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"Les pirates, c’est tout le monde": Interview d'Antonio Casilli dans Chronic'art (n. 76, mars/avril 2012)

Dans le numéro 76 du magazine culturel Chronic’art, Cyril de Graeve interviewe Antonio Casilli, auteur de Les liaisons numériques. Vers une nouvelle sociabilité ? (Ed. du Seuil) : heures et malheures du copyright.

Antonio Casilli est sociologue, maître de conférences en «Digital Humanities» à Télécom ParisTech et chercheur au centre Edgar-Morin de l’EHESS, auteur de Les Liaisons numériques – Vers une nouvelle sociabilité? (Seuil). On l’écoute.

Chronic’art : Quel est votre avis sur ACTA, PIPA, SOPA, Hadopi, toutes ces tentatives de législation qui semblent brider Internet et jeter la suspicion sur l’acte de partager une œuvre ?

Antonio Casilli : J’ai, à plusieurs occasions, déclaré publiquement mon opposition à ces initiatives. Le contexte actuel est caractérisé par le dépassement du Copyright. C’est une dynamique généralisée, répandue dans tous les contextes d’usage du numérique. Je le vois très clairement dans mon activité d’enseignant-chercheur : mes étudiants partagent des MP3 avec moi, mes collègues téléchargent librement mes articles, les institutions qui évaluent mes recherches demandent le partage non commercial de mes travaux. Les pirates, c’est tout le monde : des enfants, des femmes au foyer, des fonctionnaires de l’Etat. SOPA, ACTA et Hadopi visent a restaurer un ordre culturel désormais révolu. Le pire est que le partisans de cette restauration ne se gênent pas pour invoquer des méthodes répressives dignes des pires régimes totalitaires. La censure aujourd’hui se fait appeler «défense du droit d’auteur». Nous ne sommes pas face a un filtrage « souple » des contenus reconnus comme contraires a la loi, comme l’affirme Eli Panser dans son livre The Filter Bubble. Au contraire, c’est le retour de la répression bête et méchante qui passe par la fermeture abrupte des sites Web, les arrestations spectaculaires, l’opprobre jeté sur les militants de l’autre camp. Par delà les convictions personnelles, qui poussent certains de mes collègues a être en faveur de la protection du Copyright, je ne vois pas comment on peut défendre des méthodes pareilles…

Internet, ce nouveau monde dans le monde, n’est-il pas quelque chose de spécifique qui implique un traitement juridique particulier?

C’est une question délicate, qui renvoie a une doctrine juridique très controversée : l’exceptionnalisme d’Internet. Elle consiste a dire que le Web est une réalité sociale à part, où les règles du «vrai monde» ne peuvent pas s’appliquer. Mais mes travaux vont dans un autre sens. Internet n’est pas un univers séparé de notre quotidien. Au contraire, il est l’un de nos contextes d’interaction sociale. Si des nouveaux comportements s’affirment en ligne, ils s’affirment aussi dans le monde hors-ligne. ll faut plutôt envisager la question en termes d’exclusivité des biens. En économie, on appelle « biens rivaux» tout ceux dont la consommation par un acteur implique l’exclusion d’autres acteurs : si je mange un fruit, j’exclus la possibilité que d’autres en mangent. D’autres biens sont «non rivaux» : les infrastructures, les biens publics… Or, les biens numériques sont principalement non-rivaux : si je regarde une vidéo, cela n’empêche pas d’autres de la regarder. C’est pourquoi certains considèrent le Web comme un bien commun à part entière et prônent l’abrogation du Copyright et la mise en place d’un système de Creative Communs.

La guerre du copyright. Podcast d’Antonio Casilli (France Culture, La Grande Table, 08 févr. 2012)

Podcast de La Grande Table, le magazine culturel de la mi-journée sur France Culture, consacré à l’affaire Megaupload et à la guerre du copyright. Pour en parler avec Caroline Broué, les historiens Pascal Ory et André Gunthert et le sociologue Antonio Casilli, auteur de Les liaisons numériques. Vers une nouvelle sociabilité ? (Ed. du Seuil).

Pour écouter d’autres podcast d’Antonio Casilli sur France Culture.

Alors que le débat sur la loi SOPA (Stop Online Piracy Act), en cours d’examen par le Congrès des États-Unis, fait rage dans la presse, le FBI s’octroye une petite partie de plaisir à Hong Kong et en Nouvelle Zélande, pour aller fermer une entreprise, Megaupload, qui héberge et diffuse des fichiers – souvent sans se soucier si les usagers qui partagent sont les ayants droit de ces contenus. D’où les frasques avec la justice étasunienne, qui conduisent à l’arrestation de son PDG Kim Dotcom.

