Dans ZDNet (1 août, 2016)

Depuis 2009, les ransomwares sont devenus l’arme favorite des cybercriminels. Pourtant, en 1989 déjà, un premier malware de ce type faisait beaucoup parler de lui. Mais force est de constater que les choses ont beaucoup évolué depuis ce premier essai balbutiant.

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« En 1989, on est sur quelque chose d’unique et dans une zone grise du point de vue de la légalité » explique à ZDNet.fr le chercheur Antonio Casilli. Ce sociologue spécialisé dans l’étude des usages problématiques de la technologie a signé en 2015 un article de recherche sur le cas du malware AIDS, publié dans la revue d’ethnologie Terrain. « C’est d’ailleurs intéressant de voir que pour les enquêteurs de Scotland Yard qui se penchent à l’époque sur l’affaire, cette partie du code est en réalité une implémentation des droits d’auteurs qui ressemble plutôt au DRM tel qu’on le connaît aujourd’hui » ajoute-t-il. Mais à l’époque, on ne parle pas encore de DRM et la disquette AIDS fait rapidement parler d’elle.

En plein vide juridique, l’affaire de la disquette AIDS fait rapidement les gros titres de la presse anglo-saxonne, qui s’essaye à l’époque à la vulgarisation informatique. On grossit même un peu le trait, selon Antonio Casilli. « Il y a une certaine disproportion de l’affaire dans les médias. Cela peut être imputé au manque de connaissance sur les questions de cybersécurité autant qu’à l’impulsion de certains acteurs politiques et industriels, qui cherchent à faire passer à l’époque une législation répressive sur ces sujets. » L’affaire de la disquette AIDS sera en effet utilisé en 1990 dans le débat autour du « Computer Misuse Act », première législation britannique sur la cybercriminalité.

Difficile pourtant d’évaluer l’impact réel d’AIDS. Du côté d’Intel Security, on évoque environ 20.000 disquettes distribuées. Mais ce chiffre ne traduit pas forcément le nombre d’infections et encore moins les dégâts causés par le malware. Comme l’explique Antonio Casilli dans la revue Terrain, les articles de l’époque mentionnent de nombreux utilisateurs touchés dans le monde de la santé et de la recherche, mais les détails sont rares et les cas de perte de données restent assez peu documentés. On sait néanmoins qu’un hôpital italien a été affecté : la menace est réelle, mais sûrement pas aussi massive que ce que laissent entendre les médias de l’époque.

Source: Ransomware : retour sur les racines du mal ou l’étrange cas du Dr Popp – ZDNet