Antonio Casilli, sociologue, enseignant-chercheur à Télécom Paris, auteur d’En attendant les robots, enquête sur le travail du clic, essai paru aux éditions du Seuil est l’invité du magazine. Il est intervenu dans le cadre des mardis de l’IEAoLU sur le thème : « L’automate et le tâcheron. Dépasser la rhétorique de la destinée manifeste de l’intelligence artificielle »…
Dietro le meraviglie dell’intelligenza artificiale, dal riconoscimento delle immagini alle traduzioni automatiche, non ci sono tanto i pochi pagatissimi programmatori. Ci sono soprattutto milioni di persone sottopagate e miliardi di consumatori ignari che, per pochi centesimi o per un’illusoria gratificazione, forniscono una manodopera a buon mercato alle grandi compagnie del web: filtrano i commenti, classificano le informazioni per aiutare gli algoritmi ad apprendere, votano e controllano chi fornisce i servizi. All’indomani dell’istruttoria aperta dall’Antitrust contro la posizione dominante di Google nella raccolta dei dati pubblicitari, Eta Beta esplora le strategie con cui, sotto la retorica della flessibilità della rete, i colossi di internet sfruttano l’attività degli utenti del web per risparmiare sui costi, venderne i dati e addestrare gli algoritmi di automazione.
Depuis le début de cette épidémie de COVID, je me dis qu’elle a un rapport avec le numérique. Un rapport profond. Mais je n’arrive pas vraiment à en cerner les contours. J’ai voulu essayer de comprendre si ce moment que nous avons vécu a changé quelque chose à nos vies numériques, à notre rapport à Internet.
Par exemple, la manière dont on a suivi la progression de l’épidémie était particulière – sans doute inédite dans l’Histoire des pandémies. On a vu en temps réel le virus se propager. De par la capacités des données hospitalières d’une bonne partie du monde à être récoltées, compilées et diffusées, de par les réseaux sociaux qui bruissaient sans cesse, de par la mise en commun du travail des chercheurs, le virus est devenu viral, pour faire un mauvais jeu de mot… Je ne sais pas comment, mais ça a sûrement joué et dans la manière dont on a vécu l’événement et dans les décisions politiques qui ont été prises….
Pendant le confinement, le numérique a continué d’occuper une place importante : télétravail, apéros Zoom, films sur Netflix, problème de bandes passantes, applications de traçage…. tout ça nous a beaucoup occupés.
J’ai voulu essayer de voir plus clair, de comprendre si ce moment que nous avons vécu – et qui n’est pas derrière nous – a changé quelque chose à nos vies numériques, à notre rapport à Internet. J’ai le sentiment que c’est le cas, mais peut-être que je me trompe.
Et pour m’éclairer, il fallait quelqu’un capable de parler aussi bien des livreurs Deliveroo que de sexe en ligne… aussi bien de Zoom que de StopCovid… et j’ai quelqu’un pour ça. Antonio Casilli, sociologue, qui enseigne à Télécom Paris et qui a travaillé sur des sujets variés – la vie de bureau, la sociabilité numérique, les trolls, les travailleurs de plateformes… On s’est retrouvés un soir, dans un jardin. Il faisait nuit. On se distinguait à peine dans le noir. Ce qui explique le ton un peu confident d’Antonio. Et on a discuté…
L’invité
Antonio Casilli est sociologue, il enseigne à Télécom Paris. Il a récemment publié En attendant les robots – Enquête sur le travail du clic, aux éditions du Seuil.
Pendant une semaine, sur la Radio Télévision Suisse Gérald Wang consacre 5 reportages aux nouveaux métiers précaires du web : livreurs, chauffeurs, camgirls, travailleur•ses de la logistique et des services bancaires. Ensuite, l’émission Les échos de Vacarme invite Vania Alleva, présidente du syndicat Unia, et Antonio A. Casilli, sociologue et professeur à Télécom Paris, pour commenter les reportages.
Les ordinateurs se sont immiscés dans notre quotidien. Ils ont changé nos gestes de tous les jours. Les activités qui demandaient un déplacement – aller au magasin, manger un plat de son restaurant préféré, payer ses factures, voire même se rendre chez une prostituée – peuvent désormais se faire sans bouger de chez soi. Quʹen est-il des promesses liées à cette digitalisation du monde? Sommes-nous passés dʹune société de production à une société de services? Avons-nous vraiment pu libérer du temps pour nos loisirs? À quoi ressemblent les vies de celles et ceux qui font marcher les rouages de ce système?
