"Le gouvernement français doit oublier les droits d’auteur s'il veut éviter le pire"

La Commission pour l’Economie Numérique présidée par Alain Bravo vient de remettre à la Secrétaire d’Etat Nathalie Kosciusko Morizet son rapport sur La société et l’économie à l’aune de la révolution numérique : enjeux et perspectives des prochaines décennies (2015/2025).
De prime abord, ses résultats peuvent ne pas paraître surprenants, mais détrompez-vous. Ils représentent une petite révolution dans le contexte français.

Sans céder à l’alarmisme, l’auteur rappelle qu’il n’y a pas de déterminisme technologique – surtout pas de déterminisme du pire – et présente six scénarios possibles :
1. Cloisonnement
2. Hypertoile omnipotente et blocage sociétal
3. Économie numérique au service d’une économie verte
4. Économie numérique au service des interactions sociales et de l’emploi
5. Économie numérique moteur de la compétitivité
6. Renouveau
(pour plus de détails sur les scénarios voir ici)

Il revient, bien sûr, au gouvernement de choisir dans quelle direction aller, et de mettre en place les moyens de gouvernance nécessaires pour réaliser les scénarios les plus souhaitables.

Jusque là rien de nouveau : cela fait désormais 30 ans – depuis la remise du rapport Nora sur L’informatisation de la société – que l’Etat français se charge de régir, avec l’efficacité et la perspicacité d’un douanier ivre, la frontière trouble entre TIC et société.

Mais, là où le rapport devient intéressant, c’est quand il commence à dispenser des recommandations pour opérationnaliser ces scénarios. D’abord, il suggère de créer dans l’enseignement supérieur un véritable cursus de formation des enseignants (grade Master) instituant les sciences informatiques comme une discipline scientifique à part entière.

La deuxième recommandation, qui ne manquera pas de faire des mécontents en Sarkozie, préconise d’élargir l’exception aux droits d’auteur pour les documents multimédias utilisés à des fins pédagogiques. Tant pis pour la nouvelle loi Hadopi, qu’on vient tout juste de mettre en place et qui rend potentiellement illégale toute activité de partage de contenus en ligne qui ne soit pas strictement payant…

On peut s’attendre que la Secrétaire d’Etat réserve un accueil mitigé au rapport. Mais pour l’instant un Bravo (de nom et de fait) au président de la Commission Economie Numérique pour avoir présenté ce document qui représente un énième coup de bélier contre la répression gouvernementale des usages numériques collaboratifs.