Monthly Archives: September 2011

Podcast d'Antonio Casilli à l'Atelier Numérique (BFM radio, 24 sept. 2011)

Sur l’Atelier Numérique, émission de BFM Business, le journaliste Jean de Chambure interviewe Antonio Casilli, auteur de Les liaisons numériques. Vers une nouvelle sociabilité ? (Ed. du Seuil), sur les réseaux sociaux “internationaux”. Pourquoi Ren Ren est le service de networking vedette en Chine, Orkut au Brésil et VKontakte en Russie ? La raison est socio-culturelle, explique Casilli. (Pour aller plus loin : lire l’analyse d’Antonio Casilli sur les réseaux sociaux internationaux publiée sur Rue89).

[audio: http://podcast.bfmradio.fr/channel9/20110926_atelier_2.mp3 |titles=BFM ‘Atelier Numérique’ |artists=Antonio A. Casilli]

Appuyer sur “play” pour écouter le podcast d’Antonio Casilli à l’Atelier Numérique

Les pays émergents sont caractérisés par une très forte mobilité sociale. Orkut ou VKontacte fournissent des fonctionnalités comme de endorsement (parrainage) qui permettent de se repérer quand on côtoie un inconnu sur un réseau social, de savoir à qui on a affaire. Ceci ne veut pas dire que ces réseaux ‘locaux’ sont des concurrents des réseaux généralistes à la Facebook. On assiste plutôt à une montée de la multi-appartenance. En Europe ou en Amérique du Nord on appartient en moyenne à 1,9 médias sociaux. Au Brésil le chiffre est plutôt 3,4 et en Inde 3,9…

Dans M – Le Magazine de Le Monde (24 sept. 2011)

Dans M, le Magazine de Le Monde la journaliste Stéphanie Chayet interroge Antonio Casilli, auteur de Les liaisons numériques. Vers une nouvelle sociabilité ? (Ed. du Seuil), ainsi qu’André Gunthert, Dominique Cardon et Nicole Ellison sur la relation ambigue que l’on entretien avec Facebook, devenu désormais incontournable tout en ayant perdu son aura de “réseau miracle” des années 2000. D’où la provocation d’Antonio Casilli : Facebook est devenu comme le McDonald’s du Web !

Les vidéos #EDE2011 – Société des réseaux et réseaux sociaux (Porquerolles) enfin en ligne !

Ah Porquerolles… l’île aux réseaux ! Enfin presque, dans la mesure où une vilaine panne de Wifi nous a empêché de livestreamer les conférences de notre Ecole Doctorale d’Eté (EDE2011) qui a eu lieu dans l’amène localité balnéaire du Var du 5 au 9 septembre derniers, et consacrée à la thématique “Société des réseaux et réseaux sociaux : histoire, enjeux et perspectives critiques”. Mais voilà les vidéos des interventions et des ateliers enfin en ligne, grâce au travail infatigable de notre responsable de la valorisation multimédia, Lucas Morlot (auquel revient le (c) des photos qui illustrent ce billet).

Petite table ronde du soir de l’arrivée

L’initiative, née d’une convention entre EHESS et Institut Télécom, est arrivée à sa cinquième édition. Cette année j’ai eu le plaisir de la co-organiser avec Pierre-Antoine Chardel. Pour aborder la thématique des réseaux sociaux nous avons choisi de la structurer en alternant des séminaires (matins et débuts d’après-midi) apportant un éclairage autant empirique que théorique et des workshops transdisciplinaires (après-midis et soirs) dans lesquels élèves ingénieurs ont pu travailler avec des étudiants en SHS sur des mini-projets centrés sur l’analyse des réseaux sociaux.

Les séminaires :

Les séminaires ont fait l’objet d’enregistrements vidéos et de comptes rendus écrits, ainsi que d’un livetweet – prise de note en temps réel sur Twitter, archivé ici: part 1, part 2, part 3) – habilement orchestré par Fred Pailler (@sociographie).

