en attendant les robots

Dans La Croix, trois pages sur le micro-travail (13 déc. 2022)

Dans La Croix, la journaliste Audrey Dufour consacre trois pages au sujet du microtravail et ses liens avec l’IA. Les recherches de l’équipe DiPLab y sont mises à l’honneur. Dans un court texte, tiré de l’interview que j’ai accordé au quotidien, j’entame un débat avec le scientifique Jean-Claude Heudin.

Croix-2022

Dans Libération (7 déc. 2022)

Dans le cadre du dossier que le quotidien Libération consacre à un “Voyage au cœur de l’IA”, la journaliste Julie Ronfaut rencontre informaticiens et sociologues (dont moi) pour parler d’automation et travail.

L’intelligence artificielle, une précarisation de l’emploi plus qu’une destruction

Entre prévisions catastrophistes et optimisme souvent intéressé, l’impact de ces technologies sur les travailleurs est difficile à prédire. Au-delà du risque d’aggravation des inégalités, c’est surtout notre dépendance qui doit être interrogée.

Quand on lui demande si l’intelligence artificielle (IA) va détruire nos emplois, GPT-3 reste prudent : «Cette question est très controversée et dépend largement des applications de l’intelligence artificielle.» Pour une réponse plus détaillée, et surtout plus intéressante, on se tournera plutôt vers les humains qui planchent depuis longtemps sur ces enjeux, En 2013, une étude publiée par l’université d’Oxford semait un vent de panique. Après avoir analysé 702 métiers, ses auteurs ont conclu que 47 % des emplois aux Etats-Unis seraient automatisables d’ici à vingt ans, grâce à des robots, des logiciels ou des intelligences artificielles. Parmi les métiers les moins à risque, on retrouvait les assistants de service social, les orthoprothésistes ou les stomatologues. Parmi les plus à risques, les télémarketeurs, les réparateurs de montres ou les agents de bibliothèque.

«Précarisation généralisée»

Presque dix ans après ces prédictions fatalistes, et parfois critiquées, économistes et sociologues du travail tentent toujours d’estimer les conséquences de la généralisation des intelligences artificielles dans nos vies. Certains de ces travaux cassent nos clichés. En 2020, Michael Webb, économiste de l’université de Standford, supposait que contrairement aux robots et aux logiciels, qui peuvent concurrencer des métiers moins qualifiés, l’intelligence artificielle menace davantage les emplois à hautes compétences, car elle ne se contente pas d’effectuer des tâches répétitives. Les travailleurs les plus âgés, qui ont accumulé le plus d’expérience et qui s’adaptent moins vite, seraient particulièrement vulnérables à ces bouleversements. Par ailleurs, en 2019, l’OCDE donnait une estimation moins dramatique que les économistes de l’université d’Oxford : «Seulement 14 % des emplois existants présentent un risque de complète automatisation, et non pas près de 50 % comme le suggèrent d’autres recherches.» Par ailleurs, 32 % des emplois pourraient «profondément changer», sans pour autant disparaître.

Intelligence artificielle

Il est donc difficile d’estimer l’impact réel de l’intelligence artificielle sur le futur marché de l’emploi, entre les pessimistes, qui craignent une explosion massive du chômage, et les optimistes, qui croient en la destruction créatrice (discours largement nourri par l’industrie du numérique) ou en l’avènement d’une société sans travail. Pourtant, certains spécialistes arguent qu’on se trompe de sujet. «Ce n’est pas l’intelligence artificielle qui menace l’emploi, c’est le capitalisme et la course effrénée aux hyperprofits», tranche Antonio Casilli, professeur de sociologie à l’Institut polytechnique de Paris. «Les investisseurs cherchent à réduire le coût de la masse salariale par différentes méthodes. Par exemple, en licenciant en masse puis en réembauchant des personnes en free-lance pour ne pas payer de cotisations sociales. On assiste aussi à la fragmentation de métiers qui, avant, étaient professionnalisants et liés à des compétences fortes. Désormais, il s’agit de microtâches séparées. Ce qu’on voit aujourd’hui c’est moins du chômage de masse qu’une situation de précarisation généralisée.»

