esanté

Dernier ouvrage : “Le phénomène “pro-ana’. Troubles alimentaires et réseaux sociaux” (Oct. 2016)

Mon dernier ouvrage (co-écrit avec Paola Tubaro) est Le phénomène “pro-ana”. Troubles alimentaires et réseaux sociaux, paru aux Presses des Mines. Ce livre représente l’aboutissement de 5 ans de recherches menées avec nos collègues et amis du projet ANAMIA. Il documente aussi notre lutte pour la liberté d’expression sur Internet et pour le respect de la dignité des personnes atteintes de troubles alimentaires contre des politiques de santé publique, comment dire… malavisées.

Bref, si vous avez suivi notre travail ces dernières années, ce livre raconte notre histoire et les histoires de vie des personnes qui lisent, contribuent et participent aux communautés en ligne dites “pro-ana”…

PS. Le livre est aussi disponible en version électronique sur le portail Open Edition.

Antonio A. Casilli et Paola Tubaro

LE PHENOMENE « PRO-ANA »
Troubles alimentaires et réseaux sociaux

Postface de Cécile Méadel

Paris, Presses des Mines
Collection « i3 »
pp. 209

couvertureproana

Consultés et administrés par des personnes atteintes d’anorexie ou d’autres troubles alimentaires, les sites web dits « pro-ana » sont accusés d’inspirer à la maigreur extrême. Depuis le début des années 2000, des vagues de polémiques amplifiées par les médias ont entouré ces blogs et forums, si bien que les pouvoirs publics ont essayé à maintes reprises de les réglementer.

Mais qui sont leurs auteurs, commentateurs et lecteurs ? Que recherchent-ils vraiment, avec qui communiquent-ils ? Ce livre lève le voile sur cette communauté qui a longtemps échappé au regard. Au-delà de tout propos provocateur, il interroge les usagers de ces sites internet et met au jour leurs réseaux de relations.
Et si le « pro-ana » était moins un effet indésirable de la parole libérée sur internet que le symptôme de transformations profondes de notre manière de vivre la santé ? Face au ralentissement des dépenses de santé publique en raison des coupes budgétaires de l’Etat, les patients sont aujourd’hui confrontés à l’injonction croissante d’être actifs, informés, équipés. Mais la pression sociale qui en dérive peut conduire à des comportements paradoxaux et à des prises de risque.

Les résultats de cette étude défient les idées reçues et restituent une image ambivalente du web des troubles des conduites alimentaires. La valorisation de la maigreur et de l’anorexie est loin d’y faire l’unanimité. En revanche, on voit apparaître des réseaux d’entraide et d’information, dans un effort de combattre l’isolement et de pallier aux manques ressentis des services de soins.

>> Lire un extrait en pdf.

A propos des auteurs :
Antonio A. Casilli, enseignant-chercheur à Télécom ParisTech et à l’EHESS, membre de l’Institut interdisciplinaire de l’innovation (i3 CNRS). Parmi ses ouvrages : Les liaisons numériques (Seuil 2010) et Qu’est-ce que le digital labor ? (INA 2015).

Paola Tubaro, chargée de recherche au LRI, Laboratoire de Recherche Informatique du CNRS. Elle enseigne la sociologie des réseaux sociaux à l’ENS et a publié dans des revues comme Social Networks, Revue Française de Sociologie, Sociological Research Online, Sociology.

La e-santé et ses déboires : vidéo de l'intervention d'Antonio Casilli au Congrès de l'AFS (Grenoble, 7 juillet 2011)

Le sociologue Antonio Casilli, auteur de Les liaisons numériques. Vers une nouvelle sociabilité ? (Ed. du (Seuil), intervient au Congrès Grenoble 2011 de l’AFS (Association Française de Sociologie) à l’occasion de la semi-plénière “Les technologies de l’information et de la communication en santé : un nouvel essor pour le champ sanitaire ?”. Sa présentation, dont le titre est E-santé : entre conflits sociaux et fractures sanitaires, a eu lieu à l’amphi 10 (Campus de St-Martin d’Hères) le 7 juillet 2011, à 11h dans le cadre des activités des RT19 “Santé, médecine, maladie, handicap” et RT29 “Sciences et techniques en société” de l’AFS. La vidéo de l’intervention est disponible sur le site http://www.canalc2.tv.