Les séminaires ont présenté des réflexions de pointe ou des travaux en cours de chercheurs et enseignants internationaux.

(more…)

Dans le blog Agora (Brésil, 13 sept. 2011)

Le blog brésilien Ágora com dazibao no meio publie la traduction en portugais d’une interview avec le sociologue Antonio Casilli, auteur de Les liaisons numériques. Vers une nouvelle sociabilité ? (Ed. du Seuil). L’interview, initialement réalisée par Hubert Guillaud, avait été initialement publié dans le blog Internetactu de Le Monde.

Vivemos em um ambiente mediado por máquinas de comunicação que alteram a forma da relação social. Agora, em seminários científicos, informações são trocadas não apenas por meio de comunicações “oficiais”, mas também através da Internet (aquilo que chamamos de backchanneling, como explica Danah Boyd – NDE), permitindo recriar formas de autenticidade comunicacional capazes de cruzar por túneis sob a nossa realidade. Trocamos e-mails, mensagens de texto, mensagens instantâneas ou tweets com impacto emocional, em tempo real, que podem ser mais importantes do que as formas mais civilizadas de comunicação real.

Essas tecnologias nos ajudam a gerenciar melhor nosso “posicionamento social”. Existe um desejo no uso dessas tecnologias que vai nessa direção, a de fazer com que nosso posicionamento primário se beneficie de uma posição de escolha.

O que está em jogo é a questão da homofilia [amizade]. Em sociologia, homofilia refere-se a um discurso determinista que diz que tendemos a associar-nos a pessoas com quem partilhamos formas de complementaridade relacionadas à linguagem, ao gênero, ao nível cultural ou à etnia… No estudo da amizade como processo social, durante muito tempo pensou-se que a amizade entre as pessoas se dava em função do gênero, de compartilhar o mesmo ambiente geográfico, social etc. Mas com a Internet conseguimos criar áreas de maior controle a respeito desse posicionamento.

Meus estudos em sociologia informática baseiam-se fortemente na análise da homofilia, visando compreender se estas características comuns influenciam na criação de laços em redes sociais como o Facebook, com o objetivo de compreender o que ocorre quando falamos de posicionamento social, de estrutura social. Inclusive criei um modelo multiagente capaz de agrupar redes de laços de amizade. O que importa observar é como se chega, independente do parâmetro usado, sempre ao mesmo resultado: o modelo mostra que a homofilia não faz parte do jogo. Ou em todo caso, seu papel é bem menor do que o das características culturais, das experiências ou dos gostos exibidos publicamente, como expliquei em uma pesquisa recente que fiz com Paola Tubaro (.pdf).

Antonio A. Casilli au colloque 'Les cultures numériques' (Université Laval, Québec, 14-16 sept. 2011)

Le sociologue Antonio Casilli, chercheur en digital humanities à Télécom ParisTech et auteur de Les liaisons numériques. Vers une nouvelle sociabilité ? (Ed. du Seuil), interviendra mercredi 14 septembre au colloque “Les cultures numériques” organisé par Milad Doueihi (titulaire de la chaire homonyme à l’Université de Laval) au Musée de la Civilisation de Québec. Parmi les autres intervenants : Milad Doueihi, Bruno Ménard (CIGREF), Roger Chartier (Collège de France), Alain Giffard (Ministère de la Culture, France), Daniel J. Caron (Bibliothèque et archives du Canada), Louise Merzeaud (Université Paris Ouest Nanterre la Défense, Dominique Cardon (Orange/EHESS, Paris), Philippe Aigrain (Quadrature du net), René Audet (Université Laval), Robert Darnton (Harvard University), Gérard Wörmser (ENS Lyon), Guy Berthiaume (Archives nationales du Québec), Bruno Racine (BNF). Télécharger le programme.