La fermeture du célèbre site de partage marque le coup d’envoi d’une nouvelle saison de conflictualités politiques portant sur la propriété intellectuelle et sur le rôle des cultures numériques. Les lobbys des géants de l’industrie musicale et le président Sarkozy saluent l’opération du FBI comme une victoire de la “logique Hadopi”. Les Anonymous ménent des attaques en masse contre le site Web de l’Élysée, bloquent celui du FBI et mettent en ligne le cataloque Vivendi Universal. D’autres acteurs de la société civile se désolidarisent de Megaupload, accusé de exploiter à des fins commerciaux les fichiers partagés par les internautes.

Bref, nous assistons à une radicalisation (et en même temps à une fragmentation) des positions des acteurs impliqués : les Anonymous, les Partis Pirates, les industries culturelles, les télécoms adoptent des stratégies et des postures de plus en plus radicales et de plus en plus divergentes. Dans cette situation, certains voient le début d’une guerre de tous contre tous, une World War Web, une guerre civile dans laquelle les fossées idéologiques se creusent, et les actions se font de plus en plus violentes.

Et certains, tels Rick Falkvinge, fondateur du parti pirate suédois, envisagent sans détours de passer à la lutte armée : « Si l’on doit en arriver là après des années de protestation et de dur labeur, alors je m’adapterai. Je me battrai pour la liberté autant que je le peux, et j’aiderai les autres à s’organiser autour de la cause. Je suis passé de la préparation mentale à une réelle préparation à l’effrayante et douloureuse possibilité que la situation puisse devenir vraiment moche. La photo qui illustre cet article, le pistolet et la cible (…) a été prise de mon bureau, à cinquante centimètres de là où je suis assis. » Derrière les films et la musique partagés en ligne, se cachent peut-être des enjeux beaucoup plus lourds de conséquences. Ces événements sont peut-être les signes précurseurs d’un ‘internet de plomb’…

 

De l'informatique juridique au juges neuronaux : perspectives transdisciplinaires

L’intervention de Danièle Bourcier (CERSA CNRS) dans le cadre du séminaire EHESS “Transdisciplinarité et numérique” de vendredi dernier, 18 juin 2010, a représenté une excellente conclusion pour nos travaux de réflexion autour de l’impact de l’informatique sur la recherche au croisement de plusieurs disciplines. Voilà les slides de la présentation, en version pdf.

Je saisis l’occasion pour remercier Danièle pour son excellent travail d’encadrement théorique, mais aussi pour nous avoir présenté son parcours de chercheuse hors du commun, qui a traversé le droit de l’informatique, l’informatique juridique, le droit appliqué aux systèmes experts simulant les décisions des juges à travers des réseaux de neurones artificiels – jusqu’à arriver à la création du chapitre français de Creative Commons dont elle est la responsable scientifique. Non seulement l’exposé a été passionnant, mais la discussion, malgré une fin d’année universitaire particulièrement calme, a été très riche.

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"Le gouvernement français doit oublier les droits d’auteur s'il veut éviter le pire"

La Commission pour l’Economie Numérique présidée par Alain Bravo vient de remettre à la Secrétaire d’Etat Nathalie Kosciusko Morizet son rapport sur La société et l’économie à l’aune de la révolution numérique : enjeux et perspectives des prochaines décennies (2015/2025).
De prime abord, ses résultats peuvent ne pas paraître surprenants, mais détrompez-vous. Ils représentent une petite révolution dans le contexte français.

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What the Hell am I doing here #2: au Grand Palais

Pendant une heure, je suis resté sagement assis entre le Yann Arthus-Bertrand (absent de la photo parce qu’en retard), Jean-Pierre Doussin (avec qui je discute), Robert Kandel et le journaliste Philippe Petit (lequel a évidemment appris à animer les débats dans une école de dompteurs de lions ;))

Avant le débat au Grand Palais (c) Steve Corcoran

Avant le débat au Grand Palais - Photo by Steve Corcoran

J’ai exprimé mes opinions d’une manière calme et claire. J’ai déclaré mon soutien inconditionnel au Réseau des Pirates pour l’abolition de la loi Hadopi. Je me suis marré parce les écolos me font cet effet-là. A la fin du débat, une nana est venue me dire qu’Internet c’est bien beau mais il faut faire attention à l’environnement parce que “chaque recherche sur Google consomme la même quantité d’énergie que quand on fait chauffer une tasse de thé”. C’est quand même mieux de MSN, où chaque recherche prend l’équivalent du temps de cuisson du gigot d’agneau…

Support Prof. Horacio Potel!, or a portrait of the philosopher as a pirate

Addendum, Nov 14, 2009: As of today, we salute the recent decision of the Argentinian court dropping the charges against Prof Potel. Read more about this here (in English). Download court’s sentence here (in Spanish).

Argentinean professor charged criminally for promoting access to knowledge
By the CopySouth Research Group

A philosophy professor in Argentina, Horacio Potel, is facing criminal charges for maintaining a website devoted to translations of works by French philosopher Jacques Derrida. His alleged crime:  copyright infringement. Here is Professor Potel’s sad story.

