travail

Le programme du séminaire #ecnEHESS 2018/19 est arrivé !

Mon séminaire Étudier les cultures du numérique (mieux connu comme #ecnEHESS) est de retour pour la 11e année consécutive.

Structure : pour la rentrée 2018/19, le séminaire fait peau neuve : plus compact (9 séances sur 5 mois), plus long (24 heures de cours) et surtout… plus fondamental. Parce que justement à partir de cette année, l’enseignement devient une formation du tronc commun du master en sciences sociales de l’EHESS, et une unité fondamentale de la mention Histoire des Sciences, Technologies, Sociétés (HSTS), en collaboration avec le Centre Alexandre Koyré.

C’est pourquoi, le programme se compose cette année de deux types de sessions :

  • les séances thématiques retracent les grandes questions de la sociologie du numérique et sont réservées en priorité aux étudiant•es EHESS (mais peuvent accueillir des auditeur•rices libres dans la mesure des places disponibles) ;
  • les séances d’approfondissement, où des invité•es externes présentent leurs recherches en cours,  s’inscrivent dans la tradition du séminaire #ecnEHESS et sont ouvertes à tou•tes.

Logistique : le séminaire aura lieu deux jeudis par mois, du 10 janvier 2019 au 9 mai 2019. Les séances thématiques se dérouleront au Centre Alexandre Koyré (salle séminaire, 27 Rue Damesme, 75013 Paris). Les séances d’approfondissement se dérouleront à l’Institut des Systèmes Complexes (salle séminaire 1.1, 113 rue Nationale 75013 Paris).

Pour vous inscrire, merci de renseigner le formulaire de contact (option “seminar”).

Voilà le calendrier complet :

 
Jeudi 10 janvier 2019 (15h-18h)
Centre Alexandre Koyré, salle séminaire, 27 Rue Damesme, 75013 Paris

Séance thématique (priorité étudiant•es EHESS)
Sociabilité, identité, communauté sur internet
Enseignant : Antonio Casilli
Jeudi 24 janvier 2019 (16h-18h)
Institut des Systèmes Complexes, salle séminaire 1.1, 113 rue Nationale 75013 Paris

Séance d’approfondissement (ouverte aux auditeur•es libres)
Les communs numériques
Intervenant•es : Benjamin Coriat, Laura Aufrère (Univ. Paris 13), Lionel Maurel (CNRS).
Jeudi 7 février 2019 (15h-18h)
Centre Alexandre Koyré, salle séminaire, 27 Rue Damesme, 75013 Paris
Séance thématique (priorité étudiant•es EHESS)
Analyse des réseaux (structure, norme, et capital social en ligne)

Enseignant : Antonio Casilli
Jeudi 21 février 2019 (17h-19h)
Institut des Systèmes Complexes, salle séminaire 1.1, 113 rue Nationale 75013 Paris

Séance d’approfondissement (ouverte aux auditeur•es libres)
Ce que les big data font aux sciences sociales
Intervenant•es : Paola Tubaro (CNRS) et Étienne Ollion (CNRS).
Jeudi 7 mars 2019 (15h-18h)
Centre Alexandre Koyré, salle séminaire, 27 Rue Damesme, 75013 Paris

Séance thématique (priorité étudiant•es EHESS)
Évolutions de la vie privée sur Internet
Enseignant : Antonio Casilli
Jeudi 21 mars 2019 (17h-19h)
Institut des Systèmes Complexes, salle séminaire 1.1, 113 rue Nationale 75013 Paris

Séance d’approfondissement (ouverte aux auditeur•es libres)
Action collective à l’heure du numérique
Intervenant•es : Jen Schradie (Sciences Po Paris).
Jeudi 4 avril 2019 (15h-18h)
Centre Alexandre Koyré, salle séminaire, 27 Rue Damesme, 75013 Paris

Séance thématique (priorité étudiant•es EHESS)
Travail et intelligences artificielles

Enseignant : Antonio Casilli
Jeudi 18 avril 2019 (17h-19h)
Institut des Systèmes Complexes, salle séminaire 1.1, 113 rue Nationale 75013 Paris

Séance d’approfondissement (ouverte aux auditeur•es libres)
Travail et plateformes numériques
Intervenant•es : Marie-Anne Dujarier (Univ. Paris Diderot) et Maud Simonet (Univ. Paris Nanterre).

Une séance finale de restitution des travaux des étudiant•es aura lieu le jeudi 9 mai 2019 de 15 h à 19 h au Centre Alexandre Koyré, salle séminaire. Lors de cette session, les étudiant•es présenteront une synthèse portant sur un sujet ayant trait aux usages sociaux des technologies numériques, choisi en accord avec l’enseignant. Le rendu prendra la forme d’une contributions à Wikipédia (création et modification d’articles) et d’une présentation orale.

La déconnexion selon les GAFAM : une stratégie de distraction (Le Figaro, 11 mai 2018)

Dans Le Figaro, Elisa Braun se penche sur les nouvelles fonctionnalités introduites par Google pour aider les utilisateurs Android à se déconnecter. Interviewé par la journaliste, voilà mon commentaire :

“La déconnexion n’est pas qu’une mode ou un mouvement des élites technologiques. Les études sérieuses se multiplient sur les effets nocifs des écrans sur le sommeil, le développement cognitif des enfants en bas âge et la surexposition. Chacun peut aussi ressentir la saturation en regardant son centre de notifications ou la quantité de mails non désirés sur sa messagerie. Mais le premier domaine dans lequel l’excès de connexion a été strictement encadré est en fait celui du travail. Voté dans le cadre de la loi Travail, dans le nouvel article L2242-8 du Code du travail, ce droit à la déconnexion est entré en vigueur au 1er janvier 2017. Il concerne les entreprises de plus de 50 salariés. Afin d’assurer le respect des temps de repos et de congés ainsi que l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée, les entreprises concernées doivent mettre en place «des instruments de régulation de l’outil numérique», souligne le législateur.

Mais la question du travail a progressivement été écartée des débats sur la déconnexion. «Les applications de déconnexion existent depuis plusieurs années, à l’image de Freedom. Elles étaient auparavant rangées dans la catégorie «productivité» sur les magasins d’applications, et sont désormais passées dans la catégorie «bien être»» note ainsi Antonio Casilli, professeur de sociologie à Télécom Paris Tech et à l’EHESS. Pour ce spécialiste du «digital labor», la question de la déconnexion n’a pourtant pas tant à faire avec le bien-être que mettent en avant les équipes marketing de Google. «Ces entreprises invisibilisent le travail, accuse Antonio Casilli. Leurs nouvelles fonctionnalités prétendent nous libérer de l’injonction à l’hyper-connexion qu’elles ont elles-mêmes créée. Mais leur réponse reprend toutes les métriques de la productivité: temps d’affichage, nombre de clics… Elles installent une énième couche d’attention pour nous faire intérioriser le fait qu’une fois que nous sortons de ce mode de déconnexion, nous devons répondre à tant de mails en tant de secondes autorisées».

La déconnexion serait-elle paradoxalement en train de devenir un leurre pour nous faire plus travailler? «Il y a des positions de bonne foi sur la déconnexion, comme celle qui consiste à veiller à ne pas créer de nouvelles heures supplémentaires aux travailleurs jugés d’astreinte à cause de la pollution de notifications de ces sites.» nuance Antonio Casilli. Mais les intentions d’un Google ne sont pas forcément du même acabit. En attirant l’attention sur cette question de l’hyper-connexion, Google ou Facebook trouvent aussi un bon sujet de préoccupation collective autour de la réglementation des technologies. Un sujet nettement moins fâcheux, par exemple, que celui des données personnelles qu’ils exploitent. Et un sujet qu’ils peuvent maîtriser, sur lequel ils peuvent imposer leurs normes et leurs discours. Avec ces nouvelles fonctionnalités de contrôle sur lesquelles Google a pleinement la main, le géant s’arroge ainsi le droit de devenir celui qui contrôle où et comment l’attention est répartie, tout en laissant l’impression à l’utilisateur de recouvrer sa liberté. Alors qu’il l’empêche un peu plus de partir.”

[Séminaire #ecnEHESS] Antonio Casilli : Intelligences artificielles et travail des plateformes (13 nov. 2017)

Enseignement ouvert aux auditeurs libres. Pour s’inscrire, merci de renseigner le formulaire.

Pour la première séance de l’édition 2017/18 de notre séminaire #ecnEHESS Étudier les cultures du numérique : approches théoriques et empiriques, je vais présenter mes travaux récents sur le lien entre digital labor, plateformisation et intelligence artificielle.

Le séminaire aura lieu le lundi 13 novembre, de 17 h à 20 h (salle M. & D. Lombard, 96 bd Raspail 75006 Paris).