Une complexité sociale grandissante entoure la transition de la « médecine de chevet » à l’e-santé. Nous ne sommes pas en train d’observer un processus linéaire, mais un concert de voix discordantes, un champ de tensions.  L’application des  technologies communicantes et des dispositifs mobiles au domaine de la biomédecine sous-entend un ensemble de revendications d’autonomie de la part des sujets impliqués dans les échanges informatisés orientés santé.  Surtout, les communautés de patients du Web restituent de façon originale un ensemble de conflictualités entre institutions médicales et savoirs profanes du corps.  Issues des contestations de la médecine institutionnelle des années 1980 et des collectifs de « résistance civile électronique » où les premiers hackers mettaient leurs compétences informatiques au service des malades exclus des soins par des systèmes de sécurité sociale de plus en plus dysfonctionnels, les forums de discussion santé ou les applications participatives de la « medecine 2.0  » actuelle sont encore animés par un refus très marqué de la médiation médicale.  Dans le contexte qui se dessine, les médecins ne seraient plus qu’une ressource parmi d’autres, concurrencés par les communautés épistémiques à la Wikipédia, les groupes d’entraide en ligne et les bases de données ‘open’.  Mais, de manière paradoxale, la démocratisation croissante des usages numériques ne va pas sans soulever plusieurs interrogations quant aux biais qu’elle peut introduire dans l’accès aux soins. La question des inégalités en matière de santé reste plus que jamais ouverte. Un déplacement progressif des scènes de l’exclusion et de l’isolement social pourrait s’opérer si la « fracture numérique » finissait par  recouper une « fracture sanitaire » entre usagers ayant accès à de l’aide en ligne et à de l’information de qualité et des couches de population progressivement évincées de cette démarche d’ ‘empowerment’ des malades. Le risque est que les usages numériques contribuent à exacerber ces inégalités.


Dans Pulsations n. 5 (juin 2011)

Pulsations, le journal des Hôpitaux Universitaires de Genève publie une interview avec Antonio A. Casilli, auteur de Les liaisons numériques. Vers une nouvelle sociabilité ? (Ed. du Seuil). L’occasion de parler d’eSanté, Wikipedia et industries pharmaceutiques.

Avec l’essor des nouvelles technologies, assiste-t-on à la fin de la médecine de chevet et au début de la médecine d’ordinateur ?

Au contraire, l’essor de nouvelles technologies en médecine s’inscrit dans la continuité de phénomènes et de pratiques qui préexistent au Web. Certains commentateurs s’inquiètent de voir les cliniciens troquer, pour ainsi dire, leur stéthoscope pour une souris d’ordinateur. Ils oublient que la médecine revient toujours à se servir de dispositifs artificiels pour soigner un corps organique. Même avant le Web, elle était un procédé technologique. C’est notre technologie qui a changé. Elle est devenue numérique.

Les médecins voient de plus en plus de patients arriver avec des symptômes et… un diagnostic trouvé sur le web, qu’en pensez-vous?

C’est dérangeant pour les méde- cins, mais très enrichissant pour les patients qui se voient impliqués, d’entrée, dans le processus de soin. Ce qui est important, c’est de trouver sur Internet de l’information fiable. Souvent, les professionnels de la santé crient au scandale parce que leurs patients recherchent leurs symptômes sur Google ou sur Wikipédia. Mais des études récentes ont démontré qu’un diagnostic obtenu à l’aide de Google est correct plus d’une fois sur deux. Il y a certains secteurs de la médecine – comme la cardiologie ou l’infectiologie – qui ont des marges d’erreur beaucoup plus importantes… Wikipédia a, quant à elle, des équipes d’administrateurs qui patrouillent les pages de l’encyclopédie pour empêcher toute intox et toute modification relevant du marketing pharmaceutique. Est-ce que les revues spécialisées des professionnels de santé peuvent en dire autant ?

Le médecin perd-il son rôle de toute puissance sur le patient ? Cesse-t-il d’être celui qui sait (tout) dans la représentation du malade?

Le médecin perd sa fonction d’intermédiaire entre le corps du patient et le savoir scientifique, qui cesse d’être réservé à une élite. On peut alors parler de «désintermédiation». Personnellement, je ne crois pas que cela signifie la fin de la profession médicale, mais sa transformation. Le médecin d’aujourd’hui doit être capable avant tout de guider son patient à travers une jungle de recommandations contradictoires : celles que l’on trouve dans la presse ou sur le Web, mais aussi sur les emballages des aliments, dans les guides d’utilisation des appareils électroménagers… Tout le monde cherche à nous vendre de la santé et du bien-être.  Et cela est très cacophonique. Un professionnel de santé doit savoir aider son patient à départager les avis.