Prof. Potel usually wears a pirate eye patch while lecturing in philosophy

Prof. Potel usually puts his pirate patch on *before* lecturing in philosophy at UNLA

“I was fascinated at the unlimited possibilities offered by the internet for knowledge exchange”, explains Horacio Potel, a Professor of Philosophy at the Universidad Nacional de Lanús in Buenos Aires. In 1999, he set up a personal website to collect essays and other works of some well-known philosophers, starting with the German Friedrich Nietzsche and Martin Heidegger. Potel’s websites – Nietzsche in Spanish, Heidegger in Spanish, and Derrida in Spanish – eventually developed into growing online libraries of freely downloadable philosophical texts. Nietzsche in Spanish alone has already received more than four million visitors.

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Signez le Pacte des Libertés Numériques contre la Hadopi

(Pour un complément d’information, lisez ce billet (eng))

Vous avez déjà échangé des œuvres? Vous avez déjà téléchargé des films, des tubes, mais aussi des œuvres rares, oubliées ou tombées dans le domaine public? Si tel est le cas, la loi Hadopi va bientôt faire de vous un PIRATE.

Mais si, comme nous, et comme des millions d’autres citoyens en France, vous pensez qu’il est grand temps de reconnaître ces pratiques d’échange comme inscrites dans la révolution numérique, si vous partagez la conviction qu’Internet nous offre de nouveaux espaces de liberté, et qu’il faut les protéger, nous vous invitons à découvrir et signer le Pacte pour les Libertés numériques en cliquant ici : http://reseaudespirates.net/

Pourquoi signer dès aujourd’hui et rejoindre la communauté des pirates? Parce que, dans moins de 4 jours, le débat sur la loi Création & Internet (Hadopi) reprend à l’Assemblée. Le Pacte totalise à ce jour 8000 signatures. Nous pouvons faire mieux, et atteindre 100 000 signataires dans le week-end! Cliquez ici : http://reseaudespirates.net/?q=/user/register

Au delà de l’actualité de la loi Hadopi, l’ambition du Pacte est de faire des libertés numériques un élément clé de la campagne des élections européennes de juin prochain… et, plus largement, du débat public, comme Nicolas Hulot l’avait fait pour l’écologie.

Défendons les libertés numériques : prenez le parti des pirates! http://reseaudespirates.net/?q=/user/register

Le réseau des pirates

Ils nous soutiennent : Lepost.fr, Numerama, L’hebdomadaire Vendredi, Agoravox.

Et de nombreux signataires, visibles sur le site.

March 28th 2008 is Download day: Opposition to French anti-piracy law rises

I dream of a cultural market that includes its customers, instead of suing them.

So far, I have published a couple of books and a certain amount of articles and book chapters: a fair share of them have been put online for readers to download them for free. I didn’t do it, “pirates” did. Well, sometimes Google Books did it, but pirates benefited from it, I guess… Point is: I thank them, because that helped my books being republished and made my articles known to a wider audience.

Just my two cents, but I believe people who freely download online contents are not stealing it. On the contrary, by sharing it within their communities, they are actively adding value to the creative process. I write books. Readers read it. So-called Internet pirates promote, distribute, link, localise, remix, comment and catalogue them. That’s a heck of a job. A job they are not paid for. Ironically, they pay for sharing: they pay hardware and they contribute their time, their disk space and their technical competences.

Given that, I’m all the more insulted by the anti-piracy bill recently proposed by French Minister for Culture and Communication, Christine Albanel.

geekpiracy

Should this law pass, Internet users caught “illegally” sharing contents would have their Internet access cut out for one year (plus face fines and other legal ramifications). Backed by record industry and cinema lobbies, this law is not only politically reactionary – it is technically unfeasible. If only French lawmakers had heard about public internet access, wi-fi, cybercafés, cloud computing –  they would know “individual” Internet access is just about as individual as the wall socket one plugs a washing machine in. You bar it off, I can simply go somewhere else.

Consumer associations and Internet access providers have produced a number of other compelling arguments against this law. My only argument is:

Present legislation on so-called intellectual property protection on the Web mimics past century’s legislation on private property. Users downloading mp3, films, software are equated to petty thieves stealing apples, cars, money. But a car and an mp3 file are not the same kind of product. Technically, the former is a rivalrous good, while the latter is a non-rivalrous one. If I’m driving a car, nobody else can at the same time. If I listen to an mp3, anybody else can at that same time. In the first case, we can talk about stealing. In the second case, we should talk about sharing. From a legal and economic point of view, online contents are more similar to public goods than to private ones. Downloading online contents is nothing like driving a car: it is more like riding a bus. The French government is doing something as ridiculous as forbidding public transportation.

This is why I invite you to take part to the Download day that will take place all around France on Sat, March 28th, 2009. The rationale is explained here, and here is the twitter providing directions and details about the venues.

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