Des intelligences pas si artificielles : plateformes, digital labor et la « tentation d’automatiser »

L’un des penseurs classiques de l’industrialisme, David Ricardo, consacrait à la question de la « destruction du travail » par les machines le chapitre 31 de ses Principes de l’économie politique. À ses yeux, l’utilisation de solutions technologiques n’était pas un destin inéluctable, aboutissant à la substitution complète des travailleurs, mais plutôt un choix humain, résultant d’une « tentation d’employer des machines » [temptation to employ machinery] qui habitait le capitaliste. Était-ce un véritable aménagement libidinal qui poussait ce dernier à préférer l’automation à d’autres méthodes pour recruter de la main-d’œuvre meilleur marché, telle la délocalisation ou la mise au travail des familles des ouvriers ?

Cette présentation interroge le parcours culturel et socio-économique qui, de cette vision, nous a conduit aux sombres présages actuels du « grand remplacement » des humains par les technologies intelligentes. Le débat contemporain est marqué par les prophéties dystopiques de la disparition de 47% des emplois à cause des solutions automatisées, ou par les fantasmes de la gouvernance algorithmique du travail. Ceux-ci représentent autant de discours d’accompagnement de l’essor des plateformes numériques dont les modèles d’affaires sont de plus en plus structurés autour de l’automation des processus métier.

Bien que dans le contexte politique présent retentissent les annonces du dépassement des catégories héritées de la culture du travail des siècles passés (emploi, protection, subordination, pénibilité), l’heure d’une civilisation « post-laboriste » n’a pas encore sonné. Le fait est que les activités productives ont tellement évolué que le travail est en manque de reconnaissance. Pour le voir à nouveau, nous devons faire appel à la catégorie du digital labor, qui nous permet d’analyser l’articulation complexe de consommateurs/producteurs, de tâcherons du clic, de faux-freelances organisés en chaînes mondiales de sous-traitance. La centralité de la notion de travail est alors réaffirmée, à condition de jeter un regard derrière les rideaux de l’automation, pour observer le recours généralisé de la part des plateformes à des modalités intensives de captation de la valeur à partir des micro-tâches réalisées par des êtres humains afin de – justement – entraîner les intelligences artificielles, enseigner aux algorithmes d’apprentissage automatique, faire circuler les véhicules autonomes.

Pagina99 (Italie, 16 juin 2017)

Nel quotidiano Pagina99, numero speciale del weekend 17 giugno 2017 “algoritmi e sorveglianza”, una lunga intervista rilasciata al giornalista Samuele Cafasso.

I nuovi schiavi degli algoritmi

Per costruire le macchine al servizio dell’uomo, i grandi gruppi del digitale impiegano una moltitudine di persone. Spesso in condizioni definibili come sfruttamento. L’intervista di pagina99 al sociologo Casilli.

  • SAMUELE CAFASSO

Prima di chiederci se l’intelligenza artificiale e i robot ci toglieranno il lavoro, dovremmo chiederci quanto e quale lavoro serve per costruire le intelligenze artificiali. Scopriremmo così un grande paradosso: per costruire le macchine al servizio dell’uomo, i grandi gruppi del digitale stanno usando una moltitudine di persone a servizio delle macchine, spesso facendole lavorare in condizioni definibili come sfruttamento. La tesi è di Antonio Casilli, professore associato al Paris Institute of Technology e ricercatore al Centro Edgar Morin, tra i più acuti studiosi europei dell’impatto delle tecnologie digitali sulle nostre strutture sociali. L’abbiamo intervistato in occasione del Jobless society forum organizzato a Milano dalla Fondazione Feltrinelli.

D. Casilli, di quale intelligenza artificiale stiamo parlando e perché, per essere realizzata, questa richiede lo sfruttamento dell’uomo?
R. I grandi gruppi digitali come Google, o Facebook, hanno la loro ragione d’essere nel costituirsi come piattaforme di servizi per i propri utenti. Sono anche un riferimento per le altre imprese, di cui inglobano e coordinano le attività. Per svolgere il loro compito ricorrono sempre più spesso a sistemi automatici di funzionamento. In pratica si tratta di software costruiti grazie al machine learning, sistemi di apprendimento automatico: ogni dato inserito permette alla macchina di raffinare il proprio funzionamento, di specializzarsi riducendo gli errori. Serve però una mole enorme di dati, e di buona qualità. Questi dati sono prodotti e raffinati da noi, esseri umani.

D. È il sistema che sta alla base dei traduttori online, o dei “risponditori” automatici come Siri, o Cortana. Ma per il machine learning non basta il lavoro non retribuito che eseguiamo noi come utenti attraverso la nostra navigazione, l’uso dei dispositivi, i like che inseriamo sui social network e altro ancora?
R. Questa raccolta di dati è importantissima. I big data a disposizione di Facebook con i suoi 1,8 miliardi di profili, o le centinaia di milioni di clienti di Amazon, sono alla base del processo di machine learning. Ma le grandi piattaforme, lo sappiamo per certo, non si limitano a raccogliere i dati in maniera passiva. Questi dati vanno rielaborati, sistematizzati, annotati. C’è troppo “rumore” perché siano utilizzabili così come sono. E qui entra in gioco il microlavoro umano.

D. Di quali compiti stiamo parlando, in concreto?
R. Stiamo parlando di compiti che, presi singolarmente, sono minimi. Facciamo qualche esempio: selezionare, tra otto foto che compaiono sullo schermo, quelle in cui compare un determinato elemento, ad esempio un lago o l’insegna di un negozio. Individuare in qualche secondo se un sito è “solo per adulti”. Correggere lo spelling nella trascrizione di testi, brevissimi, di appena qualche parola. E altro ancora. Microcompiti che vengono spesso appaltati attraverso le piattaforme di micro-lavoro per qualche centesimo l’una, a volte anche meno.

D. Quali aziende sono coinvolte?
R. Ogni grande gruppo può contare su piattaforme a questo in qualche modo collegate. La più nota di tutte è Mechanical Turk di Amazon, il cui nome già dice tutto. Il “turco meccanico” è il nome di un robot giocatore di scacchi sviluppato alla fine del 1700. Vestito appunto come un turco, in realtà celava al suo interno una persona. Il robot, insomma, si muoveva solo grazie all’uomo. Google utilizza una piattaforma che si chiama Ewoq, Microsoft ha Uhrs, Ibm ricorre a Mighty Ai, Apple utilizza per la geolocalizzazione Try Rating. E poi ci sono tante piattaforme di microlavoro generaliste.

D. Chi si fa carico di questi lavori?
R. Se guardiamo al mercato dei click, vediamo che i primi utilizzatori si trovano negli Stati Uniti, in Paesi europei come la Francia, o la Gran Bretagna, in Canada, Australia. Lì si concentrano le imprese che reclutano microlavoratori per allenare le intelligenze artificiali. Chi vende prestazioni invece si trova soprattutto in India, Pakistan, Filippine, Malesia, America Centrale. Spesso si tratta di persone che lavorano da casa, ma ci sono realtà molto più dure. Alcuni operano negli equivalenti digitali dei call center, in grandi stanze ingombre di computer, una a fianco all’altra, in condizioni precarie. Sono le click-farm, di cui si parla oramai da anni. Lo schema che aveva notato Naomi Klein alla fine degli anni Novanta con il libro No Logo, per cui la globalizzazione e la delocalizzazione delle imprese tendeva a riprodurre schemi di potere di tipo colonialista, oggi si ripropone. Questa volta a essere mobili non sono i capitali e la produzione delle merci, ma il mercato del lavoro. Anche quando queste persone si trovano nei Paesi occidentali, nel Nord globale, sono persone spesso ai margini. Il microlavoro ha tendenza a riprodurre forme di esclusione classiche. Le donne sono particolarmente toccate, o i portatori di handicap. In alcuni casi, forme di precarietà più estreme fanno di questa forza lavoro un vero e proprio “esercito industriale di riserva” composto di ex-detenuti, persone senza domicilio fisso, lavoratori recentemente immigrati con secoli di storia di sfruttamento alle loro spalle. Alcune piattaforme (diverse da quelle citate qui sopra e non direttamente riferibili ai grandi gruppi del digitale, ndr.) come Mobileworks si fanno un vanto di impiegare «comunità di sotto-occupati negli Stati Uniti e nel mondo». I programmi di lavoro nelle carceri americane oggi includono compiti come data entry, trascrizioni di testi, preparazione di documenti. Anche quando gli utenti di queste piattaforme sono formalmente liberi, alcune imprese (come Microsourcing nelle Filippine) mimano il linguaggio delle colonie penali, promettendo alle imprese occidentali che i loro microlavori saranno eseguiti da persone «virtualmente in cattività».