Inégalités sociales aggravées

Dans son essai En attendant les robots (Seuil, 2019), le chercheur s’attaque justement à la «prophétie lancinante» de la fin du travail provoqué par les machines. Il y souligne que les intelligences artificielles sont des dispositifs qui demandent énormément de travail humain pour fonctionner, au-delà des développeurs informatiques qui les créent. C’est ce qu’on appelle le «digital labor». Des activités (rémunérées ou non) conçues pour enrichir des plateformes numériques, les nourrir de données, et donc leur donner de la valeur : livreur Deliveroo, travailleur du clic (qui fait des petites tâches répétitives comme de trier ou d’annoter une base de données) ou même… internaute qui s’amuse à discuter avec GPT-3, entraînant ainsi l’IA pour améliorer gratuitement ses performances. C’est un travail qui n’est pas considéré comme du travail, sans protection ni reconnaissance. Or, ce phénomène de digital labor s’accélère, particulièrement avec la crise sanitaire et encore plus dans les pays en développement. L’intelligence artificielle aggrave donc déjà les inégalités économiques et sociales, mais pas forcément comme on le croit. «Dans ce débat sur l’intelligence artificielle et l’emploi, il faut se poser cette question : quand on parle d’automatisation, de quoi parle-t-on vraiment ? s’interroge Antonio Casilli. Souvent, cela veut dire remplacer des personnes visibles par d’autres invisibles, qu’on sépare du reste du monde par un écran.»

[Podcast] Interview dans l’émission “Un monde nouveau” (Radio France Inter, 25 juill. 2022)

Quels hommes se cachent derrière les robots ? Réponses avec le sociologue Antonio Casilli, professeur à l’Institut Polytechnique de Paris et spécialiste de nos usages numériques.

Avec

  • Antonio Casilli Professeur à Telecom Paris, Institut Polytechnique de Paris

Sociologue d’une modernité liquide, il a fait de nos vies numériques un champ d’analyse très concret et interroge ce que les nouvelles technologies font aux humains de corps et d’esprit ! Antonio Casilli est notre invité : professeur de sociologie à l’Institut Polytechnique de Paris, il est l’auteur d’En attendant les robots, paru au Seuil et a participé à la série documentaire Invisibles, les travailleurs du clic, sur France 5, disponible sur la plateforme France TV Slash.


Le quotidien britannique The Guardian rapporte une histoire un peu effrayante d’attaque de robot. En marge d’un tournoi international d’échecs à Moscou, un robot joueur a été mis à disposition. Un petit garçon, qui figure parmi les meilleurs joueurs de la capitale russe dans la catégorie des moins de 9 ans, a voulu tester la machine. Le robot, perturbé par sa rapidité d’exécution, lui a vivement attrapé les doigts. Sur une vidéo, l’on constate que le robot met du temps à lâcher l’enfant et que l’intervention d’un adulte est nécessaire.

Le résultat est une fracture et un plâtre. L’enfant a tout de même pu participer au tournoi le lendemain, à l’aide d’une attelle, mais ses parents envisagent des poursuites judiciaires contre le fabricant du robot.

Dans l’émission “Un nouveau monde”, le sociologue franco-italien Antonio Casilli revient sur cet événement.

L’enfant mis en cause

Étonnamment, c’est l’enfant qui a été mis en cause par les organisateurs du tournoi dans cet événement, car son comportement serait sorti du cadre établi. Sergey Smagin, vice-président de la Fédération russe des échecs, auprès du média russe Baza, justifiait cet acte ainsi : “Il y a des règles de sécurité et il semblerait que l’enfant ne les ait pas respectées. Quand il a entrepris son action, il n’a pas réalisé qu’il devait d’abord attendre. C’est un événement rarissime. Le premier de ce type à ma connaissance.”

Le sociologue spécialisé dans l’analyse des nouvelles technologies Antonio Casilli s’étonne que ce soit le geste de l’enfant qui soit d’abord mis en avant :

“C’est intéressant de remarquer la réaction des organisateurs de ce tournoi d’échecs qui ont tout de suite mis la faute sur l’enfant en disant que c’est lui qui avait commis une erreur parce qu’il avait été trop rapide, plus rapide qu’une machine intelligente parce que cet enfant, c’est l’un des meilleurs champion d’échecs russes de moins de neuf ans. Donc il est plus rapide et plus intelligent que la machine. C’est un joli échec pour cette machine qui joue aux échecs, c’est-à-dire que c’est un fail.”

Cette machine, moins intelligente que cet enfant, n’a pas été blâmée. L’aurait-t-elle compris… Mais comment un tel incident a-t-il été possible ?

Un univers trop complexe pour l’intelligence artificielle

Antonio Casilli explique que ces machines peuvent agir et intervenir dans un cadre précis, mais dès lors que l’on sort de ce cadre, l’univers devient trop complexe :

“Ces machines sont pensées et imaginées pour évoluer dans ce qu’on appelle, en mathématiques, des ‘espaces discrets’. Les échecs sont un cas classique. Vous avez 64 cases, 32 pièces et rien de plus. Mais l’univers est beaucoup plus complexe que ça. Il y a beaucoup plus de places que 64 cases dans l’univers et beaucoup plus de choses que 32 pièces. Et donc, parfois, un doigt peut, disons s’insérer dans la machine, et malheureusement aussi blesser en passant.”

Doit-on avoir peur des machines ?

