Dans le cadre du cycle de conférences Les Débats du CAK, organisées depuis 2014 au Centre Alexandre-Koyré, j’ai eu le plaisir de débattre mon dernier ouvrage En attendant les robots. Enquête sur le travail du clic (Paris, Le Seuil, 2019) en compagnie de Marine Al Dahdah (sociologue au CEMSS CNRS et co-fondatrice du groupe de recherche « Digital studies in the Global South ») et de Jean-Gabriel Ganascia (informaticien et philosophe à la Sorbonne Université, et président du Comité d’éthique du CNRS).
(L’interview démarre à 40’55”) Page couverture du livre « En attendant les robots » d’ Antonio A. Casilli Photo : Courtoisie Éditions du Seuil // Antonio A. Casilli
L’intelligence artificielle ne fera pas disparaître le travail des humains, selon le sociologue Antonio Casilli dans un récent ouvrage intitulé En attendant les robots – Enquête sur le travail du clic,
paru aux Éditions du Seuil. Ce sont même les humains qui volent le
travail des robots puisque chacun de nous est largement mis à
contribution pour produire des contenus, notamment par l’entremise des
médias sociaux, nourris par leurs utilisateurs.
La main-d’œuvre devient ainsi le « doigt-d’œuvre », en référence aux
clics nombreux générés par l’utilisation de l’ordinateur. Ce travail de
tout un chacun a par ailleurs une valeur économique considérable qui
n’est pas encore prise en compte, selon ce qu’explique l’auteur au micro
de Michel Désautels.
Après le travail précarisé, bienvenue dans le micro-travail !
De plus en plus de plateformes proposent à des êtres humains de
travailler pour des intelligences artificielles : des micro tâches de
quelques minutes derrière son clavier pour quelques centimes.
Sans
contrat de travail ni fiche de paie, vous serez payés à la tâche, à
cliquer sur toutes sortes de choses sans savoir trop pourquoi. Les temps modernes,
version 2019 où il faut, non pas serrer des boulons mais identifier des
objets, traduire, cliquer, trier, classer, retrouver des adresses du
fin fond du Nevada depuis son canapé contre une poignée de centimes.
Antonio Casilli, sociologue et auteur du livre En attendant les robots, enquête sur le travail du clic
(éditions Seuil, 2019) évalue à 250 000 le nombre de français qui se
rabattent sur ces micro-boulots, souvent comme revenu d’appoint.
Et, dans le monde, ils sont 100 millions de micro travailleurs à
cliquer au doigt et à l’œil pour la machine : les forçats du clavier,
stakhanovistes du clic ou tâcherons du web.
Derrière l’intelligence artificielle, des ouvriers sous-payés
Toute intelligence artificielle est d’abord entraînée par un être humain. Photo : getty images/istockphoto / hwanchul
Les grandes entreprises vantent l’intelligence artificielle (IA) comme étant la technologie de l’avenir. Quoi de plus efficace que des machines qui s’améliorent par elles-mêmes en apprenant du comportement des utilisateurs? Ce que l’on sait moins, c’est que derrière ces machines et ces algorithmes, se cache de la main-d’oeuvre bon marché, véritable clé du succès de l’IA. Le sociologue Antonio Casilli dresse le portrait de ces « travailleurs du clic » dans son livre En attendant les robots.
Que ce soit l’assistant Siri sur votre téléphone intelligent, votre Google Home ou votre GPS, les objets utilisant l’IA ont besoin d’être entraînés pour s’améliorer et gagner en efficacité, explique Antonio Casilli. Derrière ces équipements, il y a des êtres humains qui sont recrutés pour retranscrire et écouter afin de s’assurer que le logiciel a bien interprété ce qu’on a dit, précise le sociologue. Parfois, il s’agit véritablement d’écouter les conversations des utilisateurs, et c’est quelque chose qui est ignoré par les utilisateurs mêmes.
Ces personnes qui travaillent à améliorer l’AI, que l’on compte par millions, sont pour la plupart des femmes et sont souvent basées dans des pays en développement. Leur emploi est généralement très précaire et elles ne sont pratiquement pas payées pour le travail qu’elles accomplissent.