D. Quali responsabilità abbiamo come utenti delle piattaforme e come cittadini?
R.
Se pensiamo che i nostri comportamenti individuali possano in qualche modo influire su queste dinamiche facciamo un errore enorme. Non possiamo separare i mercati di lavoro tradizionali, presenziali, da quelli delle piattaforme di microlavoro. I conflitti e le tensioni tra lavoratori scatenati dalle delocalizzazioni e dalla mobilità internazionale di imprese e individui si riproducono online. Questo è un problema globale che richiede risposte globali. È il legislatore, nazionale e sovranazionale, che deve assecondare i movimenti di auto-organizzazione di lavoratori per riaffermare i loro diritti. Un ruolo importante possono averlo anche i sindacati tradizionali. Anche se qui in Europa hanno reputazione di essere in ritardo rispetto a queste evoluzioni tecnologiche, sono loro che conservano infrastrutture, saperi forti su come gestire il conflitto e il dialogo sociale, radici tra i lavoratori e capacità di rapportarsi con le aziende e il legislatore. Alcune realtà si stanno muovendo in questo senso, come la Cgt o Force Ouvrière in Francia, la Cgil in Italia, Ig Metall in Germania con il progetto Fair Crowd Work che permette di mettere in rete le esperienze dei lavoratori. È necessario che ci si muova in questa direzione».

Questo articolo è tratto dal nuovo numero di pagina99, “dalla Cina a Facebook – prove di controllo totale”, in edicola, digitale e abbonamento dal 16 al 22 giugno 2017.

Linkiesta (Italie, 2 juin 2017)

La giornalista Lidia Baratta pubblica sul sito di informazione Linkiesta una sintesi dettagliata del mio intervento al Jobless Society Forum della Fondazione Feltrinelli di Milano.

Siamo già nell’era del microlavoro (e non è una buona notizia)

Dietro assistenti virtuali, intelligenze artificiali e pagine Facebook da centinaia di migliaia di like si nascondono microlavoratori situati per lo più in Paesi emergenti e pagati anche 1 centesimo di dollaro per task. Casilli (ParisTech): “Siamo davanti a un vero mercato del lavoro a cottimo”

2 Giugno 2017 – 08:02

Trascrivere scontrini, riconoscere il cielo e le montagne in un’immagine, risolvere un captcha, scaricare un videogame. Se le tecnologie e le intelligenze artificiali non sostituiranno del tutto i lavoratori, di certo hanno già creato un mercato del lavoro parallelo fatto di “microlavoratori”. È quello che ha sostenuto Antonio Casilli, professore associato di Digital Humanities al Telecommunication College of the Paris Institute of Technology, nel suo intervento nel corso del Jobless Society Forum della Fondazione Feltrinelli a Milano. Operai digitali, delocalizzati per lo più tra India, Bangladesh e Nepal, vengono ingaggiati per realizzare davanti a un computer o allo schermo di uno smartphone micromansioni pagate anche un centesimo di dollaro per ogni “task”. Sono i lavoratori umani invisibili che alimentano e “allenano” le intelligenze artificiali, le app e gli assistenti virtuali di cui ci serviamo ogni giorno. Una nuova era digitale del lavoro a cottimo, che vale fino 400 milioni di dollari (il mercato dell’online outsourcing tra freelance e microworker vale in totale 4,8 miliardi di dollari, destinato a crescere – secondo la Banca mondiale – fino a 15-25 miliardi di ricavi entro il 2020).

Il ragionamento è semplice: se serve un sistema che identifichi automaticamente i cani nei video di YouTube, ci deve essere prima un umano che mostri all’intelligenza artificiale cos’è e che forma ha un cane, taggando milioni di foto di cani. Taggare milioni di foto di cani così diventa un lavoro. Le competenze richieste sono basse, la creatività pure, e il salario lo è ancora meno.

Gli stessi assistenti virtuali come Siri di Apple, Cortana di Microsoft o Alexa di Amazon sarebbero (ancora) più stupidi senza il lavoro umano che si nasconde dietro. Le intelligenze artificiali, insomma, non sono nate già così intelligenti. Così come i consigli azzeccati di Amazon sulle sneakers che potrebbero piacerci mentre compriamo un pantalone: dietro c’è un database “compilato a mano” da uomini che hanno memorizzato tipologie, marche, colori e anno di produzione di migliaia di altre sneakers.

Facebook, da parte sua, non ha mai nascosto la presenza di esseri umani dietro il suo assistente virtuale “M”. E anzi, l’ha trasformata in argomento di distinzione rispetto ai concorrenti. L’intelligenza artificiale di casa Zuckerberg risponde “in tandem” con gli umani, è controllata dagli umani e continuamente “alimentata” da loro attraverso la produzione di dati in modo da renderla più evoluta. Quando si fa una domanda, M lavora per capire cosa abbiamo chiesto e formula una risposta, ma prima aspetta l’ok dei “trainer” umani. Così quando parliamo con una chat bot non sappiamo mai se dietro c’è un software o una persona che si trova a San Francisco, Milano o Dhaka.

«L’effetto dell’intelligenza artificiale sul lavoro non è la grande sostituzione dei lavoratori con delle intelligenze artificiali, ma la sostituzione del lavoro formale con micro-lavoro precarizzato e invisibilizzato», spiega Antonio Casilli. «Nonostante si parli di micro-lavoro, siamo davanti a un vero mercato del lavoro e non a un fenomeno di nicchia, con veri e propri annunci di lavoro».

L’effetto dell’intelligenza artificiale sul lavoro non è la grande sostituzione dei lavoratori con delle intelligenze artificiali, ma la sostituzione del lavoro formale con micro-lavoro precarizzato e invisibilizzato

Antonio Casilli, Telecommunication College of the Paris Institute of Technology

Per avere un panorama delle offerte dei microlavori digitali offerti, basta andare su Amazon Mechanical Turk, la piattaforma creata da Amazon in cui aziende e sviluppatori comprano intelligenza umana per le loro applicazioni. Il nome stesso del sito nasce da “il turco”, un automa creato nel 18esimo secolo che avrebbe dovuto simulare un giocatore di scacchi ma che in realtà era manovrato da un giocatore umano all’interno. La metafora c’è tutta. Se un’azienda ha bisogno di trascrivere delle fatture, classificare immagini o inserire dati, si rivolge al lato umano di Amazon reclutando migliaia di microworker per realizzare altrettante microtask.

Ma quando si fa un giro tra gli annunci di lavoro del sito, il lato umano si vede un po’ meno. Per un centesimo di dollaro si chiede ad esempio di collezionare indirizzi email tramite i canali di YouTube e risolvere i relativi captcha. Per 5 centesimi la mansione richiesta è di scrivere cosa si vede nelle immagini di vecchie cartoline. Per la stessa paga si possono classificare alcune immagini. Ma ci sono anche i lavori offerti per zero centesimi, come la trascrizione delle cifre della console di un un tapis roulant.

Amazon

Gli annunci su Amazon Mechanical Turk

Taggare milioni di foto di cani diventa un lavoro. Le competenze richieste sono basse, la creatività pure, e il salario garantito lo è ancora meno. Nei Paesi in cui lo stipendio medio è di 20-30 dollari al mese, lavori a 1 centesimo di dollaro per task possono essere interessanti

Mecahnical Turk conta intorno ai 500mila utenti. Ma ci sono giganti come Upwork, che arrivano fino a 12 milioni di iscritti e 750 milioni di ricavi (nel 2013). Per una paga di 20 dollari, ad esempio, viene chiesto di trascrivere in un documento di testo il contenuto di 31 foto. In Cina, principale player nel mondo dei microlavori, domina Zhubajie, con 15 milioni di iscritti. Accanto alle ricerche di freelance per comporre il menù di un ristorante di ramen o il logo di un blog in giapponese, per un budget di 50 dollari viene chiesto di testare la qualità video e audio di alcune app da computer e smartphone, comunicando quante volte si blocca il video e quante volte salta l’audio. Gli altri nomi di piattaforme per freelance e microlavoratori sono Freelancer (22 milioni di iscritti), Taskcn (10 milioni), Crowdsource (8 milioni), Witmart (7 milioni), Care (6,6 milioni), Crowdflower (5 milioni), Epweike (oltre 3 milioni), Fiverr (3 milioni), 99designes (1,35 milioni), Microworkers (873mila) e Clickworker (800mila).