La peur des machines, qui pourraient prendre la place des humains, peut avoir des liens avec la politique et cette idée totalement abjecte d’un “grand remplacement”, comme l’explique Antonio Casilli :

“La rhétorique du remplacement est une rhétorique qui a des échos, hélas politiquement, très problématiques. Le grand remplacement robotique se fait écho de certaines peurs des droites extrêmes un peu partout dans le monde, d’un grand remplacement. Souvent, les personnes qui véhiculent cette rhétorique du grand remplacement robotique ont aussi des sympathies pour les autres théories du grand remplacement. Et on le voit de plus en plus avec les producteurs de technologies de la Silicon Valley, par exemple, qui se rangent de plus en plus à droite dans l’échiquier politique.”

Des dangers des nouvelles technologies et de l’intelligence artificielle

La perte de contrôle est en revanche une crainte légitime, quant aux nouvelles technologies, toujours plus présentes dans nos quotidiens. Antonio Casilli parle d’automatisation :

“Il existe une continuité entre les plateformes et les applications en général, tous ces petits bouts de logiciels qui peuplent notre vie, nous mettent au travail d’une manière ou d’une autre. Et de l’autre côté, l’automation, parce que c’est souvent avec les données extraites à partir des applications et des plateformes numériques comme Google, Facebook ou WhatsApp. et ainsi de suite, qu’on entraîne, c’est-à-dire qu’on prépare, qu’on produit l’automatisation.”

Est également pointée du doigt dans l’émission “Un monde nouveau” la pénibilité du travail de certains micro-travailleurs, des petites mains qui accomplissent en nombre des taches précises et répétitives notamment.

Antonio Casilli prend l’exemple des voitures autonomes et du travail que cela nécessite, bien souvent délocalisé :

“Ce sont des ordinateurs sur roues et elles enregistrent énormément de données qui doivent être par exemple des vidéos du monde environnant. Après, il faut que quelqu’un traite ces données. Par exemple, en ajoutant des tags comme on le fait sur Instagram par exemple, ‘ça, c’est un arbre’, ‘ça, c’est un feu de circulation’, etc. Ou alors que ces personnes dessinent les contours des voitures… Donc c’est un travail pénible, c’est un travail à faire à la main et qui est considéré comme un travail sans qualités. (…) Les grandes plateformes externalisent, délocalisent ce travail très faiblement rémunéré à des personnes qui sont souvent à l’autre bout du monde, pour les entreprises françaises, fort souvent en Afrique, ou alors dans d’autres pays francophones, et pour les pays anglophones, plutôt du côté de l’Asie, de l’Inde, vers l’Asie du Sud-Est.”

Le sociologue évoque l’idée, pour pallier ses dangers et dérives, de la “coopérativisation”. Il explique : “C’est l’idée de faire en sorte que ces grandes plateformes et ces technologies en général soient confiées aux utilisateurs. Si on devenait tous un peu propriétaires de ces technologies, on aurait aussi la possibilité de les investir de nos exigences, de nos désirs et pas seulement des désirs des billionaires qui les ont lancées au début.”

[Vidéo] Est-ce que le micro-travail est un “travail sans qualité” ? (Avignon, 12 juill. 2022)

9ème Rencontres Recherche et Création Festival d’Avignon – ANR, Contes, mondes et récits, les 11 et 12 juillet 2022. Le travail « sans qualités » ? par Antonio Casilli, professeur et sociologue à Télécom Paris. Antonio Casilli est coordinateur du projet Hush – La chaîne d’approvisionnement humaine derrière les technologies intelligentes, financé par l’ANR : https://anr.fr/Projet-ANR-19-CE10-0012

Review of the Arabic version of my book in the Independent Arabia (16 May 2022)

The novelist and journalist Ali Ata published a flattering and very complete review of my latest book in the newspaper Independent Arabia. The book, initially published in French in 2019 under the title En attantendant les robots (Seuil, 2019), has been translated in Arabic as في انتظار الروبوت للكات (Dar Almaraya, 2022).