"Santé future, inégalités passées" : Antonio Casilli au Débat eSanté de Regards Sur Le Numérique

Le sociologue Antonio Casilli, auteur de Les liaisons numériques. Vers une nouvelle sociabilité ? (Ed. du Seuil) participe au Débat de RSLN “eSanté : le futur est-il déjà là ?”, en compagnie de Marcel Desvergne (président d’Aquitaine Europe Communication), Antoine Flahault (directeur de l’EHESP), Jacques Lucas (vice-président du Conseil national de l’Ordre des Médecins), Charles Delaunay-Driquert (designer numérique), Laurent Gout (médecin urgentiste et auteur du blog UrgenTIC), Yann Leroux (psychanalyste et auteur du blog Psyetgeek), Nathalie Wright (directrice du secteur public chez Microsoft France), Christian Saout (président du collectif d’associations de patients CISS),  Kenza Boda (auteure numérique).

E-santé : entre conflits sociaux et fractures sanitaires.

(Texte de l’intervention d’Antonio A. Casilli au Débat RSLN eSanté, 28 avril 2011)

Une complexité sociale grandissante entoure la transition de la “médecine de chevet” à l’e-santé. Nous ne sommes pas en train d’observer un processus linéaire, mais un concert de voix discordantes, un champ de tensions.  L’application des technologies communicantes et des dispositifs mobiles au domaine de la biomédecine sous-entend un ensemble de revendications d’autonomie de la part des sujets impliqués dans les échanges informatisés orientés santé.  Surtout, les communautés de patients du Web restituent de façon originale un ensemble de conflictualités entre institutions médicales et savoirs profanes du corps.  Issues des contestations de la médecine institutionnelle des années 1980 et des collectifs de « résistance civile électronique » où les premiers hackers mettaient leurs compétences informatiques au service des malades exclus des soins par des systèmes de sécurité sociale de plus en plus dysfonctionnels, les forums de discussion santé ou les applications participatives de la “medecine 2.0 ” actuelle sont encore animés par un refus très marqué de la médiation médicale.  Dans le contexte qui se dessine, les médecins ne seraient plus qu’une ressource parmi d’autres, concurrencés par les communautés épistémiques à la Wikipédia, les groupes d’entraide en ligne et les bases de données ‘open’.  Mais, de manière paradoxale, la démocratisation croissante des usages numériques ne va pas sans soulever plusieurs interrogations quant aux biais qu’elle peut introduire dans l’accès aux soins. La question des inégalités en matière de santé reste plus que jamais ouverte. Un déplacement progressif des scènes de l’exclusion et de l’isolement social pourrait s’opérer si la « fracture numérique » finissait par  recouper une « fracture sanitaire » entre usagers ayant accès à de l’aide en ligne et à de l’information de qualité et des couches de population progressivement évincées de cette démarche d’ ’empowerment’ des malades. Le risque est que les usages numériques contribuent à exacerber ces inégalités.

Conférence d'Antonio Casilli à Euro Cos (Strasbourg, 16 avril 2011)

Le sociologue Antonio Casilli, auteur de Les liaisons numériques. Vers une nouvelle sociabilité ? (Seuil) interviendra samedi 16 avril 2011 dans le cadre des journées d’étude Euro Cos 2011 “Internet : des promesses pour la santé” qui auront lieu à la Clinique Sainte-Barbe, Groupe Hospitalier Saint-Vincent (29, rue du Faubourg National, Strasbourg). Pour télécharger le programme cliquer ici.

L’internet est depuis sa création un lieu de mobilisations et de contestation des pouvoirs biomédicaux par des groupes de patients organisés. Une histoire de la relation entre institutions de santé et usagers de services en ligne doit d’abord prendre en compte les utopies de la santé parfaite et les peurs de diffusion incontrôlée d’informations et de données scientifiques ayant animé – de manière certes différente – ces deux ensembles d’acteurs.
De surcroît, la démocratisation des interactions sociales assistées par les ordinateurs des dernières années va de pair avec un déplacement progressif des scènes de l’exclusion et de l’isolement social. La formation de communautés en ligne refusant ou critiquant la médiation médicale semble orientée à compenser cette exclusion par le développement de formes alternatives de capital social.
Les communautés de patients du Web restituent de façon originale un ensemble de conflictualités. En négociant et en articulant la médiation biomédicale de leurs pratiques de santé, ces sujets mettent en place des processus constamment oscillant entre revendication d’autonomie et besoin de caution épistémique.