Mettendo insieme tutte le piattaforme, si superano i 100 milioni di lavoratori. Una fetta importante della forza lavoro. Che a fine mese si vede poi recapitare una microbustapaga con la lista di tutte le task realizzate e il compenso ottenuto. Secondo i calcoli della Banca mondiale, la maggior parte dei lavoratori di Amazon Mechanical Turk lavora 10-20 ore a settimana, guadagnando circa 80 dollari al mese. Le ore lavorate dipendono dal tipo di lavoro disponibile. Ma molti full time, in ogni caso, arrivano a 20-40 ore a settimana per uno stipendio di 200-750 dollari al mese. La paga media oraria è di 2-3 dollari. I lavoratori con più esperienza possono arrivare al massimo a 6-8 euro. Solo per le task più qualificate, dagli sviluppatori ai data scientist, si possono toccare i 3mila euro al mese. Ma i microlavori non richiedono alcun tipo di competenza specifica e anche il titolo di studio tra chi svolge queste mansioni è più basso rispetto ai classici freelance: il 38% ha una laurea contro il 75% dei freelance.

La domanda è: chi è disposto a lavorare per pochi centesimi a mansione? «Nei Paesi in cui lo stipendio medio è di 20-30 dollari al mese, lavori come questi possono essere interessanti», dice Casilli.

Upwork

Un’offerta su Upwork

Zhubajie

Un’offerta su Zhubajie

Ma Amazon non è l’unico gigante a essersi dotato di un mercato interno di microlavoro. Anche Microsoft ha la sua piattaforma di annunci: si chiama Uhrs. Per due centesimi di dollaro viene chiesto di decidere se una pagina web è per adulti o no, per sei centesimi se un tag è rilevante o no per la ricerca di una certa pagina. IBM ha creato invece MightyAI. Lo slogan è: “The tools you need to generate training data”. Le mansioni consistono nello stabilire in che lingua è scritto un certo testo o nell’identificare gli oggetti presenti nelle immagini. Tutto con uno scopo: allenare le intelligenze artificiali. Il digital labour, umano, è l’ingrediente segreto.

In alcuni casi, poi, il pagamento può essere in natura, ma digitale. È quello che fa ad esempio il colosso mCent, 30 milioni di utenti diffusi in 93 Paesi. La mansione in questo caso è provare e debuggare determinate app partner. In cambio si ricevono dati da consumare all’interno di altre app. Un modo per avere Internet gratis, insomma.

«Assistiamo a un vero processo di cottimizzazione del lavoro per task. Si viene pagati in quanto cliccatori di task», spiega Antonio Casilli. E il mercato non finisce qui. «Esiste poi l’enorme economia dei clic». Accanto ai social network è nata una vera e propria economia parallela con portali in cui si vendono clic a pagamento. E chi c’è dietro i clic? Ancora folle di microworker. «Chi si fa pagare per condividere e likare certe pagine è situato fisicamente in quelle che vengono chiamate “click farm”». O anche “like farm”. Fabbriche dei clic segretissime, dove gli operai digitali a turno cliccano su alcuni link o mettono mi piace ad alcune pagine Facebook. In Rete si trovano immagini e video di questi stanzoni pieni di computer o smartphone. Channel 4 è riuscita a entrare in una click farm di Dhaka, dove per 3 dollari si comprano mille like di Facebook. E i lavoratori giorno e notte cliccano sulla pagina di siti che non hanno scelto, con una paga di un millesimo di dollaro per clic. Lo scopo è manipolare le statistiche dei social media, collezionare quanti più accessi o condivisioni o far salire una app nei ranking di iTunes. Una frode, in teoria. «Ma ogni Paese nega la presenza delle click farm sul proprio territorio e dice che si trova in quello accanto», commenta Casilli.

Clickfarm

Una click farm in Cina

L’Oxford Internet Institute ha mappato il microlavoro nel mondo. I Paesi con la più alta concentrazione di microlavoratori sono Filippine, India, Bangladesh e Pakistan. E anche se si guarda al mercato dei clic, la distribuzione geografica è più o meno la stessa. I maggiori Paesi acquirenti sono Usa, Canada, Australia e gran Bretagna. I Paesi che li producono Pakistan, Filippine, Nepal, Hong Kong, India, Cina, Bangladesh. In alcuni casi si è anche riusciti a identificare la sorgente dei clic, con scoperte esilaranti. «Da una ricerca che abbiamo condotto, è venuto fuori che la maggior parte dei fan che hanno messo like alla pagina Facebook di Donald Trump viene da Filippine e… Messico», dice Casilli. «Se guardiamo la geografia di questi lavoratori, ci si rende conto che non sono sempre accanto a noi. Al contrario, la maggioranza dei microworker è situata in Paesi in via di sviluppo o Paesi emergenti». Dove sono allettanti anche paghe orarie che in Occidente non vengono prese in considerazione.

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La geografia del microlavoro (Source: Oxford Internet Institute)

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Chi compra e chi vende clic nel mondo (Source: Oxford Internet Institute)

Senza dimenticare che ognuno di noi, nel suo piccolo, è un microworker invisibile che lavora per allenare le intelligenze artificiali fornendo loro i dati di cui si cibano. Prendiamo Google Translate: se ci propone una traduzione che non ci piace, veniamo invitati a suggerire la nostra versione. Google registra la nostra traduzione e immagazzina. Così abbiamo lavorato per Mountaine View. Google Search, allo stesso modo, viene allenato dalle nostre ricerche a suggerire quelle più pertinenti.

Ma non sempre questo meccanismo fila liscio come l’olio. Nel caso di reCAPTCHA di Google, ad esempio, fino a qualche tempo fa per recuperare una password bisognava provare di non essere un robot trascrivendo le parole indicate. Parole che poi venivano a loro volta immagazzinate e usate per gli algoritmi di Google Books destinati al riconoscimento testuale dei libri. Lavoro gratuito, insomma. Tanto che Mountain View ha subito anche una class action per frode in Massachussets da parte di un gruppo di utilizzatori di reCaptcha, che volevano essere riconosciuti come lavoratori salariati. La seconda parola richiesta, dicevano gli avvocati, non è finalizzata alla sicurezza ma va solo a beneficio del business di Google che si avvantaggia del lavoro di trascrizione gratuito. Google intanto ha abbandonato il sistema, chiedendo un solo clic per identificarsi come umani. Ma intanto il giudice federale ha respinto la causa, sostenendo che l’eventuale danno non supera il vantaggio, poiché il lavoro di trascrizione gratuito aumenta la precisione di altri servizi gratuiti come Google Map e Google Books. Una sentenza che fa scuola. Siamo destinati a essere microlavoratori. Con la differenza che quello che i microworker in Bangladesh fanno per uno o due centesimi, noi lo facciamo gratuitamente. Buon lavoro.

Corriere della Sera (Italie, 29 mai 2017)

Ne La Nuvola del Lavoro, inserto online del Corriere della Sera consacrato alle evoluzioni dell’economia e dell’impiego, un resoconto dettagliato e ricco di una mia conversazione con la giornalista Barbara D’Amico.

Jobless Society/Non è vero che i robot ci ruberanno il lavoro

29 MAGGIO 2017 | di Barbara D’Amico

(Antonio Casilli, sociologo ed esperto di lavoro digitale)

(Antonio Casilli, esperto di lavoro digitale)

(di Barbara D’Amico)

E’ uno dei relatori di Altri lavori, altri lavoratori, titolo della seconda edizione del Jobless Society Forum (Milano, 30 maggio) – incontro pubblico di confronto internazionale sui temi della rivoluzione 4.0 e del futuro del lavoro – ma Antonio Casilli studia già da anni l’evoluzione di ciò che viene definito digital labour e che in genere si riassume in questa domanda: i robot e l’intelligenza artificiale ruberanno davvero il lavoro agli uomini?

«Sono un sociologo e studio soprattutto il lavoro e la trasformazione del lavoro portata dall’introduzione delle piattaforme digitali, quindi posso definirmi un sociologo del lavoro digitale», spiega a La Nuvola Casilli, italiano, classe 1972 ma professore associato di Digital Humanities presso il Telecommunication College of the Paris Institute of Technology (Télécom ParisTech).

Con una serie di pubblicazioni all’attivo sull’impatto della tecnologia sull’organizzazione del lavoro, Casilli presenta una posizione peculiare rispetto all’idea secondo cui l’intelligenza artificiale e i robot sono una minaccia per operai, freelance e impiegati (ne avevamo già parlato a ridosso della pubblicazione del Rapporto McKinsey sui lavori potenzialmente soppiantabili dall’intelligenza artificiale).