الأيدي الرقمية الخفية هل تحول البشر إلى آلات ؟

يطرح كتاب “في انتظار الروبوت: الأيدي الخفية وراء العمل الرقمي”، تأليف أستاذ علم الاجتماع بتليكوم باريس (كلية الاتصالات اللاسلكية في العاصمة الفرنسية) أنطونيو كازيللي، ترجمة مها قابيل (دار المرايا للثقافة والفنون)، سؤالاً يبدو معاكساً للراسخ في الأذهان في ظل التقدم التكنولوجي المذهل الذي تعيشه البشرية في الوقت الراهن، وهو: هل سيحل البشر محل الروبوت؟ فكازيللي يلاحظ في كتابه هذا انتشار نمط من “العمل الخفي” الذي يقوم به بشر في خدمة التحول الرقمي على مستوى العالم من دون أن يتمتعوا بحقوق مادية عادلة نظير عملهم هذا، الذي يبدو أن لا غنى عنهم في أدائه حتى في وجود الروبوتات، ومن ثم فإنه يُنْظر إليهم على أنهم لا يختلفون عن الآلات الصماء في شيء، بل ربما يكونون أقل كلفة منها في نظر الرأسمالية الرقمية المهيمنة على إنتاج المعلوماتية في مجالات إنتاجية وخدمية مختلفة. وهكذا وبحسب ما ذهب إليه المؤلف استناداً على معطيات عدة، فإن “الآلات ما هي إلا بشر يقومون بعمليات حسابية”!

يطلعنا كازيللي في كتابه الذي حاز جائزة الكتابة الاجتماعية والجائزة الكبرى للحماية الاجتماعية عام 2019، على كواليس التطور المهول في عالم الذكاء الاصطناعي ومدى تأثيره على أشكال العمل المختلفة. فهناك شركات عملاقة تبيع الذكاء الاصطناعي ولكنها ليست من يصنعه، بل توكل هذه المهمة للعديد من “عرائس الماريونيت” التي تنجذب عبر خيوط غير مرئية نحو العمل غير الرسمي أو في ظروف مجحفة وفي ظل عدم اعتراف كامل بالجهود المبذولة. فالانبهار بالذكاء الاصطناعي والروبوت لا يعكس إلا تزايد تهميش العمل البشري، إذ أن أسطورة إحلال التكنولوجيا الحديثة محل العمل البشري تعني تراجع صورة العمل النمطية والوظائف الرسمية واستبدالها بجيش غير مرئي من الأشخاص.

ما لم يتحقق أبداً

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الكتاب بالترجمة العربية (دار المرايا)

يبحث كازيللي، الذي سبق أن أصدر كتاباً بعنوان “الروابط الرقمية” في العام 2010، عن الإنسان وراء العمليات ذات الشكل الآلي والتي في جوهرها، وفي حقيقة الأمر، هي من صنع الإنسان وموجَّهة للإنسان، ويزعم أن فكرة انتظار الروبوت هي أشبه بترقب ما لن يتحقق أبداً. حيث يتمسك بالمسمى الانجليزي للعمل الرقمي المبني على “نقرات الأصابع” Digital Labor   في إشارة إلى الأعمال الآلية في الذكاء الاصطناعي التي تتأسس على أصابع الإنسان وعدد الدقات التي يدق بها على أزرار الجهاز.

وما ينبغي الانتباه إليه في هذا الصدد هو أن لذلك “التطور” جذوراً ملموسة ترجع إلى ثلاثينيات القرن الماضي. ففي منتصف ذلك القرن أدار الرياضي البريطاني آلان تيورينغ برنامج أبحاث ضخم لصالح جمعية لندن الرياضية، بدأ عام 1936 مع مؤتمر عن “الأعداد القابلة للحساب”، ثم سطع نجمه بعد ذلك باثني عشر عاماً مع نشره دراسة بعنوان “الحاسبات الآلية والذكاء” منطلقاً من فرضية ستكون أساساً لأبحاث تالية عن الذكاء الاصطناعي، وتقضي بأنه لا يوجد ما يمنع مبدئياً من تطبيق المعايير نفسها على البشر وعلى الآلات على حد سواء، خاصة عندما يتعلق الأمر بتحديد ما إذا كانت الآلات يمكنها التفكير والإدراك بل وامتلاك الرغبة أيضاً. أو بمعنى لآخر: “أي إنسان يقوم بحساب قيمة رقمية حقيقية يمكن مقارنته بما تقوم به الآلة”. والأخطر من ذلك هو احتمال تحول البشر إلى عبيد للآلات الذكية. وهو أمر يبدو أنه سيميز القرن الواحد والعشرين مقارنة بما سبقه من قرون.

الإغراء الأوتوماتيكي

وبحسب كازيللي، وهو أيضاً منسق سيمنار “دراسة الثقافات الرقمية” في كلية الدراسات العليا في العلوم الاجتماعية في باريس، فإن السؤال الذي يفرض نفسه عن الآثار التكنولوجية على النشاط البشري ليس وليد اللحظة، مشيراً إلى أنه لم يبق من الشاعر اللاتيني أنيوس، سوى بضعة أبيات تنم عن قلق وجودي عظيم: “الآلة تمثل تهديداً ضخماً”، و”إنها تعتبر من أكبر الأخطار التي تهدد المدينة”، كما يرد في القصيدة. وبغض النظر عن أن التكنولوجيا المقصودة في خيال الشاعر هي مجرد محرك لمقعد حصان طروادة، وأن المدينة المهددة ما هي إلا مدينة بريام، فالواقع أن تأثير الأجهزة التكنولوجية على الحياة المشتركة لا زال هو التساؤل الذي يمر عبر حضارتنا من أصولها الأولى، والذي تتأجَّج به المخاوف القديمة بقوة. إنه الخوف من أن تقضي الآلة على الحياة، سواء أكانت الحياة المجردة أو الحياة المشتركة، والذي يتجسد في الآونة الأخيرة في الجدل الكبير حول هيمنة “الأتمتة” وقضائها على مفهوم العمل.