 

Les émeutes de Londres et les digital humanities (Homo numéricus, 28 août – 9 septembre 2011)

Dans le blog Homo Numéricus, Pierre Mounier consacre deux billets (1/2 et 2/2) aux liens entre humanités numériques et la récente étude sur les émeutes de Londres signée par Paola Tubaro et Antonio Casilli, auteur de Les liaisons numériques. Vers une nouvelle sociabilité ? (Ed. du Seuil). L’usage de méthodes computationnelles peut aider à réconcilier recherche et demande sociale – à condition de ne pas verser dans le fétichisme de l’outil informatique.

Antonio Casilli et Paola Tubaro mobilisent à la fois un modèle théorique et un outil de simulation sur ordinateur pour tester la proposition de Cameron : les réseaux sociaux ont amplifié les émeutes, couper les communications permettra de réduire l’ampleur de futures émeutes. Or, la « simulation sociale » qu’ils mettent en oeuvre, en modifiant la variable communication (renommée « vision » dans leur modèle) montre exactement le contraire : dans les situations de communication libre, on assiste sur une certaine durée de temps à de violentes mais brèves éruptions insurrectionnelles dans certaines circonstances. Dans des situations où la communication est coupée, les émeutes ont tendance à se prolonger indéfiniment sur un palier sans retour à la normale.
Mais l’originalité de la démarche des deux chercheurs réside aussi dans la stratégie de communication qu’ils utilisent pour faire connaître leur travail. Soumis à une revue de sociologie, l’article est rendu immédiatement disponible sur l’archive ouverte SSRN où elle atteint en quelques jours la tête de classement des articles les plus téléchargés. Une version légèrement différente est dans le même temps postée sur les blogs personnels d’Antonio Casilli et de Paola Tubaro, d’où il sera repris dans de nombreux médias et traduit en plusieurs langues à la vitesse de l’éclair à partir de l’anglais. Ainsi une version française est publiée sur le magazine en ligne Owni le 19 août [7]. L’article sera repris, cité et discuté dans de nombreux médias à partir de ce moment. On le voit, l’originalité de la démarche des deux sociologues réside autant dans le tempo de leur publication que dans la méthode mise en oeuvre. L’ensemble repose sur le principe de la rapidité. Il s’agit, écrit Antonio Casilli de ’just in time sociology’ dont on voit tout l’intérêt : il s’agit de répondre aux critiques que la classe politique et les responsables policiers, cités en début d’article, adressent aux sciences sociales en général : elles obéissent à un temporalité longue déconnectée de l’urgence de la situation et s’intéressent d’avantage à « comprendre » (lire justifier) les émeutiers plutôt que les combattre. L’article démontre au contraire que les sciences sociales peuvent éclairer l’action politique sur un point précis au moment où elle en a besoin, et, en utilisant les mêmes moyens de communication qu’elle, participer en temps réel au débat public.
[…]
l’article écrit par Antonio Casilli et Paola Tubaro a lui aussi, d’une autre manière, un statut subtilement ambigu. Cet article, rédigé très rapidement après les émeutes et les déclarations du premier ministre britannique qu’il souhaite démentir, apporte effectivement une information supplémentaire et surtout dissonante dans le débat qui commence à se constituer sur le rôle des réseaux sociaux dans les émeutes. Pour autant, cette information est produite dans le même cadre épistémologique que celui de la plupart des autres intervenants de ce débat. Le modèle théorique sur lequel repose le travail de Casilli et Tubaro, le système multi-agents n’est en fait pas si éloigné que celui dans lequel baigne Cameron : celui de l’agent rationnel, centré sur l’individu et faisant abstraction des dimensions sociales, culturelles ou de classe qui peuvent aussi agir sur les comportements individuels et collectifs. C’est d’ailleurs ce qui le rend particulièrement audible et efficace en lui permettant d’échapper à la disqualification a priori que les hommes politiques ont alors adressé aux sciences sociales. Les deux auteurs démentent Cameron en se positionnant sur son propre terrain conceptuel en quelque sorte. Mais leur travail en perd du coup de manière un peu paradoxale toute force critique : il ne propose tout simplement pas un cadre alternatif de compréhension de la réalité sociale mais corrige une affirmation singulière dans un cadre de pensée partagé avec les acteurs politiques dominants. De ce point de vue, le contraste est saisissant avec l’ouvrage publié quelques mois auparavant par le même auteur, qui, dans Les Liaisons numériques [4] s’attache avec succès à décrire à comprendre en profondeur, en recourant à des méthodes d’enquête croisées, la manière dont s’établissent de nouvelles formes de sociabilité au sein des réseaux numériques.
C’est sans doute un peu la limite de la sociologie « just in time » qui apparaît ici. Ne pouvant prendre le temps d’effectuer une enquête approfondie ni d’exposer les fondements théoriques de sa démarche, elle doit se reposer sur des outils informatiques simulant la réalité au sein d’un cadre conceptuel partagé par tous les acteurs.