«Io non concordo con la linea secondo cui l’Intelligenza Artificiale (AI) farà perdere posti di lavoro – spiega – La robotizzazione non è un processo lineare ma una scelta manageriale: è chi decide in azienda che sceglie di rimpiazzare il lavoratore, non il robot che non può fare scelte. Il robot non è che una specie di pretesto che il capitalista delle piattaforme usa per sbarazzarsi del ‘lavoratore salariato’ e reclutarlo in un secondo momento come coworker». In questo modo però un lavoratore può svolgere più task, magari imparare qualcosa di nuovo? «Non direi, concordo certamente con quella corrente di pensiero che sostiene che la tecnologia trasformerà, come già avviene, le competenze; però sono meno ottimista di alcuni miei colleghi sulle vere competenze che saranno introdotte… Non basta dire che si impareranno nuove cose e che da qui a 50 anni avremo lavoratori migliori perché più allineati con il mercato digitale e il loro lavoro sarà meno abbrutente».

Secondo Casilli infatti, le competenze richieste ai nuovi lavoratori del digitale – i microworkers – sono in realtà più povere e meno creative di quanto non avvenisse in passato, specialmente per alcune tipologie di mestiere. Colpa di uno dei processi più evidenti messo in moto dall’introduzione di servizi digitali come quelli offerti da Google, Facebook, Amazon: e cioè quello che porta alla “dataificazione” e alla cottimizzazione dei mestieri.

«Pensi al postino che una volta consegnava solo lettere e oggi invece consegna e registra quelle consegne su un tablet – continua Casilli – Ecco, l’attività che svolge si tramuta in dato e la raccolta o l’inserimento dei dati diventa una task. Le task portano alla cottimizzazione, la trasformazione di mestieri complessi in lavoro a cottimo per cui si è pagati sulla base di una specifica task».

Uno dei casi più interessanti secondo il docente di Digital Humanities è quello creato da Amazon con la piattaforma Amazon Mechanical Turk  (letteralmente piattaforma del “Turco meccanico”, espressione che si riferisce a un finto automa del Diciottesimo secolo creato per giocare a scacchi ma che in realtà al suo interno era animato da un uomo in carne ed ossa). «Se lei è una impresa e vuole che qualcuno svolga per lei delle funzioni/task può andare sulla piattaforma di Amazon e reclutare o ingaggiare in unica soluzione anche 10 mila persone che realizzino delle microtask – spiega Casilli – Ad esempio rispondere a questionari, classificare delle immagini, inserire dati. Qui il principio del crowdsourcing è spinto all’estremo ma dimostra anche una cosa importantissima: che l’Intelligenza Artificiale così di default non funziona perché ha bisogno di imparare, di fare machine learning. E chi insegna all’AI ad essere intelligente per svolgere un lavoro? Le folle di microworkers».

Se i robot, o meglio l’insieme di codice e software che determina la produzione di una azienda, non sono in grado di scippare il lavoro all’uomo (e nonostante il tono allarmistico, persino il rapporto del World Economic Forum di gennaio 2016 in realtà mostra che il processo di “scippo” delle mansioni è più complesso e richiede massicci investimenti tecnologici), è indubbio che la digitalizzazione del lavoro stia comunque impoverendo competenze e salario di persone in carne e ossa.  Un problema a cui però ancora non è stata trovata soluzione.

«Più che di salario io credo che nell’era del digital labour sia più corretto parlare di reddito universale e reddito di cittadinanza. La struttura stessa del mercato del lavoro in un contesto di mercato digitale deve superare la logica salariare perché oggi il compenso purtroppo è legato alla task mentre dovrebbe essere legato al fatto stesso che il lavoratore è connesso alla piattaforma digitale: se la vera ricchezza su cui oggi contano Amazon, Google&Co sono i dati prodotti dagli utenti e se noi tutti produciamo dati allora tutti, in quanto prosumers, dovremmo accedere a un reddito universale».

Ma lei come finanzierebbe una misura simile? «Attraverso una fiscalità digitale commisurata alla produzione di valore delle piattaforme: se si tassassero le digital company sulla base della produzione dei dati potremmo redistribuire quella componente di ricchezza a vantaggio dei lavoratori digitali».

Oggi non sembra possibile difendere i microworkers e i sindacati faticano a trovare strumenti rappresentativi di questa fetta sempre più consistente di lavoratori. «Invece il sindacato è oggi più importante che mai a dispetto del fatto che non sia percepito come realtà capace di difendere le istanze delle fasce più esposte – precisa Casilli – Però, le posso dire? C’è una grande effervescenza sul tema del digital labour in ambito sindacale, soprattutto in Europa. In Germania e Svezia ad esempio. Nel 2016 è stata lanciata la Carta di Francoforte in cui i sindacati svedesi e tedeschi si chiedono quali saranno i diritti dei digital workers. Inoltre alcuni stanno creando piattaforme sindacali digitali: è il caso del sindacato dei metalmeccanici tedeschi che ha creato una piattaforma rivolta ai lavoratori digitali, quindi se lei lavora per Amazon o Uber si può iscrivere e segnalare anomalie, abusi ecc… Oppure altri sindacati in Francia hanno iniziato a pensare a forme di app per coordinare gli scioperi, parlare direttamente con gli operai».

E in Italia? «In Italia ci sono 40 anni di subordinazione e para-subordinazione nel mondo del lavoro da mettere sul piatto e l’idea che mi sono fatto è che spesso si diano una parte dei lavoratori di questo vecchio mondo per spacciati, ma appunto è un’idea sbagliata». Inoltre, in quest’ottica di trasformazione, avrà senso tra 30 anni parlare ancora di gerarchie nel mondo del lavoro? «La vera risposta è che le gerarchie si riconfigureranno in un asse back office e front office – conclude Casilli – Oggi la struttura gerarchica delle imprese classiche è quella rappresentata da direttori, quadri, esecutori… Invece le piattaforme digitali ci obbligano a rivedere gli organigrammi: ora conta l’API, l’interfaccia stessa della piattaforma».

Ovvero? «Tutto quello che accade al di qua dell’interfaccia  (le consegne dei cibo, il trasporto del passeggero, e via dicendo) è quello che fanno i microworkers, al di là invece ci sono decisioni prese da un software ma soprattutto decisioni manageriali. Meno struttura piramidale, quindi, e più struttura binaria. Ma al di là dell’organizzazione del lavoro quello che mi preme far passare è che in realtà il digital labour è molto materiale, molto più tangibile di quanto si creda. C’è stata una grande tradizione di ricerca italiana sul lavoro immateriale, ma le piattaforme invece ci mostrano che è tutt’altro che così: il lavoro digitale comporta anche problemi di salute, di sicurezza, aspetti che dobbiamo tenere in considerazione». Nessun allarmismo, dunque, ma un sano bagno di realtà che forse ridimensionerebbe i timori sul futuro del lavoro (e sui lavori del futuro) e non ci farebbe cogliere impreparati da una travolgente avanzata tecnologica.

Marché du travail : entre automation et modèles pré-capitalistes (Alternatives Economiques, 28 mars 2017)

Dans le magazine Alternatives Economiques, Franck Aggeri, professeur de management à Mines ParisTech, fournit une analyse en quatre temps de la question du travail à l’heure des plateformes numériques, à partir d’un compte-rendu d’un de mes séminaires portant sur les liens entre digital labor et automation.

4 idées reçues sur le travail à l’heure des plates-formes numériques

Le  développement fulgurant des plates-formes numériques ne va pas sans  susciter des craintes ou des espoirs que symbolise Uber, entreprise  érigée tantôt en modèle, tantôt en bouc émissaire. L’un des sujets les  plus discutés porte sur les conséquences de ces plates-formes sur le  travail : comment modifient-elles les formes de travail ? En quoi  remplacent-elles du travail salarié par du travail indépendant ? En quoi  contribuent-elles à saper les fondements de notre modèle social et de  notre droit du travail ? Des emplois sont-ils menacés par le travail des  algorithmes ?
Le problème est que l’impact des plates-formes sur  le travail suscite davantage de fantasmes et de conjectures que  d’analyses solides fondées sur des études empiriques. C’est précisément  l’objet du dernier numéro du Libellio d’Aegis,  revue scientifique en ligne, que d’éclairer à partir d’analyses  distanciées et informées les transformations du travail occasionnées par  l’irruption des plates-formes. On y trouve en particulier deux  contributions remarquables d’Aurélien Acquier, professeur de management à  l’ESCP-Europe, et d’Antonio Casilli, sociologue à Telecom ParisTech, et  auteur avec Dominique Cardon d’un livre remarqué sur le digital labor1.
Idée reçue n°1 : une menace pour l’emploi
Première  idée reçue : la révolution numérique menacerait l’emploi. Antonio  Casilli rappelle justement que la question de l’impact des nouvelles  technologies, et notamment du machinisme, est aussi ancienne que la  révolution industrielle. Dès le début du XIXème siècle, certains  économistes comme Thomas Mortimer ou David Ricardo s’inquiètent déjà de  la substitution massive du travail humain par des machines. Cette  crainte s’est avérée infondée car ils ont sous-estimé les potentialités  nouvelles ouvertes par les révolutions techniques qui ont certes détruit  certains emplois mais ont contribué à en créer d’autres dans de  nouveaux secteurs.
Au XIXème siècle, Thomas Mortimer ou David Ricardo  s’inquiétaient déjà de la substitution massive du travail humain par des  machines