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المؤلف أنطونيو كازيللي (دار المرايا)

 ويكمن حجر الزاوية في أوهام تدمير العمل البشري في خطاب “الإحلال الكبير” للآلات محل البشر والذي يرجع تاريخه إلى قرنين من الزمن. وقد كرَّس له مفكرو التصنيع الكلاسيكيون تحليلاتهم ومنهم البريطاني توماس مورتمي في كتابه “محاضرات حول عناصر التجارة” الصادر في 1801 والذي حذر فيه: “سيكون هناك نوع من الآلات مصممة كي تختصر أو تسهل عمل الإنسانية”، ونوع آخر “يهدف إلى استبعاد العمل البشري شبه كلياً”. وقد آل الحال إلى أن الإحلال الوحيد الواضح في التحولات الرقمية الحالية هو التحول من العمل اليدوي إلى العمل بالأصابع (أو بالنقر) أي بصورة أدق هو العمل الرقمي الثائم على النقر. مع العلم أن إمكانية الاستعاضة عن العمال البشريين بحلول أوتوماتيكية كانت مجرد ملاحظة عابرة للكلاسيكيين البريطانيين، لكنها صارت في السبعينيات من القرن الماضي أقرب إلى نبوءة راديكالية تعلن عن نهاية العمل.

توافقات هشة

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الأصل الفرنسي للكتاب (دار سوي)

ولكن كيف للديجيتال لابور (العمل الرقمي) أن يضع على المحك فكرة العمل نفسها؟ هناك أنشطة لا يمكن فصلها عن الرقمية مثل إدارة حساب الفيسبوك وعمل قائمة تشغيل والإعجاب بمحتوى ما، إلخ. كلها أنشطة منتجة مرتبطة بالثراء، ولكن ليس بالعائد. المستخدم – المستهلك يشترك في سلسلة القيم ويتحمل بعض القيود بعيداً عن مسألة الدخل والتوزيع العادل للقيمة المتولدة، انتقال الأنشطة المنفذة في إطار العلاقات مدفوعة الأجر (مثل شراء تذكرة ثم طبعها بواسطة المستهلك) تظهر هشاشة التوافقات التي تصف نشاطاً ما بأنه عمل.     

وهكذا يجد كازيللي أن العمل الرقمي ليس نشاطاً إنتاجياً بسيطاً. هو علاقة تبعية بين فئتين من الفاعلين على المنصات، وهما المصممون والمستخدمون. ولكن إلى أي مدى يمثل العمل الرقمي نشاطاً يرتبط بالعمل؟ وهل ينبغي التعامل معه بصفته تحولاً جذرياً لفكرتنا عنه بحيث يتطلب الأمر تصنيفه تحت مسمى آخر بعيداً عن مسمى العمل؟ يقترح البعض مفاهيم مثل “هجين من العمل واللعب” playbor  أو “العمل والترفيه” weisure  مع التركيز على المكون الترفيهي لأنشطة معينة تتم على المنصات. ومع ذلك تتجاهل هذه المفاهيم عنصري المشقة والخضوع اللذين يظلان قائمين في عمل المنصات ويلقيان بثقلهما بشكل خاص على القائمين بالمهام الصغيرة في البلدان النامية أو العمال غير النمطيين للتطبيقات “عند الطلب” (القائمين بالتوصيل، وقائدي السيارات، ومنتجي الخدمات الشخصية). بالإضافة إلى ذلك فإن العمل “المجاني” والتطوعي لمستخدمي المنصات الترفيهية والاجتماعية يعتمد في حد ذاته على إخفاء عمل قطاعات واسعة من الوسطاء والعاملين بالنقر (أي أن يكون عملهم غير مرئي). إنه يكرر بعض أشكال مساومات القرن التاسع عشر قبل استحداث نظام المستخدمين، ويستعير سمات أخرى من “التبعية المحمية” التي ميَّزت العمل في الشركة. وهكذا يعد العمل الرقمي نشاطاً يمكن التعرف على بعض مكوناته المرئية (تقديم وجبة، ونشر مقطع فيديو عبر الإنترنت) في حين أن البعض الآخر يعتبره جزءاً من العمل غير المرئي يتعلق بإعداد المعلومات والبيانات وعلاجها. 