Sur Place de la Toile (France Culture, 3 sept. 2011)

Le journaliste Xavier de la Porte, producteur de l’émission Place de la Toile sur France Culture, consacre sa “lecture de la semaine” au rôle des réseaux sociaux dans les émeutes de Londres. L’occasion de relater l’étude sur la censure d’Internet au Royaume-Uni signée par Paola Tubaro et Antonio Casilli, auteur de Les liaisons numériques. Vers une nouvelle sociabilité ? (Ed. du Seuil). Le texte de la lecture est aussi disponible sur le blog Internetactu. (Pour aller plus loin : écouter le spécial Place de la Toile sur le livre Liaison numériques)

Le travail du Guardian est à mettre en lien avec un article que les sociologues Antonio Casilli et Paola Tubaro ont publié le 19 août sur Owni.fr. Ils n’avaient pas en possession les premiers travaux du Guardian mais s’interrogeaient malgré tout sur le lien entre réseaux sociaux et émeutes. Leur argumentation tient en plusieurs points. D’abord, ils notent avec un sourire le fait que les thuriféraires du rôle de Twitter et Facebook pendant les printemps arabes sont les mêmes que ceux qui demandent leur fermeture en cas d’émeute en Grande-Bretagne. Comme quoi, la conception qu’on a de la censure et de la démocratie est à géométrie variable, et à géographie variable. Mais surtout, Antonio Casilli et Paola Tubaro s’appuient sur les modélisations de la violence civile par la simulation multi-agents. Je vous passe l’explication de la méthode pour aller directement à la conclusion : restreindre la diffusion de l’information dans une ville en proie à des violences n’est pas le gage de la disparition de ces violences. Au contraire, il semblerait même qu’un maintien de la communication ouverte entre les acteurs soit le gage d’un apaisement plus durable.

Il ne s’agit pas mettre là un point final aux discussions sur le rôle des réseaux sociaux et autres messageries instantanées dans les émeutes, mais de noter qu’il est sans doute plus complexe que ce qu’on a en dit sur le moment. On gardera donc un oeil sur les travaux à la fois des journalistes du Guardian et des chercheurs en sciences sociales.

La e-santé et ses déboires : vidéo de l'intervention d'Antonio Casilli au Congrès de l'AFS (Grenoble, 7 juillet 2011)

Le sociologue Antonio Casilli, auteur de Les liaisons numériques. Vers une nouvelle sociabilité ? (Ed. du (Seuil), intervient au Congrès Grenoble 2011 de l’AFS (Association Française de Sociologie) à l’occasion de la semi-plénière “Les technologies de l’information et de la communication en santé : un nouvel essor pour le champ sanitaire ?”. Sa présentation, dont le titre est E-santé : entre conflits sociaux et fractures sanitaires, a eu lieu à l’amphi 10 (Campus de St-Martin d’Hères) le 7 juillet 2011, à 11h dans le cadre des activités des RT19 “Santé, médecine, maladie, handicap” et RT29 “Sciences et techniques en société” de l’AFS. La vidéo de l’intervention est disponible sur le site http://www.canalc2.tv.