L’événement est historique. Avec la pandémie, le système économique et nos modes de vie se figent. Déjà, certain·es poussent vers une reprise “comme avant”. Contre cette vision, des voix s’élèvent. Avec « Ceci n’est pas une parenthèse », Radio Parleur vous propose une série de podcasts pour entendre celles et ceux qui pensent aujourd’hui à un lendemain différent.
Dans ce quatrième épisode de Ceci n’est pas une parenthèse, Radio Parleur vous propose une discussion avec Antonio Casilliautour des formes de mobilisations des travailleur⋅euses du clic. Antonio Casilli est sociologue à l’École nationale supérieure des télécommunications, et l’un des seuls spécialistes francophones du digital labour, en français le travail du clic.
Des travailleur⋅euses du clic qui deviennent visibles grâce à la crise
Pendant le confinement, on ne voyait plus qu’eux dans l’espace public, sans nécessairement savoir qu’ils en sont. Les livreurs à vélo, traçant la route à travers les villes désertées, sont des travailleurs des plateformes numériques. Quand ces plateformes de livraison de repas multipliaient les offres commerciales, incitant parfois les gens à acheter en ligne des barres chocolatées ou des paquets de bonbons, les livreurs étaient bien obligés de toucher poignées de portes et boutons d’ascenseur. Une certaine vision de la répartition du risque.
Travail du clic : au-delà des livraisons, tous les emplois des plateformes
Derrière les commandes passées en ligne, il y a des dispatchers, rivés à leurs écrans pour gérer les imprévus et répartir les commandes. « Ils ont eu un rôle encore plus important pendant la crise du coronavirus », explique Antonio Casilli. Derrière la promesse de la livraison de repas « sans contact », il a fallu gérer tout un tas de nouvelles galères, des notifications qui n’arrivent pas jusqu’aux client⋅es qui oublient de ramasser leurs commandes.
Pour assurer ce back-office, il peut aussi y avoir des personnes qui travaillent à la tâche. Dans l’enquête menée l’année dernière par le sociologue et son équipe, le champ du travail du clic apparaît beaucoup plus étendu que la livraison de burgers. « Nous avons observé qu’il y avait de l’externalisation de services de comptables, ou de ressources humaines. Des personnes assurent de l’anonymisation de CV pour des grandes boîtes, en étant payées quelques centimes. » Seules face à leur ordinateur, ces personnes travaillent régulièrement à la tâche. Leur lieu de travail est souvent leur domicile, leurs collègues souvent impossibles à joindre et même à connaître. Difficile de s’organiser collectivement dans ces conditions.
Le 1er mai, la révolte des travailleur⋅euses du clic américain
Les livreurs et autres travailleuses et travailleurs du clic pourraient-ils se mobiliser avec une visibilité au moins égale ? Les grèves de livreurs suscitent en tout cas de plus en plus d’intérêt, et sont de mieux en mieux structurées par des collectifs et des syndicats.
« Il y a trois voies pour sortir de la situation actuelle, caractérisée par des plateformes prédactrices, » explique Antonio Casilli. « Il y a la voie syndicale, les alternatives coopérativistes, et une troisième plutôt axée sur la stratégie des revenus inconditionnels. » Autrement dit, un revenu universel pour les travailleur⋅euses du clic.
Avec l’économiste Philippe Askenazy, j’ai participé à l’émission Entendez-vous l’éco (France Culture) dans le cadre d’une semaine consacrée à la logistique.
Entendez-vous l’éco ? par Tiphaine de Rocquigny
SÉRIE La logistique c’est fantastique !
Épisode 4 :
Le triomphe des plate-formes
La crise du Covid-19 rend crucial le fonctionnement des centres de distribution, entrepôts, plates-formes, hubs : tous les ronds-points de l’économie réelle et digitale. Chacun d’entre nous, depuis chez lui, réserve et commande plats cuisinés, vêtements, meubles ou électroménager. Surtout, le travail à distance nous a imposé de nouveaux outils collaboratifs qui accélérèrent le basculement la logistique dans les bastions du numérique. Alors, la crise du coronavirus signe-t-elle le triomphe des plates-formes de commerce en ligne et de livraison telles qu’Amazon, CDiscount et Deliveroo ?