مبادئ العدالة الاجتماعية

ولكن ما السبيل الذي ينبغي أن نسلكه لنصل إلى إنترنت قائم على البشر يروج لمبادئ العدالة الاجتماعية والاقتصاد الاجتماعي التضامني؟. يجب على المنصات التعاونية أن توفر لأعضائها أجراً لائقاً وأماناً في العمل وإطاراً قانونياً يحميهم وإمكانية نقل ضمانات الصحة وصناديق الادخار والحق في قطع الاتصال. ينبغي كذلك وضع الملكية الجماعية للمنصات في أيدي “الأشخاص الذين يولِّدون أغلبية القيمة” وإشراك العاملين في عملية برمجتها وفي إدارة تدفقات إنتاجهم لإنشاء نظام عمل شاركوا في تحديده. وهكذا، وفق كازيللي، يمكن إصلاح رأسمالية المنصات من ناحية؛ والمساهمة في التحول إلى منصة مسؤولة أخلاقياً عن التعاونيات التقليدية من ناحية أخرى. والتقارب بين هذين النهجين يعد أمراً مهماً جداً ولكنه قد يمثل أيضاً نقطة ضعف نظراً إلى أن البديل التعاوني يتطور بالتوازي مع الصعود العالمي للمنصات الرأسمالية. لذا فإن الخطر يكمن في أن هذا البديل يقتصر على إدخال بعض التنوع في مشهد العمل الرقمي، دون قلب النظام المعمول به حالياً. ومن ثم يمكن أن تظل الحركة ظاهرة متخصصة في مواجهة النهج الغازي لخصومها، أو حتى الاستيلاء عليها من قبل كيان يذهب في بعض الحالات إلى حد تمويل المنصات التعاونية بشكل مباشر.

ويلاحظ أن ترسانة القوانين النقابية، من ناحية، والطرح الليبرالي من ناحية أخرى، لا يقدم أي منهما حلاً مرضياً لمشكلة أجور العمل الرقمي. فالأولى تتجاهل الأبعاد غير المرئية لعمل المنصات، على حين يسهم الآخر من خلال تشجيع إعادة بيع البيانات بالقطعة، في التقليل من قيمة مساهمة المستخدمين. في عالم حلت فيه “الأتمتة” بشكل نهائي محل العمل البشري، سيكون الدخل الاجتماعي الرقمي أولاً وقبل كل شيء مصدراً رئيسياً للموارد الاقتصادية للأفراد وليس مكملاً للأموال التي يتم تلقيها من خلال قنوات أخرى. لذلك لن يكون بديلاً أو منافساً للمساعدة الاجتماعية. ينبغي دفع المنصات للتخلي عن الاحتكار والتخلي عن عدم شفافية تقنياتها، وبالتالي التخلي عن إخضاع العمل البشري للإكراه. فإذا أجبرت المنصات على دفع أجور للعمل الرقمي، بما في ذلك العمل غير المرئي، فسوف تساهم في تمويل ما هو مشاع بلا مقابل مجزي، ما قد يؤدي إلى حدوث تحول في نماذج أعمالها الحالية، التي ستصبح غير مربحة أو حتى غير مستدامة. من خلال التحول إلى النماذج غير الجشعة، لن يكون للمنصات الرقمية حجة بعد الآن للتلويح بشبح “الأتمتة” لتأديب قوة العمل. سوف تحقق إذن رسالتها الثلاثية الأصلية: إحلال الملكية الاجتماعية محل الملكية الخاصة، وتجاوز العمل الخاضع للعمل من دون إكراه، واستبدال حظائر التبعية  ببنيات تحتية مشتركة.

The Arabic translation of my book “Waiting for Robots” has just been published! (2 Feb. 2022)

After the Italian and the Spanish translations of my latest book [Waiting for Robots. An Inquiry Into Digital Labor] En attendant les robots. Enquête sur le travail du clic, here is the Arabic version, published by Dar Almaraya, Cairo, Egypt.

أنطونيو كازيللي (Antonio Casilli) (2022). في انتظار الروبوت للكات. Dar Almaraya, Cairo, Egypt.

Translated by: مها قابيل

Order here: Almaraya Publisher.

Interview dans Le Monde (21 nov. 2021)

A l’occasion de la parution d’un dossier sur le travail des plateformes, j’ai accordé un entretien à la journaliste Catherine Quignon (Le Monde).

« L’intelligence artificielle favorise l’accélération du microtravail »

Le professeur de sociologie Antonio Casilli explique au « Monde » que le nombre de personnes travaillant sur des plates-formes numériques a augmenté pendant la crise sanitaire, amorçant une nouvelle forme de précarisation.