A cet égard, le rapport controversé de  Frey et Osborne de l’université d’Oxford paru en 2013 sur  l’impact de l’économie numérique sur l’emploi ne fait que reproduire  les biais d’analyse de leurs illustres aînés. Ainsi, ils prédisent que  47% des emplois sont menacés par la révolution digitale d’ici à 2050 à  partir d’une recension de l’impact de ces technologies sur les métiers  existants sans tenir compte des créations d’emploi associées aux  nouveaux métiers que cette révolution numérique pourrait occasionner.
Idée reçue n°2 : des plates-formes peu intensives en travail
Seconde  idée reçue : ces plates-formes seraient peu intensives en travail.  Antonio Casilli indique que loin de l’imagerie d’un monde gouverné par  les algorithmes, ces plates-formes sont intensives en travail, mais  selon des modalités inhabituelles et largement invisibles du grand  public. Il a notamment le grand mérite de pointer du doigt une première  modalité qui constitue une face cachée de cette économie de  plate-forme : l’exploitation d’un lumpen proletariat en charge  de réaliser un ensemble de micro-tâches visant à compléter, améliorer ou  pallier les défaillances des algorithmes. Cela recouvre une variété de  petites tâches comme transcrire un ticket de caisse, écouter de la  musique et la classer, labelliser des images, identifier des messages ou  des sites douteux, etc. En échange, ces travailleurs perçoivent des  micro-rémunérations qui, à la fin du mois, peuvent aller de quelques  dollars à une centaine.
Quand un internaute reconnaît une image ou retranscrit une phrase, il travaille pour Google

L’autre modalité, également méconnue,  est le travail réalisé par les utilisateurs eux-mêmes. Cette idée que  les clients participent à la co-construction de l’offre n’est pas propre  à l’économie numérique mais elle atteint, dans ce cas, une ampleur sans  précédent. Par exemple, quand un internaute améliore une traduction  proposée, quand il traduit un bout de texte, reconnaît une image ou  retranscrit une phrase, il travaille pour Google. Ainsi, les clients  participent activement sans le savoir à l’activité de ces plates-formes.  Ils contribuent également à les enrichir puisque les clics et les likes  sont vendus à des entreprises commerciales qui sont prêtes à payer cher  pour mieux connaître les besoins et les goûts de clients potentiels.
Idée reçue n°3 : un modèle d’organisation du travail inédit
Troisième  idée reçue : les plates-formes constitueraient un modèle d’organisation  du travail inédit. Aurélien Acquier explique comment le modèle  d’intermédiation des plates-formes transactionnelles ressemble à s’y  méprendre au modèle pré-capitaliste du domestic system dans  lequel des agriculteurs réalisaient une activité ouvrière domestique  (comme coudre, tisser, filer ou tricoter) pour le compte de négociants  en échange d’une rémunération à la pièce ou à la tâche. Ces paysans  réalisaient cette activité avec leurs propres outils. Ils étaient donc  les détenteurs du capital. Comme dans le modèle du domestic system,  les plates-formes ne sont pas propriétaires des actifs (les véhicules  pour Uber, les appartements ou maisons pour AirBnB) ; elles ne gèrent  pas un espace de travail spécifique ; les travailleurs sont  contractuellement indépendants de l’apporteur d’affaires ; les activités  constituent souvent un appoint par rapport à une autre activité  principale.
Les produits et services issus de la vieille économie n’ont pas disparu

Cette forme organisationnelle revient au  premier plan parce que les technologies de l’information facilitent  l’accès à l’information et permettent son contrôle et qu’elles réduisent  les coûts de transaction. Les entreprises y ont recours parce qu’elles  leur permettent d’externaliser les coûts salariaux et les risques de  licenciement, et qu’elles sont peu intensives en capital. Il faut  cependant relativiser leur domaine d’extension. Les produits et services  issus de la vieille économie n’ont pas disparu. Bien au contraire, il  faut bien des contenus à vendre. Par exemple, le numérique n’a pas  remplacé le travail du journaliste ou celui du musicien, il a modifié  les supports pour qu’ils puissent circuler sur ces plates-formes,  fragilisant, il est vrai, les modèles d’affaire des entreprises qui  commercialisaient les anciens types de support (la presse papier ou les  maisons de disque). Pour produire ces contenus, et notamment ceux qui  réclament de l’innovation, il faut toujours des entreprises pour les  concevoir et les produire et organiser les activités y concourant.
Idée reçue n°4 : le travail salarié fragilisé
Quatrième  idée reçue : les plates-formes conduiraient à fragiliser le travail  salarié. Un tel risque existe mais les événements récents soulignent la  fragilité du modèle du travail indépendant associé au développement de  ses plates-formes. Comme le rappelle les procès en France ou aux  Etats-Unis auxquels Uber est confronté, l’entreprise, comme d’autres,  est menacée de voir le contrat commercial qui l’unit aux chauffeurs  considéré comme une forme déguisée de salariat et requalifié comme  contrat de travail.
La démonstration d’un lien de subordination entre une  plate-forme et ceux qui travaillent pour elle dépend du degré de  prescription des tâches

Sur le plan juridique, cette relation  dépend de la capacité à démontrer l’existence d’un lien de  subordination. S’il y a subordination, alors il faut requalifier les  chauffeurs indépendants en salariés, ce qui mettrait en péril le modèle  d’affaire d’Uber qui tire son avantage du fait que l’entreprise  n’endosse pas les mêmes coûts et contraintes que les compagnies de taxis  traditionnelles. Sur un plan technique, la démonstration d’un lien de  subordination éventuel dépend du degré de prescription des tâches,  explique Aurélien Acquier. Jusqu’où Uber prescrit-il aux chauffeurs le  contenu de leurs activités ? Quelle est leur marge de liberté  réelle dans le choix des clients, des trajets ou de la tarification,  etc. ? Si le juge peut établir qu’existe un degré de prescription élevé,  il est probable qu’il estime que le lien de subordination est effectif.  Aurélien Acquier souligne cependant que le degré de prescription est  variable d’une plate-forme à l’autre et qu’il faut éviter toute  généralisation hâtive. Si certaines d’entre elles, à l’instar d’Uber,  encadrent fortement l’activité de leurs chauffeurs, d’autres, comme  Leboncoin par exemple, ne prescrivent pas la nature des relations entre  les utilisateurs de la plate-forme.
Ces analyses sont utiles car  elles nous aident à mieux comprendre le fonctionnement réel des  plates-formes, les enjeux qu’elles soulèvent et les points de vigilance  sur lesquels il est urgent d’enquêter pour éventuellement mieux les  encadrer et les réguler. Elles montrent également que la grande  entreprise et le salariat ne constituent pas des référents adéquats pour  penser le travail sur ces plates-formes, et qu’à l’inverse, d’autres  modèles d’organisation plus anciens, comme le domestic system, peuvent nous aider à mieux éclairer leur fonctionnement et leurs effets concrets.

Le micro-travail : des corvées peu gratifiantes et mal rémunérées (01net, 22 mars 2017)

Dans le magazine 01net du 22 mars 2017, une longue enquête sur les marchés du micro-travail du Sud Global, avec des extraîts d’un entretien que j’ai accordé au journaliste Gabriel Simeon.

Le Calvaire Des Forçats Du Net

Gabriel Simeon

Pour arrondir leurs fins de mois diffciles ou simplement gagner leur croûte, les besogneux du Web acceptent des corvées peu gratifiantes et très mal rémunérées.

Si internet était un iceberg, la partie émergée serait peuplée de Youtubers et de blogueurs, de patrons de géants du net et de startup… Bref, de tous ceux qui ont décroché le pactole en surfant sur ce nouvel eldorado. Le dessous de l’iceberg, l’invisible et l’essentiel, serait composé de ces petites mains payées au clic ou à la tâche, et pour qui net rime d’abord avec cacahuètes. Ces microtâcherons, comme les nomme le sociologue Antonio Casilli, professeur à télécom Paristech et auteur de Qu’est-ce que le digital labor ? (2015), seraient plus d’une centaine de millions dans le monde. Leur point commun ? ils se sont un jour inscrits sur une plateforme Web de microtravail comme il en existe des dizaines : zhubajie (15millions de travailleurs), Upwork (12 millions), CrowdSource (8 millions)… autant de places de marché qui font miroiter des jobs faciles, réalisables depuis un ordinateur, bien au chaud, chez soi. Le paradis des laborieux ? On finirait presque par le croire, si les missions ne se révélaient pas aussi courtes, répétitives et payées au lance-pierre.