Une complexité sociale grandissante entoure la transition de la « médecine de chevet » à l’e-santé. Nous ne sommes pas en train d’observer un processus linéaire, mais un concert de voix discordantes, un champ de tensions.  L’application des  technologies communicantes et des dispositifs mobiles au domaine de la biomédecine sous-entend un ensemble de revendications d’autonomie de la part des sujets impliqués dans les échanges informatisés orientés santé.  Surtout, les communautés de patients du Web restituent de façon originale un ensemble de conflictualités entre institutions médicales et savoirs profanes du corps.  Issues des contestations de la médecine institutionnelle des années 1980 et des collectifs de « résistance civile électronique » où les premiers hackers mettaient leurs compétences informatiques au service des malades exclus des soins par des systèmes de sécurité sociale de plus en plus dysfonctionnels, les forums de discussion santé ou les applications participatives de la « medecine 2.0  » actuelle sont encore animés par un refus très marqué de la médiation médicale.  Dans le contexte qui se dessine, les médecins ne seraient plus qu’une ressource parmi d’autres, concurrencés par les communautés épistémiques à la Wikipédia, les groupes d’entraide en ligne et les bases de données ‘open’.  Mais, de manière paradoxale, la démocratisation croissante des usages numériques ne va pas sans soulever plusieurs interrogations quant aux biais qu’elle peut introduire dans l’accès aux soins. La question des inégalités en matière de santé reste plus que jamais ouverte. Un déplacement progressif des scènes de l’exclusion et de l’isolement social pourrait s’opérer si la « fracture numérique » finissait par  recouper une « fracture sanitaire » entre usagers ayant accès à de l’aide en ligne et à de l’information de qualité et des couches de population progressivement évincées de cette démarche d’ ‘empowerment’ des malades. Le risque est que les usages numériques contribuent à exacerber ces inégalités.


Profils Facebook et rôles sociaux (L'Hebdo, Suisse, 31 août 2011)

Dans le magazine suisse L’Hebdo, la journaliste Sabine Pirolt interviewe Antonio Casilli, auteur de Les liaisons numériques. Vers une nouvelle sociabilité ? (Seuil) sur l’usage social des profils Facebook pour les jeunes membres du populaire service de networking.

Regard sociologique. Outre la possibilité pour chacun d’accéder, grâce à l’internet et aux réseaux sociaux, à une «microcélébrité», Antonio Casilli, maître de conférences à Télécom ParisTech, souligne plusieurs aspects dans cette nouvelle tendance.

«Les portraits réalisés par un professionnel sont un signal de distinction sociale. C’est le même phénomène que les gens qui passent des dizaines d’heures à se confectionner un personnage sur des jeux online comme World of Warcraft ou dans les univers immersifs comme Second Life. Ils ont travaillé pour arriver à ça.»

Mise en scène. Aux yeux de l’auteur des Liaisons numériques (Seuil), ces jeunes femmes expriment ce qu’elles sont en puissance. Elles sont dans une phase d’expérimentation sur ce qu’elles peuvent se permettre en matière d’apparence. «Elles se mettent en scène pour que les autres les valident, en disant “j’aime ça ou je n’aime pas”. Il s’agit d’une validation sociale et non d’une question narcissique et d’une logique individuelle.»

Mais ne peut-on pas les accuser de tricher avec la réalité, de n’être pas authentiques? «L’authenticité n’est pas liée au fait d’être naturel ou non. C’est une manière de projeter l’essence de leur rôle en société. Ces jeunes femmes cherchent à être quelque chose, et ce quelque chose est leur “soi authentique” qui s’exprime, paradoxalement, par l’artifice.»