Par Catherine Quignon

Antonio Casilli est professeur de sociologie à Télécom Paris, grande école de l’Ixnstitut polytechnique de Paris, et codirigeant de l’équipe de recherche DiPLab (Digital Platform Labor) sur le travail en ligne. Il explique l’essor du microtravail sur les plates-formes.

Quel est le profil des microtravailleurs ?

En France, notre équipe de recherche a dénombré près de 15 000 personnes qui se connecteraient chaque semaine sur les plates-formes de microtravail – plus de 50 000 au moins une fois par mois –, et plus de 260 000 microtravailleurs seraient inscrits mais pas ou peu actifs. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, ces personnes sont souvent diplômées.

Le profil des inscrits reflète aussi l’évolution des plates-formes. Depuis plusieurs années, la frontière s’estompe avec les sites de free-lance classique. Certaines plates-formes de microtravail recherchent des compétences assez avancées sur des missions mieux payées, autour de 15 dollars de l’heure. Parallèlement, on voit des plates-formes de free-lance se mettre à proposer des microtâches, comme taguer des images. Cela reflète une forme de paupérisation du travail indépendant.

Quel impact la crise sanitaire a-t-elle eu sur le microtravail ?

Plusieurs plates-formes annoncent qu’elles ont vu leur activité augmenter avec la crise sanitaire, mais on suppose qu’il s’agit d’abord d’une augmentation des personnes qui s’inscrivent. L’une des plus importantes au monde, Appen, déclare avoir vu son activité croître de 30 % depuis avril 2020. De son côté, Clickworker dit avoir atteint les 2 millions de travailleurs inscrits sur sa plate-forme. Preuve que la crise sanitaire est aussi une crise de l’emploi.

Parallèlement, il semble que certaines entreprises ont plutôt tendance à vouloir réinternaliser ce processus de microtravail, à cause du risque de fuites de données. On se souvient des controverses autour des assistants vocaux en 2019, lorsque les médias ont révélé que des armées de microtravailleurs écoutaient et retranscrivaient des conversations. On suppose que ces fuites ont pu contraindre les entreprises à renoncer à se tourner vers des sous-traitants, mais il reste difficile de mesurer l’ampleur réelle de ce phénomène.

L’intelligence artificielle va-t-elle tuer le microtravail ?

Contrairement aux idées reçues, l’intelligence artificielle favoriserait plutôt l’accélération du microtravail. On aurait pu croire que, une fois entraînées, les machines pourraient progresser toutes seules mais, en fait, elles ont constamment besoin d’être réentraînées. Car la réalité du terrain, le comportement des consommateurs, la manière de parler en ligne… changent constamment. Lorsqu’on tapait « corona » en 2018 dans Google, la première réponse affichée par le moteur de recherche était « bière ». Fin 2019, des millions de personnes se sont mises à rechercher le terme « coronavirus ». Il a fallu l’intervention humaine de milliers d’employés pour vérifier et rectifier les résultats du moteur de recherche. Preuve que plus il y a d’intelligences artificielles, plus il y a besoin d’êtres humains derrière pour les rééduquer.

[Podcast] Conférence “Venir à l’Histoire” (26 sept. 2020, Librairie Ombres Blanches, Toulouse)

Les robots vont-ils remplacer les humains au travail ? Les « intelligences artificielles » sont-elles réellement intelligentes ? Ces questions ne sont pas les seules que pose le digital laborou travail du clic. Derrière nos instruments techniques – téléphones, assistants virtuels – s’articule un travail humain invisible. 

Antonio Casilli propose d’étudier les réseaux globalisés de ce digital labor afin d’expliquer comment ce travail se structure. Depuis au moins vingt ans, de nombreux outils contiennent des « intelligences artificielles », c’est par exemple le cas des assistants virtuels comme Siri, Cortana, Alexa ou encore Google Home. Cependant, pour fonctionner, ces instruments demandent une masse importante de « travail vivant ». Des petites mains du digital travaillent sans relâche pour faire fonctionner ces instruments. Elles modèrent, traquent les contenus violents, récoltent et traitent les données engrangées par les plateformes. Cette étude sociologique montre alors que nos outils techniques, prétendus autonomes, dépendent en fait d’une multitude de travailleurs.

Ce travail, rendu invisible par la notion même d’intelligence artificielle, emploie une foule de « tâcherons du clic » précaires, répartis sur plusieurs continents. Souvent installés dans des pays tiers comme par exemple, Madagascar pour la France. Ces employés sont recrutés sur des bases opaques et sans logique de qualification. Il s’agit d’activités précaires qui concernent 260 000 personnes en France et qui ne sont pas sans occasionner de la souffrance. Toutefois, certains travailleurs s’organisent et arrivent à faire valoir leurs droits. Cette étude propose enfin différentes pistes de réflexions relatives aux alternatives à mettre en place pour solutionner l’invisibilisation et à la précarité du digital labor.