Comme sur mechanical turk, mturk pour les habitués. Cette place de marché pionnière, lancée en 2005 par amazon, tire son nom d’un canular fomenté par un ingénieur hongrois du XViisiècle. Le farceur prétendait avoir développé un automate capable de battre n’importe qui aux échecs. C’était bidon. Sous sa machine, se dissimulait un humain en chair et en os qui, lui, était réellement imbattable.

Des souris et des hommes. Ce clin d’oeil à ce subterfuge, censé annoncer la domination des machines sur l’homme, est désormais une des vitrines du géant du commerce en ligne. Sur son site, amazon qualifie très ironiquement son mechanical turk, d’artificial artificial intelligence, autrement dit “d’artificielle intelligence artificielle”. Une façon cynique de rappeler que les robots ne nous ont pas encore tout à fait remplacés. Le site mturk.com met donc en relation employeurs et stakhanovistes du mulot pour confier à ces derniers des travaux que les ordinateurs ne parviennent pas encore bien à réaliser. Par exemple, analyser une image, effectuer une présentation PowerPoint, donner de la visibilité à un site Web, traduire un texte… Signe des temps, beaucoup sont prêts à s’acquitter de ce genre de corvées, en échange d’une (petite) poignée de dollars ou de coupons de réduction.

Gains sans effort. au passage, l’entremetteur capte sa commission (20 % environ du budget consenti par l’employeur), ce qui ne freine en rien son succès. La plateforme compte quelque 500 000 inscrits et 15 000 travailleurs actifs par mois, dont un quart y consacrerait plus de vingt et une heures par semaine. La réussite est telle que d’autres ténors du net, et pas des moindres, se sont lancés sur ce créneau, tels microsoft avec UHRS ou iBm avec Spare. Cette idée de faire appel aux internautes pour exécuter des boulots fastidieux n’est pas tout à fait nouvelle. au début des années 2000, des universitaires avaient déjà eu l’idée de solliciter des amateurs de sciences pour découvrir d’autres étoiles sur des images prises au télescope, dans l’espace. “Depuis, Internet a poussé à l’extrême ce phénomène dit de crowdsourcing” , constate Antonio Casilli. Le système a également été favorisé par l’émergence des emplois à la pige ou en free-lance, ainsi que par le boom de la sous-traitance. Pour autant, les plateformes comme mturk ne sont pas totalement dénuées d’intérêt. grâce à elles, certains disposent maintenant d’un moyen d’arrondir leurs fins de mois, sans même avoir à sortir de chez eux, tout en contribuant aussi à faire progresser la recherche. Plus d’un tiers des activités proposées alimentent des études scientifiques. enfin, le site d’amazon soulage les entreprises en leur donnant accès à une main-d’oeuvre variée, taillable et corvéable à merci… et surtout, très low-cost.

Selon l’institut américain Pew Research Center, près de deux tiers des boulots offerts sur mturk sont rémunérés moins de 10 centimes (on parle de dollar, mais c’est à peu près la même chose en euro). il suffit de s’inscrire sur le site pour le vérifier. Une certaine Shery gould offre une récompense de 0,04 dollar pour qui récupérera les adresses mails des dirigeants d’une entreprise. Plus bas, on propose de convertir des prix américains en euros (0,07 dollar) ou de lister des ingrédients présents sur des photos de produits alimentaires (0,50 dollar, waouh !). À ce rythme, on vous laisse imaginer le nombre d’actions à enchaîner pour gagner sa croûte. Laura, une mère au foyer américaine, a fait le calcul et l’a publié sur un site de turkers (travailleurs mturker) mécontents : “La triste réalité, déplore-t-elle, c’est que j’ai gagné 0,75 dollar de l’heure ces deux dernières semaines, qui seront encore amputés de 15 % après impôts . ” Dix fois moins que le salaire minimum en vigueur dans tout le pays ! Pour les autres turkers, ce n’est guère mieux. La moitié engrange moins de 5 dollars de l’heure, et cela à raison de quarante heures par semaine sans avoir de vacances, soit 10 379 dollars (9 800 euros) à l’année ! tout ça, sans contrat à la clé. Leurs “patrons” ne cotisent ni pour leur santé ni pour leur retraite… et s’ils ne sont pas satisfaits du boulot, les turkers ne sont pas payés !

À la rigueur, le cyberesclave peut se faire une vague idée de la probité de son employeur en consultant son “taux d’approbation”, calculé en fonction des avis d’anciens employés, et mentionné sur son profil. S’il n’est pas content, il n’a qu’à aller trimer ailleurs. Ce ne sont pas les sites qui manquent.

Dix centimes le couple. Peut-être avez-vous déjà entendu parler de la nouvelle application de rencontres Once. Ses concepteurs promettent à chacun de leurs membres de les mettre en relation chaque jour avec une potentielle âme soeur, d’après l’analyse des profils des tourtereaux. alors que, jusqu’ici, la plupart de ces sites avaient recours à des algorithmes automatisés pour dégoter la perle rare, Once innove en faisant appel à des “matchmakers”. Selon le magazine Challenges , ces grouillots de l’amour chargés de trier les profils seraient au moins 150 à opérer en France. ils seraient payés 10 centimes par paire de profils établis. À raison d’un “match” réalisé toutes les trente secondes, sans prendre la moindre pause, ces travailleurs peuvent espérer empocher 12 euros de l’heure. mais attention, ils ne touchent l’argent que si les candidats accouplés ont vraiment le coup de foudre… Ce qui n’arrive qu’une fois sur deux. C’est déjà moins alléchant.

Bon, on fait la fine bouche. Pourtant, dans des pays émergents comme on les nomme à présent, beaucoup sauteraient sur l’occase pour pouvoir manger. L’indonésie fournirait ainsi l’essentiel des micro-tâcherons du net, d’après Antonio Casilli. Là-bas, ces esclaves de la souris offcient carrément dans des fermes à clics, dans le but de partager et Liker des contenus publiés sur Facebook. tandis qu’en inde ou aux Philippines, les crève-la-faim s’échinent à apprendre l’allemand ou le russe pour, ensuite, proposer leur service de traduction contre des clopinettes.

Travailler à l’oeil. encore peuvent-ils s’estimer contents d’être payés. Car aujourd’hui, rémunérer les besogneux en espèces sonnantes et trébuchantes, c’est déjà dépassé. ainsi, les Local guides de google doivent-ils se contenter d’une gratification pour les bonnes adresses de restaurants, les photos qu’ils publient ou les avis qu’ils partagent dans le but d’enrichir la toile déployée par le colosse du Web. en échange, ces gentils Saint-Bernard gagnent un peu d’espace disque sur google Drive ou ont l’honneur de tester en avant-première des appareils promus par la marque. merci, c’est trop, vraiment, vous n’auriez pas dû…

De toute façon, plébéiens du réseau que nous sommes, nous ne réalisons même pas que nous bossons gracieusement pour les mastodontes du Web. n’avez-vous jamais coché la case Je ne suis pas un robot, avant de valider un téléchargement ? Ce système, qui nécessite parfois d’analyser une photo pour prouver qu’on est bien un humain, sert en fait à entraîner les programmes de reconnaissance d’images de google. Dur, dur d’être considéré comme un cyberprolo, quand on se prend pour un champion du mulot. n

Illustration(s) :
Des plateformes comme mTurc font florès sur le Net en offrant aux entreprises des cybertâcherons payés au lance-pierre : moins de 0,10 $ la tâche !
Afflux de Like sur les réseaux sociaux ? Les fermes à clics, comme celle-ci en Chine, sont entrées en action !
Des plateformes comme mTurc font florès sur le Net en offrant aux entreprises des cybertâcherons payés au lance-pierre : moins de 0,10 $ la tâche !
Afflux de Like sur les réseaux sociaux ? Les fermes à clics, comme celle-ci en Chine, sont entrées en action !

Facebook
Facebook est spécialisé dans les prestations de services de réseautage social en ligne. L’activité de la société s’organise autour de 3 pôles : – prestations de mise en réseau : notamment prestations
Facebook
Facebook specializes in online social networking services. The group’s activity is organized around 3 areas: – networking services: primarily information exchanging and photography sharing for the individuals (1.9 billion monthly

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Digital labor, privilège et invisibilisation de la pénibilité (grand entretien dans Le Monde, 11 mars 2017)

Le quotidien Le Monde démarre une enquête sur le digital labor. Le coup d’envoi ? Cette interview que j’ai accordée au journaliste Grégoire Orain.