Le sociologue est convaincu: Leonie, Jill et les autres sont à l’avant-garde de ce qui se passe à tous les niveaux. Cela veut-il dire que ceux qui se présentent avec des portraits amateurs auront l’air plouc? «Ils ont l’air de moins savoir gérer l’impression qu’ils donnent d’eux sur l’internet. Et cela a aujourd’hui des effets négatifs sur leur capital social…»

Interview d'Antonio Casilli et Paola Tubaro sur réseaux et émeutes de Londres (RSLN, 30 août 2011)

Dans Regards sur le Numérique, le magazine en ligne de Microsoft France, Sandrine Cochard interviewe Paola Tubaro et Antonio Casilli, auteur de Les liaisons numériques. Vers une nouvelle sociabilité ? (Seuil) sur le rôle des médias sociaux dans les émeutes de Londres. L’occasion pour les deux sociologues de revenir sur leur étude commune sur les effets négatifs de la censure du Web et pour relire de manière nuancé les rôle des technologies de l’information et de la communication dans la vague révolutionnaire qui a secoué l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient.

RSLN : Très vite, les médias sociaux ont été montrés du doigt…

P. T. : Oui et d’une manière d’autant plus hypocrite que l’utilisation de ces mêmes médias sociaux avait été saluée dans les soulèvements des pays du Moyen-Orient. En optant pour un discours de diabolisation des réseaux, le gouvernement britannique a surtout voulu montrer qu’il reprenait le pouvoir et remettait de l’ordre dans une situation qui avait dégénérée.
A. C. : Le gouvernement britannique s’est acharné, du moins sur le papier, afin de ne pas revivre la même situation que dans les dans les 1980, quand certains médias autonomes (comme les radios pirates) avaient effectivement instrumenté et donné une voix aux émeutiers de Brixton, de Birmingham…
 
RSLN : Les médias sociaux peuvent-ils déclencher une émeute ?
A. C. : On a beaucoup insisté sur le fait que les médias sociaux puissent être des déclencheurs de conflictualité, de radicalisation politique. Or, je crois que nous avons surestimé le rôle de Facebook et Twitter, y compris dans les révolutions arabes, en oubliant les facteurs socio-économiques sous-jacents… Les médias sociaux sont des outils. Dans le cas de Londres, ils ont accompagné une manifestation sociale qui partait de la détresse et du mécontentement général vis-à-vis des coupes budgétaires et du gouvernement Cameron, mais ils n’en ont pas été le déclencheur.
P. T. : L’attention s’est focalisée sur un certain usage de ces réseaux. Or, ils ont également été utilisés par d’autres personnes qui se mobilisaient pour nettoyer les rues par exemple. A côté de la violence civile a éclos une autre réaction, celle d’une civilité citoyenne.
A.C. : Ces deux réactions sont complémentaires : comme dans chaque mouvement il y a une partie constructive et une partie destructive.
(…)
P. T. : Nous avons reçu un très bon accueil de la blogosphère, de l’intérêt de la part des médias. Le gouvernement en revanche n’a pas donné suite…
A. C. : Il faut comprendre qu’il existe en ce moment même au Royaume-Uni une sorte de haine de la sociologie. Avec les émeutes, le maire de Londres, Boris Johnson (conservateur), a eu des propos incendiaires contre les sociologues, les accusant de vouloir justifier les violences sous prétexte de les expliquer.
P. T. : Les autorités britanniques ont une conception anachronique de la sociologie. Ils pensent qu’une explication sociologique reviendrait à dire que ce sont les grandes variables, comme la pauvreté ou l’exclusion, qui expliquent ce qui s’est passé. C’est effectivement ce que faisait souvent la sociologie dans le passé, et qui a montré ses limites aujourd’hui : tous les pauvres ne sont pas des émeutiers ! Or, la sociologie actuelle développe des approches beaucoup plus fines, qui nécessitent de regarder les dynamiques de groupes et les microdéterminants des comportements individuels de beaucoup plus près.