  • Casilli A., 2019, En attendant les robots. Enquête sur le travail du clic, Paris : Seuil.


Fiche technique

Date : 26 septembre 2020

Durée : 49:37 m

Producteur : Ombres Blanches

[Update Gennaio 2021] Arriva in libreria ‘Schiavi del clic’ (Feltrinelli), traduzione italiana del mio ‘En attendant les robots’!

UPDATE GENNAIO 2021 : Schiavi del clic è stato selezionato nella cinquina dei finalisti del Premio Galileo per la divulgazione scientifica.

Il 17 settembre 2020 arriva nelle librerie italiane Schiavi del clic. Perché lavoriamo tutti per il nuovo capitalismo? traduzione del mio pluripremiato En attendant les robots, uscito in Francia nel 2019. È la Feltrinelli Editore che ha curato questa bella iniziativa, e per la traduzione ha fatto appello alla penna del saggista Raffaele Alberto Ventura.

Descrizione

C’è un’opinione diffusa sulla rivoluzione tecnologica ed è che l’intelligenza artificiale sostituirà gli uomini, cancellando il lavoro come lo conosciamo. Questa idea è del tutto infondata. L’intelligenza artificiale non renderà superfluo il lavoro. Al contrario: gli operai del clic sono il cuore dell’automazione.  Con un’inchiesta sul nuovo capitalismo delle piattaforme digitali, Antonio Casilli dimostra che, in realtà, l’intelligenza artificiale ha sempre più bisogno di forza lavoro, che viene reclutata in Asia, in Africa e in America Latina. Gli operai del clic leggono e filtrano commenti sulle piattaforme digitali, classificano l’informazione e aiutano gli algoritmi ad apprendere.  Quella in corso è una rivoluzione profonda e ci riguarda da vicino, perché trasforma il lavoro in un gesto semplice, frammentario e pagato sempre meno o addirittura nulla, quando a compierlo sono addirittura i consumatori. Quante volte al supermercato abbiamo scelto le casse automatiche per evitare la fila? Così, con una velocità esponenziale, l’accumulazione gigantesca dei dati alla quale tutti partecipiamo si converte in una forma di lavoro non retribuito, di cui spesso siamo inconsapevoli. È un nuovo taylorismo, nel quale le piattaforme digitali come Amazon, Facebook, Uber e Google sono i principali attori capaci di sfruttare i propri utenti inducendo gesti produttivi non remunerati. Stiamo creando una tecnologia che ha bisogno di lavoro umano e ne avrà bisogno sempre di più. Un lavoro non sarà mai sostituito da un’automazione. Perciò le lotte per il riconoscimento di questo lavoro sono legittime e soprattutto necessarie.

Quarta di copertina

Le profezie sulla “fine del lavoro” risalgono all’alba della civiltà industriale. Anche oggi c’è un’opinione diffusa sulla rivoluzione tecnologica, ed è che l’intelligenza artificiale sostituirà gli uomini, cancellando il lavoro come lo conosciamo. Un’idea del tutto infondata. Le nostre inquietudini sono un sintomo della vera trasformazione in atto: non una scomparsa del lavoro, ma la sua digitalizzazione. Con un’inchiesta sul nuovo capitalismo delle piattaforme, Antonio Casilli getta luce sulla manodopera dell’economia contemporanea: centinaia di migliaia di schiavi del clic vengono reclutati in Asia, in Africa e in America Latina per leggere e filtrare commenti, classificare le informazioni e aiutare gli algoritmi ad apprendere. È una rivoluzione che ci riguarda da vicino, molto più di quanto vorremmo vedere, perché trasfigura il lavoro in un gesto semplice, frammentario e pagato sempre meno o perfino nulla, quando a compierlo sono addirittura i consumatori. Casilli esplora le strategie e le regole del nuovo taylorismo, nel quale Amazon, Facebook, Uber e Google sono gli attori principali grazie alla capacità di sfruttare i propri utenti inducendo gesti produttivi non remunerati. Servono tutti gli strumenti della sociologia e della scienza politica, del diritto e dell’informatica per smascherare le logiche economiche della società plasmata dalle piattaforme digitali. Per la prima volta, con questo libro riusciamo a immaginarne il superamento: la posta in gioco della nostra epoca è la lotta per il riconoscimento del lavoro di chi fa funzionare le macchine senza diritti e, spesso, senza consapevolezza. Siamo tutti lavoratori digitali e abbiamo bisogno di una nuova coscienza di classe. L’intelligenza artificiale è fatta da milioni di persone senza diritti. Lavoratori invisibili e consumatori inconsapevoli. Siamo tutti schiavi del clic.   Ecco come possiamo smascherare lo sfruttamento che il nuovo capitalismo tiene nascosto.