Pourtant, il s’agit de personnes cruciales pour développer certains robots, souligne Antonio Casilli.
Qui dresse [ces robots]? Non pas des ingénieurs, non pas des informaticiens, mais plutôt des personnes qui sont des ouvrières du clic qui produisent des millions d’exemples grâce auxquels les machines apprennent.Antonio Casilli, sociologue
Le sociologue affirme que les grandes entreprises technologiques laissent volontairement ces travailleurs dans l’ombre afin de faire croire au public que l’IA n’aura bientôt plus besoin de l’humain pour grandir. Cette hypocrisie est nécessaire pour convaincre les travailleurs et travailleuses qu’ils ne sont pas nécessaires, que leur travail est justement quelque chose qui va disparaître, soutient-il.
La thèse principale d’Efremov est que pour voyager dans l’espace il faut être communistes, car la coopération sociale nécessaire à mettre en place les infrastructures nécessaires aux voyages interstellaires ne peut être atteinte que dans une société qui a dépassé les conflits de classe. Mais son imagination va même plus loin, puisqu’il affirme que tout voyageur intersidéral communiste ne peut qu’avoir une forme humaine harmonieuse. En fait, insiste-t-il, l’évolution de la société et celle de la physionomie vont de pair. Par conséquent, quand un vaisseau spatial guidé par des terriens croise un autre vaisseau, les extraterrestres ne pourront qu’être leurs semblables, autant sur le plan physique que sur le plan idéologique (Efremov préfère dire qu’ils ont atteint le même “niveau de progrès scientifique”). La rencontre sera alors parfaitement pacifique.
L’élément le plus intéressant de Cor Serpentis est la présence d’un “récit enchâssé”. Lorsque l’équipage du vaisseau terrien doit décider si approcher en paix ou attaquer l’autre vaisseau, ses membres se réunissent dans… la bibliothèque de leur astronef et lisent… un récit de SF américain du XXe sicle. Il s’agit de First contact de Murray Leinster (pseudonyme de William Fitzgerald Jenkins), dans lequel, lorsque deux vaisseaux spatiaux se croisent, le commandant étasunien décide de frapper en premier. Ceci pointe, d’après Efremov, les liens étroits entre capitalisme, compétition et agression impérialiste.
J’étais l’invité d’Olivia Gesbert à La Grande Table de France Culture pour parler de données personnelles, travail numérique, et fausses solutions à de vrais problèmes.
Avec la révolution numérique de nouveaux métiers ont vu le jour, celui de cliqueurs par exemple. Ils sont estimés à plus de 100 millions dans le monde surtout dans les pays émergents. Ils fournissent un micro-travail essentiel, puisque ces prolétaires du numérique apprennent aux intelligences artificielles à reconnaitre une image ou une musique. Ces microtâcherons œuvrent dans des fermes à clic ou sur des plateformes telle quʹAmazon Mechanical Turk.
Nous aussi, nous travaillons – presque à notre insu – lorsque nous naviguons sur le net et les réseaux sociaux. Nous aussi nous produisons de la valeur, des données, ce big data, pilier de lʹéconomie numérique.
Tour dʹhorizon avec Antonio A. Casilli, sociologue, spécialiste des réseaux sociaux, maître de conférences en humanités numériques à Télécom ParisTech et chercheur au Centre Edgar-Morin de lʹEcole des Hautes Etudes en Sciences Sociales.
Nous travaillons tous sur Internet. Chacune de nos actions sur le web renforce lʹéconomie du clic, génère des milliards de francs qui tombent dans dʹautres poches que les nôtres et entraîne les intelligences artificielles. Et quand un internaute de lʹautre bout du monde est rétribué pour décrire une photo ou faire une traduction, ce nʹest quʹà hauteur de quelques centimes par minute. Aucune pénibilité reconnue, aucune réglementation, aucun syndicat, bienvenue dans le merveilleux monde du “digital labor”. Chronique: Laurence Difélix et Stéphane Laurenceau. Invité: Antonio Casilli, sociologue, maître de conférences en humanités numériques à Télécom ParisTech. Co-auteur en 2015 de “Quʹest-ce que le digital labor ?” (éd. INA).