion sur les organisations alternatives »
Antonio Casilli & Hélène Picard (Professeure assistante, Grenoble
Ecole de Management)
L’intelligence artificielle est l’objet de tous les fantasmes : elle serait partout autour de nous, ses capacités pourraient dépasser celles des humains, et nous réduire, à terme à l’esclavage… Mais l’IA, c’est quoi exactement ? Comment ça marche ?…
Bénévolat, volontariat, digital labor: dans les associations, les entreprises ou sur nos smartphones, certaines de nos activités non rémunérées ont en commun de servir de modèles économiques à d’autres. Services publics et entreprises fonctionnent grâce à la gratuitisation de certaines activités.
Si récemment vous avez posté une photo sur Instagram, recommandé un restaurant sur TripAdvisor ou posté une critique de film sur un blog, vous n’avez pas juste partagé. Vous avez travaillé pour ces grandes plateformes. Gratuitement. “Ces entreprises ont réussi à imposer l’idée que ces personnes qui travaillent gratuitement le font pour la communauté. Or les ressources communes qu’ils contribuent à créer (les contenus, les données…) sont captées par les plateformes et transformées en valeur monétaire à la fin”, rappelle le sociologue Antonio Casilli, spécialiste du “travail du clic” ou le digital labor
C’est aussi au nom de valeurs — souvent l’innovation, la curiosité, l’envie de partager ou d’apprendre — que de nombreux professionnels participent à des hackathons (contraction de “hack” et de “marathon”). Durant ces événements, organisés par des entreprises privées mais aussi souvent des institutions publiques, des équipes de développeurs, entre autres, imaginent des nouveaux services ou applications. François Lacombe est ingénieur, mais aussi bénévole pour OpenStreetMap. Une association dédiée à l’ouverture à tous des données géographiques. Et c’est sur ce thème qu’il a participé des hackathons. “Cela dure 48h, souvent le week-end car c’est ouvert au grand public, et presque non-stop car il faut arriver le dimanche devant le jury avec une solution dont on sait qu’elle va fonctionner.”
En 2003, l’informaticien Edward Feigenbaum qualifiait l’intelligence artificielle de « destinée manifeste » de nos sociétés. Emprunté du providentialisme américain, ce slogan cache pourtant les défaillances d’une discipline qui n’arrive pas encore à s’attaquer à « la vraie majesté de l’intelligence générale ». Mais les effets de cette idéologie dépassent aujourd’hui la communauté scientifiques. Derrière les déclarations des pionniers de l’informatique intelligente et le buzz des investisseurs, s’affirme en fait une certaine vision du travail : le digital labor, une activité tâcheronnisée, sous-payée et parfois même gratuite qui a lieu sur les plateformes numériques. Elle pointe une dynamique profonde qui traverse toute la planète, où des myriades de personnes réalisent quotidiennement ce « travail du doigt ». Dans quelle mesure la rhétorique des visionnaires de l’IA et les prophéties de la disparition de centaines de millions d’emplois cèlent en réalité la pérennisation d’un travail humain de plus en plus précaire et invisibilisé ?