‘Plateforme’ est un terme très ancien qui, au début, désignait une structure matérielle ou architecturale. Avec l’arrivée du numérique, il s’est mis à désigner quelque chose de beaucoup plus complexe et immatériel. – Antonio Casilli
Pendant le confinement, les livreurs ont pu montrer qu’ils jouent un rôle essentiel, malgré les efforts des plateformes logistiques pour nous faire croire qu’elles font du commerce uniquement en ligne, sans dimension matérielle. – Antonio Casilli
On constate un grand différentiel des effets du télé-travail selon les personnes, notamment entre les hommes et les femmes. Nombre de femmes ont été contraintes d’assumer leur rôle de parent et de continuer à travailler. Philippe Askenazy
Le problème est que le télé-travail, pendant le confinement, a cherché à répéter la logique présentielle du travail, avec une hausse des réunions et apéritifs virtuels, par exemple, ce qui a provoqué une lourde fatigue cognitive. – Antonio Casilli
Taux de chômage en forte hausse, nouvelle échelle de valeurs et d’utilité sociale, visibilisation des précaires, télétravail : la crise sanitaire a bousculé notre quotidien de travailleurs et travailleuses, jusqu’à ce 1er Mai bien empêché.
Depuis le début du confinement, l’équipe du Temps du débat a rassemblé sur le site de France Culture, plus d’une vingtaine de textes d’écrivains, d’artistes ou d’intellectuels du monde entier qui nous ont donné leur regard sur la crise en cours. Nous `
En ce Premier mai, nous nous demandons si la crise du Covid-19 va nous faire basculer dans un autre monde du travail.
Cette semaine, nous avons en effet tous appris que le nombre de chômeurs avait augmenté de 7,1% en mars sous le coup de la crise et de l’arrêt massif de nombreux secteurs d’activité. Parallèlement, un discours volontariste, voire optimiste, s’est développé ces dernières semaines, prônant le changement des modes de travail à la suite de l’expérimentation forcée du télétravail pendant le confinement.
Or, celui-ci n’a touché au maximum qu’un quart des françaises et français. N’est-ce donc là qu’une projection sans fondement ? Cette crise va-t-elle donner lieu, au contraire, à des bouleversements dans le monde du travail ? Ou ne va-t-elle qu’accélérer des transformations déjà en cours ?
Bénévolat, volontariat, digital labor: dans les associations, les entreprises ou sur nos smartphones, certaines de nos activités non rémunérées ont en commun de servir de modèles économiques à d’autres. Services publics et entreprises fonctionnent grâce à la gratuitisation de certaines activités.
Si récemment vous avez posté une photo sur Instagram, recommandé un restaurant sur TripAdvisor ou posté une critique de film sur un blog, vous n’avez pas juste partagé. Vous avez travaillé pour ces grandes plateformes. Gratuitement. “Ces entreprises ont réussi à imposer l’idée que ces personnes qui travaillent gratuitement le font pour la communauté. Or les ressources communes qu’ils contribuent à créer (les contenus, les données…) sont captées par les plateformes et transformées en valeur monétaire à la fin”, rappelle le sociologue Antonio Casilli, spécialiste du “travail du clic” ou le digital labor
C’est aussi au nom de valeurs — souvent l’innovation, la curiosité, l’envie de partager ou d’apprendre — que de nombreux professionnels participent à des hackathons (contraction de “hack” et de “marathon”). Durant ces événements, organisés par des entreprises privées mais aussi souvent des institutions publiques, des équipes de développeurs, entre autres, imaginent des nouveaux services ou applications. François Lacombe est ingénieur, mais aussi bénévole pour OpenStreetMap. Une association dédiée à l’ouverture à tous des données géographiques. Et c’est sur ce thème qu’il a participé des hackathons. “Cela dure 48h, souvent le week-end car c’est ouvert au grand public, et presque non-stop car il faut arriver le dimanche devant le jury avec une solution dont on sait qu’elle va fonctionner.”