Le 1er octobre 2015 nous avons appris la nouvelle tragique du décès de notre collègue et ami Nicolas Auray. Nicolas avait 46 ans et venait de quitter Télécom ParisTech où il avait été enseignant-chercheur depuis 2001, pour devenir professeur de sociologie à l’Université de Nice Sophia Antipolis.
Il avait été parmi les premiers auteurs en langue française à porter un regard, toujours teinté de passion politique, sur le mouvement hacker, sur le crypto-anarchisme, sur le militantisme en ligne. Dans sa liste de publications on croise les grands noms des sciences humaines et sociales (Thévenot, Boltanski, Rancière), les revues qui ont façonné le débat intellectuel en France (Esprit, Multitudes, La Vie des Idées), mais surtout des objets d’étude qui encore aujourd’hui représentent un défi lancé à la sociologie académique (les jeux vidéo, wikipédia, le piratage, le spam, etc.).
J’avais eu le plaisir de travailler avec lui à plusieurs reprises. A commencer par le numéro de la revue Communications que j’avais coordonnée en 2011, pour lequel il avait écrit cet article sur la solidarité à l’heure des réseaux. Nicolas avait ensuite assuré une intervention remarquable sur la politique hacker dans le cadre de mon séminaire EHESS. Il y a à peine quelques mois, j’étais parmi les auteurs d’un numéro spécial “Virus” de la revue Terrain qu’il avait coordonné avec Frédéric Keck.
En guise de souvenir, je me permets de vous proposer une petite sélection de ses articles :
-
La négociation des points de vue : une cartographie sociale des controverses dans Wikipedia francophone (2009, un article fondamental pour comprendre les edit wars sur Wikipédia et le rôle des vandales).
-
La sociologie en rouge et noir (2012, essai-recension de l’ouvrage Enigmes et complots de Luc Boltanski)
-
Manipulation à distance et fascination curieuse : les pièges liés au spam (2012, une étude qui cherche à répondre à la question : pourquoi clique-t-on sur les messages de spam ? parce qu’on n’arrive pas à réfréner “une excitation pour un inattendu heureux”)
-
Pirates en réseau. Prédation, détournement et exigence de justice (2009, comment la politique hacker ne vise pas à créer des lois abstraites, mais s’appuie sur l’auto-modération et sur la redistribution du surplus)
-
Les technologies de l’information et le régime exploratoire (2011, la notion d’exploration curieuse, centrale dans les travaux récents de Nicolas Auray, permet de dessiner les contours d’une “civilisation numérique de l’exploration”)