« Sur Internet, nous travaillons tous, et la pénibilité de ce travail est invisible »

Le chercheur Antonio Casilli explique comment, derrière des services en apparence gratuits, Facebook, Amazon, Google… ont créé une « économie du clic ».

Par Grégoire Orain (propos recueillis par)

Quel est le point commun entre le moment ou vous remontez votre fil Facebook, celui où vous regardez des vidéos sur YouTube et lorsque vous cherchez des photos de chatons sur Google ? Dans les trois cas, vous l’ignorez sans doute, vous êtes en train de travailler.Sur Internet, les grandes plates-formes numériques américaines font tout pour capter notre attention et notre temps, nous offrant des services toujours plus sophistiqués pour communiquer, voyager, nous informer, ou tout simplement consommer.Des outils gratuits, du moins en apparence. Car derrière nos loisirs numériques se cache un bouleversement majeur, mondial, de la façon dont nous produisons de la valeur. De manière plus ou moins invisible, plus ou moins insidieuse, la Silicon Valley nous a tous mis au travail.Antonio Casilli est enseignant-chercheur à Télécom ParisTech et à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS), auteur, avec le sociologue Dominique Cardon, de Qu’est-ce que le Digital Labor ? (INA éditions, 2015).

Dans votre ouvrage, vous expliquez que dès l’instant où quelqu’un se connecte à Facebook, voire à Internet en général, il est mis au travail. De quelle manière ?

C’est un concept que la communauté scientifique appelle le digital labor, c’est-à-dire un travail du clic, composé de plusieurs petites tâches, réalisé sur des plates-formes, qui ne demande pas de qualification et dont le principal intérêt est de produire des données. C’est un travail éminemment social.Sur les réseaux sociaux, par exemple, vous êtes toujours en train de coopérer avec quelqu’un – vous partagez son contenu, likez sa photo, et ainsi de suite –, mais également de travailler pour quelqu’un – le réseau social, qui exploite vos données. C’est ainsi que les grandes plates-formes numériques auxquelles nous avons accès produisent de la valeur.

Quelles sont ces plates-formes, et comment nous font-elles travailler ?

Il en existe quatre types. Le premier type, ce sont les plates-formes à la demande, comme Uber ou Airbnb, qui sous couvert d’une autre activité (transport, location, etc.) font de la production de données, enregistrent nos destinations, notre localisation, nos commentaires, notre réputation, nos évaluations, et qui revendent ensuite ces données.Du côté des chauffeurs du VTC, à lire : Uber crée « une nouvelle population de travailleurs pauvres et mal couverts »Le deuxième type, ce sont les plates-formes de microtravail comme Amazon Mechanical Turk, Upwork, l’application mCent… Des sites sur lesquels des millions de personnes dans le monde réalisent des tâches extrêmement simples [chercher sur Internet l’adresse d’un magasin, numériser les informations d’une carte de visite, décrire les éléments d’une image…] pour des rémunérations extrêmement faibles, de l’ordre de quelques centimes d’euros par minute.Le troisième type, ce sont les plates-formes de gestion de l’Internet des objets. Nos smartphones, nos montres connectées, mais aussi nos télévisions, nos ampoules ou nos thermostats connectés produisent de la donnée qui est ensuite exploitée. Nos maisons se transforment en usine à données, et cette production converge vers les immenses serveurs de Google ou d’Amazon.Le dernier type, enfin, ce sont les plates-formes sociales. Ecrire un post, formuler un tweet, filmer une vidéo pour la partager, mais aussi faire circuler des contenus, signaler ceux qui sont choquants ou inappropriés, c’est du travail, même s’il y a un côté jeu, un côté qui procure du plaisir.

Est-ce vraiment un problème de travailler indirectement et gratuitement pour Facebook ou pour Uber ? Après tout, ils fournissent aussi des services qui sont utiles et pour lesquels nous ne payons pas…

Les personnes qui ne voient pas le souci dans le digital labor sont des privilégiés. Ce sont les gens qui ont le temps et le capital social et culturel nécessaires pour profiter à l’extrême de ce qu’offre le Net. Internet a été conçu pour plaire à ces personnes-là, et celles-ci y trouvent un plaisir fou.  Mais dans le même temps, lorsque nous laissons parler notre privilège, nous faisons l’impasse sur des dizaines de millions de personnes en Inde, en Chine ou ailleurs qui nous permettent de profiter d’Internet pour un salaire de la faim.  Une plate-forme comme Upwork affiche 12 millions de travailleurs enregistrés, autant pour les Chinois de Witmart. Les microtâches réalisées sur ces plates-formes servent à améliorer les intelligences artificielles et les algorithmes des services que nous utilisons, à filtrer les contenus que nous ne voulons pas voir. Un travail invisible, une économie du clic, faite de travailleurs exploités à l’autre bout du monde.

Comment se fait-il que cet aspect de l’activité sur Internet soit méconnu des utilisateurs du réseau ?

Parce que ces entreprises font appel à des ruses pour nous convaincre de travailler pour elles. Pour commencer, la production de données est la plus simple possible. En 2011, Mark Zuckerberg affirmait qu’un partage sur Facebook devait se faire « sans aucune résistance ». On cherche à fluidifier la production de données.  La seconde ruse, qui rend le travail invisible à nos yeux, c’est la « ludification » ; on fait de la production un jeu, ce qui permet aux gens de tirer un plaisir du fait de passer des heures et des heures connectés à des systèmes qui, pourtant, ne cessent de leur adresser des injonctions : clique ici, « like » cette vidéo, commente ton expérience, etc.  Sur les plates-formes de microtravail, c’est la même chose. L’interface d’Amazon Mechanical Turk est assez sympa : des icônes partout, un effet d’émulation entre travailleurs, une valorisation de la réactivité, des scores qui débloquent d’autres jobs à accomplir, etc.  En somme, la ludification permet de pousser les gens à constamment interagir…  Pas seulement. En faisant de la production un jeu, et donc en la sortant de la transaction économique, on minimise le risque que les gens s’organisent, prennent conscience qu’ils sont en train de travailler et, finalement, demandent de l’argent.  C’est pour cette raison qu’il est très difficile d’organiser une prise de conscience collective : tout est fait pour que l’utilisateur soit mis en dehors de la logique contractuelle ou salariale.
Dans ce cas, le « digital labor » n’est-il pas un travail heureux ?

La vraie question n’est pas celle du bonheur ou du plaisir, mais celle de la pénibilité du travail, qui devient invisible. D’autres que nous se tapent les tâches pénibles, les visionnages de contenus méprisables, affreux, terribles, et font marcher le trafic organique dans Facebook. Les personnes qui filtrent les vidéos des égorgements de l’organisation Etat islamique sont aux Philippines, au Mexique, ailleurs. On a délocalisé la pénibilité.

Comment peut-on faire pour prendre en compte ces nouvelles formes de production qui échappent aux cadres habituels du temps de travail, des contrats, du salaire ?

Il y a un problème d’organisation au niveau international, un problème urgent, sérieux, pour lequel il n’y a pour l’instant pas de réponse. Aujourd’hui, si quelqu’un fait grève aux Philippines, un Indonésien va récupérer le travail. Mais ce n’est pas qu’une question de concurrence entre différents pays. Comment donner à tout le monde des droits, la possibilité de contester des conditions de travail ?  En revanche, dans les contextes nationaux, les choses bougent rapidement. Les syndicats, en France, en Allemagne, en Scandinavie, en Autriche, lancent des réflexions sur les travailleurs des plates-formes, de toutes les plates-formes, celles à la demande, bien sûr, comme Uber, mais aussi les plates-formes de microtâches.  Le syndicat allemand IGmetall, par exemple, a lancé Fair Crowd Work, un outil qui doit permettre à ceux qui accomplissent un microtravail de dénoncer les mauvaises pratiques, d’évaluer leurs employeurs, etc.

Si cette régulation ne vient pas, que se passera-t-il ?

Un syndicat, aujourd’hui, ne peut pas se permettre de continuer à avoir les mêmes logiques de dialogue social ou de financement, car les scénarios qui se préparent sont des scénarios de conflictualité.  Elle est déjà là : Uber et tant d’autres font face à des grèves, les modérateurs et les filtreurs s’organisent. Mais en face, les entreprises traditionnelles se « plateformisent » à mesure qu’elles se tournent vers l’exploitation de données, la mise en place d’algorithmes, etc. Cette polarisation demande que les corps intermédiaires sachent de quoi il est question, et quelles sont leurs responsabilités sociales et politiques.

Source: « Sur Internet, nous travaillons tous, et la pénibilité de ce travail est invisible »